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« employé afin de diminuer les pertes d'hommes, tout en donnant de grands avantages à son pays. Cependant, malgré « ces graves considérations, je ne pense pas que l'on doive < approuver le moyen employé pour s'emparer du pont Spitz. Quant à moi, ajoute-t-il, je ne voudrais pas le faire << en pareille circonstance (1). »

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55. On a coutume d'user, pour tromper la vigilance de l'ennemi que l'on veut surprendre, des mêmes signes extérieurs dont il use lui-même. Cette pratique ne laisse pas que de faire naître certaines difficultés. Sans doute rien n'est plus admissible que d'imiter, si l'on y voit quelque avantage, ses sonneries de clairons ou ses batteries de tambours, de surprendre son mot d'ordre et de s'en servir. Mais peut-on revêtir ses uniformes, employer son drapeau ou son pavillon? La question ici est plus délicate.

Il est universellement admis que l'on ne doit ouvrir le feu qu'après avoir fait cesser toute équivoque sur ce point. Ainsi, en temps de guerre maritime, lorsque deux navires se rencontrent, l'un tire un coup de canon à blanc et arbore son pavillon. L'autre est tenu d'agir de même, et ce cérémonial est considéré comme équivalant à la parole d'honneur des commandants qu'ils se présentent sous leurs véritables couleurs. Cette règle mise à part, nous tombons dans l'incertitude, et voyons les auteurs se diviser. Quelques-uns interdisent absolument l'usage d'insignes, de costumes, d'étendards ennemis ; d'autres, plus nombreux, le permettent (2).

Il paraît assez raisonnable de faire une distinction sur ce point, de prohiber l'emploi du drapeau, mais de permettre l'usage des uniformes et insignes. Le drapeau est le signe traditionnel qui représente la nation, et il semble contraire à la loyauté la plus élémentaire de ne pas respecter son carac

4) Général MARBOT, Mémoires, t. I. p. 240. Cp. J. VOET, Droit militaire, ch. 1, § 25.

(2) En ce dernier sens se prononcent BLUNTSCHLI (Völkerrecht, § 565); CALVO (Droit international, t. IV, p. 176 et notre Manuel français \p. 11); en sens contraire GUelle (Précis, t. I, p. 104) et le Manuel de l'Institut (art. 3).

tère sacré. L'uniforme n'a ni la même importance, ni la même signification et si quelque officier avisé, pour faire passer un convoi à proximité des postes de l'ennemi, revêt ses conducteurs de l'uniforme ennemi, il ne me semble pas qu'il commette la moindre faute contre l'honneur. On observera cependant que la conférence de Bruxelles (art. 13, b) a prohibé cette sorte de dissimulation.

56. Il est hors de doute que les belligérants sont dans l'obligation absolue de respecter les signes conventionnels adoptés par les nations civilisées, pour indiquer certaines situations spéciales, sources de devoirs reconnus pour l'une et l'autre armée, tels que, par exemple, la croix rouge de Genève ou le drapeau parlementaire.

Il y aurait une perfidie extrême à se servir de ces emblèmes pour échapper à un danger pressant.

Les troupes allemandes ont été accusées par la circulaire. de M. de Chaudordy, du 25 janvier 1871 de s'être servies de la Croix Rouge pour abriter des convois de minutions d'autre part le comte de Bismarck (cir. du 9 janv. 71) (1) avait déjà de son côté reproché à nos francs-tireurs d'avoir indûment fait usage de ce même signe. Ces protestations mutuelles, dont le bien fondé n'a jamais été complètement éclairci, servent au moins à montrer l'intérêt que l'on attachait de part et d'autre à l'observation des règles susdites. De même, dans un camp et dans l'autre, on a cité des cas où l'on avait tiré contre des parlementaires, mais on comprend qu'en cette matière les infractions soient faciles, et que des fautes matérielles puissent être commises sans la moindre intention de manquer aux prescriptions du droit des gens. Les chefs feront sagement d'instruire leurs hommes de leurs devoirs, et de veiller à ce qu'ils s'y conforment exactement. Ce sera pour eux le plus sûr moyen d'obtenir de l'ennemi une observation suivie de ces mêmes devoirs. Il est certain qu'une lutte ne peut manquer de dégénérer en pure barbarie qu'autant que les adversaires

(1) V. ces deux circulaires dans VALFREY, la Diplomatie du gouvernement de la Défense nationale, t. III, p. 311 et 324.

ont une certaine confiance dans leur probité réciproque. De là vient la nécessité de respecter scrupuleusement le sens, non seulement des insignes conventionnels ou coutumiers, mais même des gestes qui ont d'après la pratique ordinaire une valeur définie. Des soldats qui se rendent jettent leurs armes ou lèvent la crosse en l'air. Si, par stratagème, ils usent de ce signe pour attirer une troupe ennemie et la décimer par une décharge à bout portant, il ne sera que juste de les massacrer jusqu'au dernier.

57. Le souci de la loyauté à observer ne va pas jusqu'à interdire au commandant en chef d'une armée d'envoyer des espions dans le camp adverse.

Sans doute le fait de l'espionnage est puni, même très sévèrement, mais ce n'est pas qu'il soit incorrect, c'est en raison des graves dangers qu'il peut faire courir à l'armée au détriment de laquelle il est pratiqué. Il est également de bonne guerre de se garantir de l'espionnage, et d'en recueillir même l'avantage, au moyen de ce qu'on appelle des intelligences doubles, en persuadant au prétendu espion de paraître se prêter au service que l'on attend de lui, de capter ainsi la confiance de l'adversaire, et d'en profiter pour l'induire en erreur sur tous les points qu'il aurait intérêt à connaître.

Il est permis d'accueillir les transfuges de l'armée ennemie et de les incorporer dans ses propres troupes, mais on n'y est nullement obligé, comme quelques-uns le pensent, et un général qui les remettrait à l'ennemi, pourrait agir à l'encontre de ses intérêts, mais ne se rendrait coupable, en ce faisant, d'aucune trahison.

Il est également permis de se servir de la déloyauté d'un traître, pourvu que cet acte qu'on lui commande ne soit pas de ceux que prohibe le droit des gens, comme le serait l'assassinat d'un général ennemi.

Est-il licite d'inciter ses adversaires à la trahison? On se souvient que Philippe de Macédoine disait déjà que nulle place n'était imprenable lorsqu'on pouvait y faire entrer un mulet chargé d'or. On a dit de lui qu'il avait acheté la Grèce

plutôt qu'il ne l'avait conquise. Souvent un général se trouve dans la nécessité d'employer la corruption pour obtenir le résultat qu'il désire, et l'opinion générale est que, en agissant ainsi, il ne fait rien que de légitime. La déloyauté n'existe que pour celui qui se laisse corrompre. Quant à celui qui corrompt il se borne en somme à profiter de la faiblesse de son adversaire, et il a raison de le faire.

58. Il est possible enfin que l'état de guerre se complique au détriment de l'une des Puissances engagées, du fait d'une insurrection.

Quel est le devoir de l'ennemi en face de cette situation nouvelle ?

. Peut-il profiter de cette insurrection? On n'hésite pas à lui reconnaître ce droit. Un ennemi peut et doit profiter de toutes les causes de faiblesse qui se manifestent chez son ennemi. Il en est particulièrement ainsi lorsque l'insurrection représente une idée qui a été précisément la cause de la guerre. Elle est alors une justification des hostilités, et une raison nouvelle de les pousser jusqu'au bout. Il est parfaitement naturel, par exemple, que dans les guerres que font périodiquement à la Porte les Puissances européennes pour l'obliger à améliorer le sort de ses sujets chrétiens, les belligérants s'appuient sur l'état d'insurrection qui ne manque jamais de suivre ou de précéder l'ouverture des hostilités. Il est tout aussi naturel que des ennemis qui se présentent, pour une fraction du peuple qu'ils attaquent, comme des libérateurs, acceptent et utilisent le concours de cette fraction de la population, et personne n'a jamais fait un crime à Napoléon d'avoir tiré parti des sentiments du peuple Polonais dans les guerres qu'il a poursuivies contre la Russie (1). Même au cas où l'insurrection ne se rattacherait en rien à la cause de la guerre, l'ennemi a le droit de l'utiliser.

(1) On ne saurait davantage bláamer le gouvernement américain d'utiliser dans la guerre actuelle le concours des insurgés cubains ni de chercher à les soutenir dans la lutte qu'ils ont engagée contre l'Espagne. Mais avant la guerre, les secours qui leur étaient fournis constituaient une violation du devoir international de non intervention. (V. la lettre précitée de M. le juge Phelps).

Cependant il fera mieux de s'abstenir, au moins dans le cas où il s'aperçoit clairement que la révolte est l'œuvre de malfaiteurs, et que son succès nuirait gravement à l'ordre général.

Le même sujet fait naître une autre question : Peut-on susciter une révolte dans le pays que l'on se propose de conquérir? L'opinion sur ce point est plus sévère. Elle n'admet pas qu'un semblable procédé soit licite. Il est permis de suborner une personne, il n'est pas permis de pousser un peuple ou une armée à l'insurrection. Et en effet cet acte, s'il était admis, aboutirait à faire de la guerre un principe de dissolution intérieure pour chaque Etat. Nous savons qu'entre ennemis on doit cependant se reconnaître les droits et la situation d'Etats indépendants. La provocation à la révolte est un attentat à l'existence même de l'Etat ennemi, et cet attentat, n'étant nullement justifié par la nécessité, devient une infraction aux règles du droit des gens (1).

Signalons en finissant une ruse de guerre parfaitement légitime, et qui paraît devoir prendre dans les guerres modernes une grande importance: c'est la propagation de fausses nouvelles. Ce moyen a de tout temps été employé, mais la diffusion de la presse lui procure un nouvel effet. Les Allemands, en 1870, ont fréquemment fait imprimer et répandre de fausses éditions de journaux français, et ce subterfuge ne leur a pas été inutile (2).

59. Ce qu'il importe de noter en terminant, c'est que ces règles doivent être suivies dans tous les cas. Elles constituent non seulement la manière habituelle de faire la guerre (Kriegsmanier), mais la seule manière de la faire dignement. Que l'on ne parle donc pas des cas de nécessité pressante,

1) DE MARTENS, Traité de droit international, t. III, p. 208; HEFFTERGEFFCKEN, Droit international, § 129, p. 283; BLUNTSCHLI, Völkerrecht, § 524, n. 2.

(2) La diffusion de fausses nouvelles paraît un des grands ressorts employés dans la guerre hispano-américaine dont les phases se déroulent actuellement. Les divers bruits mis en circulation touchant les mouvements de la flotte de l'armiral Cervera sont un bon exemple de cette façon de procéder.

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