Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

l'amendement proposé par M. le comte d'Ansembourg fut rejeté par le sénat.

Un membre.-Vous ne parlez pas de l'adresse de la chambre.

M. LEBEAU. L'adresse de la chambre ne dit pas un mot qui invalide le traité du 15 novembre, et vous ne prétendrez pas, sans doute, qu'une prétérition soit une déclaration de déchéance.

Et lorsque des faits semblables se sont accomplis sous un ministère dont faisaient partie les honorables MM. Ernst et d'Huart, avons-nous, je le demande de nouveau, le droit de nous étonner quelque peu de l'attitude qu'ils ont prise aujourd'hui?

Quoi! le gouvernement, s'exprimant par le discours du trône, s'exprimant par l'organe du Ministre des affaires étrangères au sein des chambres, déclare que le traité du 15 novembre n'est nullement invalidé, et fait rejeter des amendements dont l'adoption pourrait jeter du doute à cet égard; et des membres de ce même cabinet viennent aujourd'hui, au nom de la morale, prêcher la violation du traité du 15 novembre, c'est-à-dire, dans mon opinion, prêcher le mépris de la foi jurée, le mépris d'engagements pris en face de l'Europe et confirmés cent fois par le pays tout entier ! Messieurs, je laisserai à d'autres le soin d'expliquer de pareilles contradictions.

Ainsi, en 1836, le gouvernement reconnaissait devant les chambres la validité du traité du 15 novembre; nulle proposition de déchéance n'a été faite dans les chambres, personne n'a attaqué la validité du traité, ou du moins personne n'a fait passer cette théorie dans les actes parlementaires.

Qu'y a-t-il donc de changé depuis la fin de 1856? Ce qu'il y a de changé, ce qu'il y a de plus, c'est l'adhésion du roi Guillaume, ce sont des modifications au traité, que je crois avantageuses à la Belgique. Est-ce à dire que je sois en extase devant le traité du 15 novembre? Est-ce à dire que je croie qu'on n'aurait pas dû tenir un peu compte de ce qui s'était passé, de la communauté d'intérêts pendant huit ans, enfin de la possession non interrompue depuis la révolution de septembre? Est-ce à dire, Messieurs, qu'il ne faille pas désirer qu'une politique plus humaine, plus sage peut-être, vienne présider un jour aux transactions des cours européennes?

Non, Messieurs, je ne suis pas en extase devant le traité du 15 novembre. Quoique avec moins de bruit, je déplore aussi amèrement que d'autres les pénibles conséquences de ce traité. Mais, Messieurs,

la prescription dans le droit public doit avoir quelque analogie avec la prescription dans le droit civil. Lorsque, il y a deux ans à peine, tout le monde parlait encore de la validité du traité du 15 novembre, que du moins aucun pouvoir ne la niait, on ne peut pas aujourd'hui, parce que le roi Guillaume a adhéré au traité et qu'on y a introduit des modifications avantageuses à la Belgique, déchirer un document sur lequel repose, aux yeux de l'Europe, notre titre de nation.

La conférence, d'ailleurs, qu'on ne l'oublie pas, n'est pas omnipotente. La conférence n'a pas seulement à respecter les droits de la Belgique et de la Hollande, mais elle a à respecter le droit d'autres petits États qui font partie de la confédération germanique.

Croyez-vous que dans la Bavière, dans le Wurtemberg et dans le Hanovre on n'ait pas les mêmes susceptibilités que vous avez ici? Croyez-vous que l'énergie que la conférence a trouvée ici, et qui l'a obligée, en face de la Hollande et de la Belgique, d'arriver à la solution de la question belge par mille précautions; croyez-vous que cette énergie ne se rencontre pas ailleurs qu'ici? Croyez-vous que l'Angleterre n'ait pas à respecter aussi les droits de la confédération? Croyez-vous que la France ait été bien d'accord avec les puissances du Nord pour maintenir les 18 articles? Croyez-vous que la France n'ait pas vu avec une sorte de satisfaction, qu'il ne m'appartient pas de juger, parce que je ne me crois pas plus Français que les Français mêmes, la conversion des 18 articles en traité des 24 articles? Les 18 articles nous faisaient entrer dans la confédération germanique, tandis que les 24 articles nous en faisaient sortir résultat qu'on a proclamé à la tribune française comme un succès politique.

On parle d'une politique nouvelle, d'une Europe nouvelle; mais cette politique nouvelle, cette Europe nouvelle, ce n'est pas par la résistance, par la guerre, c'est par la paix, que vous la verrez se former, c'est sous l'influence de la paix, des idées généreuses qui se développent sous les auspices de la paix, que l'on parviendra à faire tenir meilleur compte des sympathies populaires et à substituer des affinités naturelles aux affinités factices, à constituer les nations d'après leur origine, leurs mœurs, leurs croyances, leurs affections, etc., non d'après des lignes arbitraires ou des cours d'eau. Mais, pour cela, la prolongation de la paix est nécessaire. Avec la guerre reparait l'Europe ancienne, l'Europe que la guerre a faite. Messieurs, la chambre et le pays ont hâte d'en finir : aussi je crois

devoir abréger les considérations dans lesquelles je me proposais d'entrer pour motiver mon vote.

Je crois avoir déjà fait justice de quelques exagérations qui se sont produites dans le cours de cette discussion. Il en est une encore que je ne puis passer sous silence.

A entendre les partisans de la résistance, nous sommes des trafiquants de chair humaine, nous sommes des fratricides. On a été jusqu'à dire qu'en adoptant la proposition du 23 janvier, nous allions verser le sang innocent.

Je suis presque tenté, par une réaction naturelle contre de pareilles exagérations, de prendre la défense de celui qu'on vous représente comme une espèce de Néron au petit pied. Eh quoi! en replaçant sous la domination du grand-duc de Luxembourg les populations cédées, nous faisons la traite des blancs, nous les mettons en quelque sorte sous le fouet du planteur! Messieurs, il faut être juste envers tout le monde; il faut être juste même envers le roi Guillaume. Il ne faut pas oublier que celui que vous désignez comme si cruel, ce Néron au petit pied, est cependant le même prince qui donnait un asile aux proscrits de la restauration; il ne faut pas oublier que ce prince, qu'on représente comme un réactionnaire si violent, a eu cependant dans ses conseils un Ministre de Louis - Napoléon, et qu'il a encore parmi les membres de son cabinet un homme qui a juré haine à la maison d'Orange.

Je crois qu'il serait temps de parler un autre langage envers celui à qui peut-être bientôt le Roi des Belges va jurer paix et amitié ; je crois qu'il serait temps surtout de parler un autre langage à l'égard de la Hollande, avec laquelle notre union commerciale peut se resserrer autant peut-être que sous l'ancien royaume des Pays-Bas ; il est temps de parler un autre langage à l'égard de la Hollande, avec laquelle les vicissitudes de la politique et la défense de notre nationalité peuvent nous associer un jour. Croyez-moi, c'est un mauvais moyen de nous réconcilier avec la Hollande que de la blesser, de l'humilier dans le prince qui préside encore aujourd'hui à ses destinées.

On ne s'est pas borné à ce genre d'exagération.

Notre système a été pour la troisième fois accusé de lâcheté, d'inhumanité. Nous sommes des ingrats, nous sommes des égoïstes. Voyons, Messieurs, ce qu'il y a de réel dans ces assertions.

Qu'est-ce qui surtout a fait accepter à la Belgique la convention du 21 mai, qu'il était de son intérêt de repousser pour obtenir une reconnaissance définitive? L'espoir de conserver les territoires cédés.

Qu'est-ce qui nous dirigeait, lors de cette misérable affaire du Grunenwald, dans nos armements immédiats, dans les sacrifices votés alors par la législature, afin qu'il ne fût pas porté atteinte à la sécurité des habitants du Luxembourg? Le désir de maintenir le statu quo intact, et par suite l'espoir de conserver les territoires cédés.

Qu'est-ce qui, lors de cette adresse présentée à la chambre, a fait dévier des hommes consciencieux de cette politique prudente et sage qu'ils avaient constamment préconisée? Qu'est-ce qui a enchaîné leur voix prête à signaler cette déviation que déjà ils regardaient comme dangereuse? Évidemment le désir de ne pas nuire aux négociations et un vague espoir de conserver les territoires cédés.

Qu'est-ce qui nous a fait voter et supporter des armements ruineux, qui a fait rappeler les soldats de la réserve sous les armes et laisser dans la misère et les larmes leurs femmes et leurs enfants? Le désir, l'espoir de conserver les territoires cédés.

Qu'est-ce qui a contribué si puissamment à aggraver la crise qui pèse sur le pays? Qu'est-ce qui a fait chòmer depuis longtemps les magasins de nos détaillants, qui n'ont rien de commun avec les sociétés anonymes si vivement attaquées ici? L'état d'incertitude et d'anxiété amené, prolongé dans l'espoir de conserver les territoires cédés.

Qu'est-ce qui a soutenu la patience de la nation, en présence de nombreuses banqueroutes, de la stagnation du commerce, de la clôture de nos fabriques et d'une immense population d'ouvriers jetés sur le pavé? Le désir de conserver les territoires cédés.

Ce n'est pas assez ! il faut aller jusqu'au suicide, il faut que, sans espoir de vous sauver, la Belgique s'éteigne dans l'agonie d'une mort lente ou dans les convulsions de l'anarchie; ou bien il faut, par une résistance, par des provocations imprudentes, essayer de ramener sur l'Europe le cataclysme de 1814-1815. Mais songez-y, Messieurs. Savez-vous bien que les chances ne sont pas égales? Savez-vous qu'après de pareilles tempêtes, vous pourriez bien surnager comme Limbourgeois, comme Luxembourgeois, mais qu'il n'y aurait plus de place pour une Belgique? Ah! Messieurs, le sentiment de l'injustice peut amener une réaction très-naturelle dans les esprits: prenez - y garde, le reproche d'ingratitude et d'égoïsme pourrait bien changer

de bouche... Je m'arrête ici, car je veux remplir encore un devoir envers vous c'est de comprimer au fond de mon âme les réflexions prêtes à s'en échapper.

M. DE THEUX, Ministre des affaires étrangères et de l'intérieur. – Messieurs, j'ai été étonné lorsque j'ai entendu, dans la dernière séance, un honorable député de Mons accuser tour à tour les Ministres des affaires étrangères qui ont occupé ce département depuis 1831 jusqu'à ce moment, de s'être laissé abuser par une crédulité facile, d'avoir entraîné les chambres dans des erreurs graves. L'honorable membre avait-il donc perdu la mémoire de ce qui s'était passé au congrès? avait-il perdu le souvenir du discours qu'il a prononcé à la séance du 1er février 1851, pour appuyer l'élection du duc de Nemours? Jamais un homme politique n'a donné une preuve de plus grande crédulité, jamais une assemblée n'a été entraînée à prendre une décision plus décevante.

Voici, Messieurs, ce que disait M. Gendebien à la séance du 1er février 1831:

«En élisant le duc de Nemours, nous avons la certitude qu'il acceptera. Toutes nos lettres venant de Paris, nos relations avec de hauts personnages en France, la voix patriotique et persuasive de la Fayette, le vœu de la France entière nous sont un sûr garant que les sentiments paternels de Louis-Philippe, d'accord avec les intérêts et la politique de la France, ne lui permettront pas d'hésiter un seul instant. »

L'orateur qui tenait ce langage était membre du gouvernement provisoire, chef du comité de la justice, et venait de remplir une mission diplomatique à Paris. Cependant qu'est-il advenu de ces belles promesses? Le congrès s'est laissé entraîner par ce discours, l'élection a eu lieu, et elle était à peine consommée que le refus de Louis-Philippe était connu de la Belgique. Cette décision a failli avoir les conséquences les plus funestes; vous le savez, un temps précieux fut perdu pour l'élection d'un Roi; les partis reprirent toutes leurs espérances, et le mois de mars faillit nous amener la restauration.

Dans cette même discussion, Messieurs, le même orateur cherchait encore à effrayer le congrès au moyen d'une note diplomatique que le gouvernement provisoire avait reçue de la France. « Je pense. disait-il, qu'avec le duc de Leuchtemberg, nous n'aurons ni le

« ZurückWeiter »