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fond et original, dit-il, fut le premier et mème le seul qui donna au problème de l'origine des idées et de la certitude, qui en découle, l'unité de système et la dignité de science. » En quoi consiste cette unité? Rosmini « établit une seule forme universelle, qui est le principe de toutes les perceptions (Nouvel essai sur l'origine des idées). Cette forme suprême est l'idée de Dieu considérée comme L'ETRE; cette forme rend tous les objets intelligibles. En effet, dit Rosiini, quand je me dis à moi-même qu'il existe un être donné quelconque, particulier ou réel, je ne me comprendrois pas, je ne saurois ce que je dis si je ne savois déjà qu'une chose est un être, qu'une chose est une entité; donc l'idée de l'ètre en général doit être en moi et précéder tous les jugements par lesquels j'affirme qu'il y a un être particulier ou réel. L'essence de l'ètre ne peut donc être connue par aucune autre notion, mais par elle-même; elle est le moyen de faire connoître toutes les autres choses; elle est la lumière de la raison; c'est dans ce sens qu'on dit que l'idée de l'ètre est innée et qu'elle est la forme qui donne l'intelligence. L'esprit qui la regarde et l'acte de l'intuition sont hors d'elle; l'esprit en la regardant, ne se regarde pas lui-même. Quand l'essence de l'être prend le nom d'objet, c'est une chose opposée à l'esprit auquel est réservé le nom de sujet. D'après cela on voit que, lorsque nous disons que l'être idéal est une forme de l'esprit, nous prenons ce mot forme dans une signification tout à fait opposée aux formes de Kant, puisque les formes de Kant sont toutes subjectives, tandis que la nôtre est objective, et que c'est même un objet par essence. » Plus loin il dit : « L'essence de l'ètre s'appelle ètre idéal; et ses réalisations êtres réels. Si l'être idéal se considère dans ses rapports avec les réalisations possibles, on l'appelle être possible. pierre angulaire, la source et le lien de la plus précise unité, ajoute Mgr Audisio. est l'idée de l'étre considérée en général, forme universelle de la pensée, objective dans l'âme, capable de réalisation parmi tous les ètres possibles. » Selon Mgr Audisio, le système de Rosmini, considéré dans son intégrité, est le système le plus profond, le plus vaste, le mieux enchainé que la philosophie ait produit depuis longtemps. Il conseille aux jeunes gens qui en sont capables, d'étudier non-seulement l'Essai sur l'origine des idées, mais encore toutes les œuvres de cette grande lumière du clergé italien.

La

A Rosmini succèdent Gioberti et Centofanti. Mgr Audisio fait un tel éloge de Gioberti qu'on avertit dans une note que Gioberti ne le mérite pas. Gioberti cherche un principe ontologique qu'il appelle formule idéale et dans laquelle toutes les notions possibles doivent ètre renfermées virtuellement. Il exprime ce principe dans les termes suivants : L'étre crée les existences. Chaque membre de cette formule, dit l'auteur, représente une réalité qui subsiste effectivement en elle-même, en dehors de l'esprit humain, une réalité par conséquent essentiellement ontologique. Cette réalité est absolue et nécessaire dans le premier membre, c'est-à-dire dans l'ére; elle est relative et contingente dans le dernier membre, c'est-à-dire dans l'étre créé. Le lien qui unit ces deux membres, c'est la création ; c'est-à-dire une

action positive et réelle, mais libre par laquelle l'ètre, c'est-à-dire la substance et la cause première, crée les substances et les causes secondes, les gouverne, les contient, et les perpétue dans le temps en perpétuant son action, laquelle, relativement à la durée, est une création continue.

Au dire de Mgr Audisio, la formule de Gioberti comprend, dans la sphère la plus vaste, la tradition catholique et la science italienne. Si l'auteur, ajoute-t-il, pouvoit en écarter toutes les difficultés, et la démontrer complètement, elle transporteroit la philosophie dans les régions lumineuses qui planent au-dessus de la sphère obscure du criticisme.... Mais jusqu'ici il n'a pas encore établi et démontré logiquement le point d'où il part pour arriver de conséquence en conséquence jusqu'à l'etre créateur des exis

tences.

Qu'est-ce donc au fond que la philosophie de Gioberti ?

Cela n'empêche pas Mgr Audisio de tirer des conséquences favorables des systèmes de Rosmini et de Gioberti. «< Que reste-t-il encore à faire à la philosophie, dit-il? Avec Rosmini, elle a établi une analyse profonde de l'intelligence humaine, elle a jeté à terre le matérialisme et le sensualisme, elle a donné une impulsion nouvelle et généreuse aux esprits de l'Italie. Désormais la philosophie ne s'arrêtera plus aux systèmes de l'être possible; et suivant la voie lumineuse que lui a tracée Rosmini, elle donnera une base à la psychologie et s'enracinera profondément dans une ontologie solide et vraie. D'un autre côté, Gioberti a renoué et fait revivre la tradition scientifique; il signale les écueils du psychologisme, prépare à l'ontologisme de brillants succès, et donne un fondement noble et sérieux à l'encyclopédie, c'est-à-dire, à la genération et à la disposition synthétique de toutes les sciences. Maintenant donc, la psychologie et l'ontologie, ces deux grands rameaux sur lesquels s'épanouit la philosophie, ne doivent plus se séparer; elles doivent dans une union étroite, vivre de la même sève et d'une scule et même vie. »

La chose semble difficile à comprendre. Jusqu'ici, Gioberti « n'a pas encore établi et démontré logiquement le point d'où il est part; et d'un autre côté, il a donné un fondement noble et sérieux à l'encyclopédie.... et sa formule, si elle n'est pas le premier principe phi losophique, sera du moins le but, le guide, le frein de toutes les intelligenees; elle sera le principe encyclopédiqus d'où part et où retourne la science universelle des êtres! Comment concilier cela?

L'existence de Dieu et la notion d'un Créateur, voilà, selon Mgr Audisio, « la clef de toute la science, le fondement universel des connoissances humaines. Cette notion est aussi simple que sublime; sans elle, point de pensée, point de parole possible: en la niant, nous l'affirmons. Elle n'est pas seulemeut dans la raison, elle est le fait même de la raison. La raison ne peut exister ni se concevoir autrement; elle est la lumière de l'âme, le premier souffle qu'elle respire, la vie qui circule dans son sein et la fait vivre. Cette notion est ancienne; mais l'exposer scientifiquement en en faisant jaillir des trésors de science, seroit chose toute nouvelle. Cette notion saisie et développée par un grand génie, arrachera la science à ce paganisme

nouveau, qui a envahi presque toute la philosophie de l'Europe, et l'enrichira de tous les trésors du christianisme. »

En disant cela, Mgr. Audisio semble parler en son nom; et ici nouvelle difficulté. Si la notion d'un Dieu créateur est la première de toutes les vérités, la base de toute philosophie, la clef de toutes les sciences; si elle est en même la lumière de l'âme, le premier souffle qu'elle respire, qu'avons-nous encore à chercher? et pourquoi cette vérité doit-elle être développée par un grand génie? N'est-elle pas suffisamment connue, si elle est notre premier souffle? En quoi d'ailleurs ce développement consisteroit-il, s'il n'a pas été donné jusqu'à présent?

Vient ensuite un éloge pompeux de Malebranche et un exposé de son système sur l'origine des idées. « Si la France, dit-il, veut se former à l'école de ce grand homme, sa philosophie couvrira de honte le sensualisme de Locke, le matérialisme de Voltaire, l'idéalisme des cartésiens et le rationalisme de Kant, le pantheisme de Spinosa, de Fichte, de Hegel et de Cousin. »

Finalement, Mgr. Audisio prétend que la philosophie rationnelle, si on veut la restaurer, doit prendre pour règle et pour fondement saint Thomas; et comme il pense qu'aucun livre scolastique n'expose plus nettement la philosophie rationnelle de saint Thomas que l'ouvrage de Roselli (1), il voudroit qu'on en fit une nouvelle édition, au moins de la partie rationnelle et morale. «L'ecclésiastique, dit-il, doit toujours s'éclairer à la lumière de lá révélation, non pour convertir en un dogmatisme absolu les sciences de la raison, mais pour les guider dans leur marche, dilater l'esprit et vérifier leurs progrès. Par cette méthode, saint Thomas, successeur de saint Augustin, disciple d'Aristote pour la forme, et de Platon pour les idées, devint le Platon de l'Italie et même de tout le monde chrétien. C'est donc dans saint Thomas que la philosophie doit prendre ses premiers principes, sans renoncer aux vérités nouvelles qu'apportèrent les siècles qui les suivirent, ni à celles que lui prépare l'avenir. »

Que résulte-t-il de tout cela et que faut-il faire? A comparer tout ce que Mgr. Andisio a dit sur cette matière, il seroit difficile de répondre. Et si c'est un défaut dans toute espèce d'ouvrage, à plus forte raison en est-ce un dans un livre qui doit servir de direction dans l'enseignement. Il nous semble que les jeunes gens qui se destinent à l'état ecclésiastique, ne pourroient, sans de graves inconvénients, suivre l'auteur partout où il veut les conduire. L'exposé philosophique qu'il leur met sous les yeux, suffiroit seul pour les troubler et pour les empêcher de faire un choix. Nous ne craignons pas de dire qu'il leur faut un guide plus sûr.

(1) Fr. Salvatoris Maria Rossellis. theol. maj. ordinis prædicatorum, summa philosophica ad mentem anjelici doctoris sancti Thomæ aquinatis. Roma 1752.

ESSAI SUR LA REFORME CATHOLIQUE

PAR BORDAS-DEMOULIN ET F. HUET.

Paris 1836 chez Chamerot et Ladrange; vol, in-12 de VIII-644 p.

MM. Bordas Demoulin et Huet annoncent qu'ils continuent ce qu'ils ont commencé; et en effet l'Essai sur la réforme catholique est une suite naturelle des Pouvoirs constitutifs de l'Eglise, ouvrage qu'ils ont publié en 1855. Ce n'est pas un traité ni un raisonnement suivi, mais un recueil d'environ vingt-cinq pièces différentes, qui n'ont pas toutes un rapport direct avec l'objet qu'on se propose.

« Nous nous efforçons toujours, disent les deux auteurs, de concourir à régénérer l'Eglise. Loin de nous sans doute la prétention que les évèques, la majorité des prêtres qui les suivent aveuglément, ni les laïques qui font de la religion un instrument politique, se corrigent. On verroit plutôt la Seine passer sur le haut des tours de Notre-Dame. L'endurcissement incurable est le châtiment du pharisaïsme. Qu'est-ce donc que nous espérons ? C'est qu'il se forme un nouveau peuple catholique qui ait pour loi l'Evangile au lieu du Jésuitisme, qui est la loi du peuple actuel. Ce nouveau peuple séparera complètement l'Eglise de l'Etat. Repoussant tout despotisme, il gourernera l'Eglise avec le concours de tous ses membres. Repoussant toute superstition, il n'aspirera qu'à adorer Dieu en esprit et en rérité. Il mettra sa confiance en Jésus-Christ, le vrai, l'unique médiateur. Les Saints seront simplement des frères qui s'intéressent à nous, prient Dieu par Jésus-Christ, d'entendre nos besoins, d'accueillir nos demandes raisonnables, et désirent seulement que nous glorifiions Dieu de leur félicité et que nous imitions leurs vertus. On ne connoitra point les indulgences publiques et communes. Les indulgences seront appliquées dans la confession par le prètre qui les dispensera avec sobriété. Excepté le baptême pour les enfants avant l'âge de la raison, on ne croira point que les sacrements justifient subitement et par leur seule énergie, et qu'il suffise, par exemple, de recevoir l'absolution, la communion, pour être justifié. On reconnoîtra que le christianisme doit réaliser toutes les promesses de l'Ancien Testament, et qu'il apporte aux hommes les biens de la terre avec les biens du ciel, Mais on ne cherchera le bien-être physique que dans la mesure où il sert à la liberté de l'âme. On fuira lé luxe, les divertissements de théâtre, les occupations vaines, tout ce qui extériore, frivolise la vie et dégrade la majesté chrétienne. Ce sera sous l'influence de la charité rallumée dans les âmes que l'activité humaine se déploiera. Quiconque peut travailler, la loi éternelle lui ordonne de le faire utilement. S'il y manque, vivant de ce que les autres produisent sans rien produire lui même, il est un voleur public. Le nouveau peuple catholique rétablira la vérité dans les choses. Poussant à toutes les rénovations, il les coordonnera pour les ramener à une seule, qui est de réhabiliter les peuples sur le globe entier, et de

relever partout à Dieu le genre humain déchu. Déjà ce peuple germe en plusieurs pays il a des laïques et quelques prètres. Ils ront se multiplier avec rapidité. Le débordement impétueux, sans limite, de la domination papale et prélatale, le délire de changer la foi et d'imposer l'hérésie, ouvrent les yeux. provoquent les résistances et créent des adhérents et des ouvriers à la réforme fondamentale que l'Eglise demande. »

Tel est le but, telles sont les espérances de MM. Bordas-Demoulin et Huet.

Ils divisent en trois parties les pièces dont ce volume se compose. Dans la première, se trouvent les écrits ou les articles suivants: De la mission et des destinées du catholicisme; des doctrines théocratiques; quelques effets de l'appui tant ranté que l'Eglise a reçu des empereurs romains; lettre à Mgr. l'archevêque de Paris, sur la constitution de l'Eglise, les rapports de l'Eglise avec l'Etat et sur la situation actuelle de l'Eglise : sur l'union du catholicisme et de la démocratie; au pape Pie IX, lettre où M. Huet se plaint de ce que son ouvrage Le règne social du christianisme a eté mis à l'Index; Décadence actuelle et rénovation prochaine de l'Eglise.

La deuxième partie comprend les quatre morceaux suivants; Le gallicanisme; Sur l'histoire de l'Eglise pendant la révolution française (pièce considérable qui se compose de 7 numéros: 1. Constitution cirile du clergé; II. Réponse de la Faculté théologique de Fribourg sur la validité des sacrements administrés par les prétres assermentés de l'Alsace; III. Eglise constitutionnelle; IV. Petite Eglise; V. Nouvelle et inutile tentative, en 1804, pour obtenir des constitutionnels une rétractation; VI. Grégoire, éréque constitutionnel de Blois; VII. Réflexions sur le refus de sacrements fait à M. Grégoire, par Mgr. de Quélen, archevêque de Paris, et sur la décision du ministère à ce sujet); Réponse à l'AVENIR, journal de M. l'abbé de Lamennais (19 juin 1831); Le dernier concordat entre l'Autriche et Rome.

La troisième partie concerne l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge et comprend ces trois articles: Quatre lettres sur l'Immaculée Conception avec une note additionnelle; Etude sur la bulle INEFFABILIS DEUS; Appel aux catholiques contre la nouvelle hérésie, et conclusion sur la réforme catholique.

Le volume se termine par un article sur la philosophie de M. de Bonald, en réponse à la Revue catholique de Louvain.

Ce n'est pas une simple réforme que les auteurs proposent, mais une Eglise nouvelle, une Eglise régénérée et toute différente de l'Eglise existante. Aussi n'espèrent-ils rien de la part du clergé et des fidèles qui forment cette dernière; ils comptent sur un nouveau peuple. D'où il faut conclure que l'Eglise actuelle a cessé d'être l'Eglise véritable ou qu'elle ne l'a jamais été. Dans l'un et l'autre cas, c'est donner un démenti à son divin Fondateur, qui a promis d'ètre toujours avec elle et qui a prédit que les puissances des ténèbres ne prévaudroient jamais contre elle. Et dès lors appartient-il à MM. Bordas-Demoulin et Huet de fonder un christianisme quelconque?

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