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conserve aux Etats particuliers une personnalité distincte, il n'y a rien de nécessaire à ce que la guerre de l'un soit aussi la guerre des autres. La question, du reste, est de nature à se présenter rarement, car dans toute fédération il est d'une prudence élémentaire de réserver le droit de faire la guerre et l'obligation de la subir à l'autorité centrale. Aucun Etat moderne ne s'écarte à notre connaissance de cette règle (1).

5. Les relations qui existent entre Etat protecteur et Etat protégé suscitent un problème plus délicat et plus pratique. Toute guerre est-elle nécessairement commune au protecteur et au protégé ?

Il semble qu'il faille pour la solution de ce problème séparer deux cas différents. Lorsqu'un Etat protégé fait la guerre, nous considérons comme impossible la neutralité de l'Etat protecteur. Il arrive en effet de deux choses l'une ou bien c'est avec l'autorisation de son protecteur que le protégé a pris les armes; alors il est du devoir du premier de le défendre, et il ne peut le faire qu'en joignant ses armes aux siennes; ou bien c'est contre le gré du protecteur, gérant responsable de ses relations internationales, que le protégé a déclaré la guerre; en ce cas, à peine d'engager gravement sa responsabilité à l'égard des Etats tiers, le protecteur a le devoir d'agir sur son protégé pour le contraindre à renoncer à son entreprise.

S'agit-il au contraire d'une guerre particulière au protecteur, hypothèse bien plus pratique, alors nous hésiterions beaucoup à décider que le protégé doit prendre fait et cause du protecteur belligérant. Si en effet il est du devoir du protecteur de défendre son protégé, on ne peut pas dire qu'il incombe réciproquement à ce dernier d'appuyer de ses armes. la cause de l'Etat au protectorat duquel il se trouve soumis. Il paraît donc certain qu'un Etat protégé peut demeurer neutre, alors que son protecteur se trouve engagé dans un état

(1) V. Constitution de l'empire allemand, art. 11; Constitution fédérale suisse, art. 8; Constitution des Etats-Unis d'Amérique, art. 1, sect. VIII, 11°; Constitution mexicaine, art. 85, § 8; Constitution argentine, art. 67, N° 2. § 18; Constitution brésilienne, art. 34, 11°.

d'hostilités. Cependant une circonstance particulière peut faire obstacle à cette séparation de situations entre protecteur et protégé au cours d'une guerre. Fréquemment l'Etat protecteur entretient une certaine quantité de troupes sur le territoire protégé. L'existence de ces troupes appartenant à un belligérant n'est pas un obstacle absolu à ce que l'Etat protégé reste neutre, et l'on comprendrait que les troupes elles-mêmes fussent placées par convention spéciale des belligérants en dehors du cercle des hostilités; ce serait une localisation de guerre assez semblable à celle qui se pratique quand on convient qu'une certaine portion du territoire des belligérants restera en dehors des hostilités (1). Mais à défaut d'une convention semblable, la présence de troupes de l'Etat protecteur sur le territoire protégé compromet ce dernier, et le protégé devrait obtenir de son protecteur le retrait de ses troupes pour être certain de jouir des avantages de la neutralité.

6. A plus forte raison, un Etat subordonné à un autre Etat par des liens de vassalité (liens communs autrefois, beaucoup plus rares aujourd'hui) ne serait-il pas fatalement impliqué dans toutes les querelles de son suzerain. C'est ainsi que la Bulgarie, la Roumélie Orientale et l'Egypte n'ont pris aucune part en 1897 à la guerre de la Turquie contre la Grèce. Inversement la Turquie n'a pas considéré comme étant de son devoir de soutenir la Bulgarie dans le conflit qu'elle eut avec la Serbie en 1885 (2).

(1) Les conventions particulières excluant toutes hostilités de certains territoires désignés étaient assez fréquentes autrefois ; il en fut passé plusieurs entre la France et l'Autriche par l'intermédiaire des cantons suisses au sujet du Frickthal et des villes forestières, Waldshut, Laufenbourg etc., particulièrement au XVIII siècle (V. LAMEIRE. De la neutralité de la Haute-Savoie, p. 24 et s.) La neutralité toujours existante de certains territoires de la Haute-Savoie et de la Savoie (art. 92 de l'acte final du Congrès de Vienne) est le dernier reste subsistant de stipulations de cette sorte. Le sens de cette dernière neutralité est souvent très mal entendu et il est à craindre qu'elle ne cause un jour à la France de graves difficultés (V. notre Droit de la guerre t., II, p. 302 et suiv.).

(2) V. à ce sujet la chronique de M. ROLIN-JAEQUEMYNS dans le R. D. I. 1886, p. 512 et s.

La question de savoir si un Etat vassal ou tributaire est nécessairement entraîné dans les guerres de son suzerain, dépend surtout de la rigueur plus ou moins grande du lien de subordination qui les unit. Une province douée d'une certaine autonomie comme la Syrie, l'Arménie ou la Crète dans l'empire Ottoman, suivra à cet égard la fortune de l'Etat auquel elle est incorporée. Au contraire, une province qui ne conserve plus par rapport à son ancien maître que des liens relâchés de vassalité, devra être réputée indépendante quant aux guerres qui peuvent le concerner.

Il y a là, on le voit, une question de fait à décider; et, dans le jugement de cette question, la latitude plus ou moins grande laissée au vassal, quant à l'organisation de ses forces militaires et maritimes, sera justement considérée comme l'élément de solution le plus important.

Les rapports existants entre Etats à ce point de vue présentent même parfois une complication de nature à rendre très douteuse la question qui nous occupe. Ainsi en est-il au sujet de la Bosnie et de l'Herzégovine. Ces deux provinces de l'empire Ottoman n'ont jamais cessé théoriquement au moins, de faire partie des domaines du Sultan, mais leur administration a été remise par l'article 25 du traité de Berlin de 1878 à l'Autriche-Hongrie. Depuis lors, les Autrichiens y règnent en maîtres, et ils sont allés jusqu'à incorporer dans leur armée nationale les contingents Bosniaques et Herzégoviniens (1). Qu'arriverait-il en cas de guerre, et de quel peuple ces deux provinces devraient-elles partager le sort? La question est fort douteuse, car si en droit les habitants de ces provinces sont demeurés de nationalité ottomane, en fait, ils sont devenus de véritables sujets autrichiens.

Il faut remarquer encore que l'état de guerre dans lequel se trouve une nation ne se communique pas nécessairement à une autre nation jointe à la première par les liens de l'union personnelle (2). Ces deux nations n'ont en effet de commun que

(1) V. SPALAIKOVITCH, La Bosnie et l'Herzégovine. Etude d'histoire diplomatique et de droit international, p. 184 et s.

(2) Ainsi la Belgique ne pourrait pas être impliquée sans sa volonté

la seule personne de leur souverain. Il en serait autrement de l'union réelle dans laquelle les pays réunis ne forment qu'une seule et même personne internationale.

7. Nos anciens auteurs se préoccupaient beaucoup de l'influence que pouvait exercer une guerre sur le sort des alliés des deux parties belligérantes. La question est moins importante aujourd'hui; non que le nombre des alliances ait. diminué, mais parce que l'on parait être arrivé à donner des solutions satisfaisantes aux diverses questions qui se posent.

On trouvera dans les auteurs du XVIIe siècle et particulièrement dans Vattel (1), de longs développements sur le point de savoir dans quels cas un allié est obligé d'épouser la cause de son allié. Cette question ne mérite pas de nous arrêter longtemps. Sa solution dépend avant tout des termes du traité, et c'est en les interprétant que les intéressés découvriront s'ils se trouvent ou non dans un casus fœderis. Remarquons qu'un allié ne peut jamais être tenu de supporter la cause de son allié lorsqu'il la juge inique et contraire au droit. Remarquons encore qu'alors même que l'obligation d'assister son allié est pour un Etat incontestable, cet État est dispensé de la remplir, lorsque sa situation intérieure lui interdit, à peine de graves dangers, de prendre les armes.

Ce sont ces restrictions, c'est aussi le peu d'empressement que manifestent généralement les alliés pour les causes qui ne les intéressent point directement, qui ont valu aux alliances leur réputation bien établie de fragilité.

Il est plus intéressant et plus pratique de se demander si un belligérant peut traiter comme ennemis les alliés de son adversaire, alors même que ces derniers n'ont fait aucun acte d'hostilité. Vattel (2) se tirait de la difficulté au moyen de

dans une guerre que viendrait à soutenir l'Etat du Congo. Seulement, pour jouir en pareil cas du bénéfice de la neutralité, elle devrait rappeler les forces qu'elle entretient sur le territoire de l'Etat libre, et peut être même les fonctionnaires de nationalité belge qu'elle y a envoyés.

(1) V. VATTEL, Le Droit des gens, liv. III, ch. VI, p. 423 et s. (2) VATTEL, loc. cit., p. 436 et s.

nombreuses distinctions. La solution en est aujourd'hui plus facile. Les alliés ne méritent d'être considérés comme ennemis que tout autant qu'ils font honneur à leur parole en prenant part aux hostilités. D'autre part, il n'est pas admissible qu'un belligérant reste indéfiniment sous le coup de la menace qui résulte pour lui d'une alliance contractée par son adversaire; on lui permet donc d'interroger celui-ci sur ses intentions, et de le mettre en demeure de répondre s'il entend rester fidèle à l'alliance ou s'il préfère la dénoncer; le refus de répondre à cette sommation serait considéré comme une cause légitime de déclaration de guerre.

8. Nous nous sommes occupé jusqu'ici des Etats qui peuvent se trouver entraînés à prendre part aux guerres des autres Etats, mais n'existe-t-il pas inversement des nations qui, par suite de leur situation particulière, se trouvent incapables de faire la guerre ?

Telle est, en effet, la condition des Etats qui bénéficient d'une stipulation de neutralité perpétuelle, et de la garantie internationale qui y est attachée. Dans cette catégorie se trouvent la Suisse en vertu des traités de 1815, la Belgique depuis 1831 (traités du 15 nov. 1831, art. 7, du 19 avril 1839, art. 7), l'Etat libre du Congo (1) depuis 1885 (2). Les droits et les devoirs des Etats perpétuellement neutres ne laissent pas à notre point de vue que d'engendrer d'assez graves difficultés.

(1) La neutralité du Congo n'est pas tout à fait analogue à celle de la Suisse et de la Belgique. Les puissances signataires de l'Acte général de Berlin du 26 février 1885 ne se sont point obligées, comme dans les cas précédents, à garantir cette neutralité, mais seulement à la respecter au cas où le souverain territorial, déclarant son intention de demeurer neutre, remplirait les devoirs de la neutralité. Il en résulte que cette neutralité ne s'impose qu'aux Puissances signataires du traité de Berlin, que l'Etat du Congo ne peut compter que sur lui-même pour la faire respecter, et que son souverain, qui l'a établie par une déclaration, pourrait par une déclaration contraire s'affranchir de ses liens.

(2) Un traité du 14 novembre 1863 avait décrété la neutralité perpétuelle des iles loniennes ; cette neutralité a été restreinte aux îles de Corfou et de Paxo et à leurs dépendances par la convention du 29 mars 1866. Le Luxembourg participe à la neutralité belge depuis le traité du 11 mai 1867.

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