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Quels sont donc les droits de l'État sur son territoire? L'État a le droit et le devoir d'établir les lois devant régir ceux qui l'habitent, de les appliquer aux cas controversés, de les mettre à exécution à l'aide de moyens coercitifs; par conséquent, il peut, il doit imposer une loi commune et uniforme à la propriété privée des na

droit que le droit de souveraineté territoriale, en d'autres termes, que le pouvoir d'édicter, d'appliquer et d'exécuter les lois ? Nous ne le pensons pas et nous estimons, au contraire, qu'indépendamment de l'imperium, de la publica potestas, l'État est investi du dominium eminens. Le domaine éminent, comme le dit fort justement Wheaton (Éléments du droit international, 3e édit. t. I, p. 159), consiste dans le droit qu'a l'État, en cas de nécessité ou pour le salut public, de disposer de tout bien renfermé dans ses limites. Ce pouvoir, qui s'étend sur tout le territoire, c'est-à-dire sur l'ensemble des propriétés privées, constitue, d'après nous, un véritable droit réel. Il doit être distingué du droit d'expropriation pour cause d'utilité publique, auquel il est antérieur et dont il est le fondement. Vainement objecte-t-on que l'État n'est pas propriétaire des fonds qu'il exproprie, puisqu'il est tenu de payer, avant toute prise de possession, une juste et préalable indemnité. En effet, il faut remarquer, tout d'abord, que la prise de possession par l'État n'a pas toujours été précédée, notamment en France, du paiement préalable d'une indemnité, (v. les lois du 28 pluviòse an VIII et du 16 septembre 1807); en second lieu, chacun sait qu'en cas d'urgence, et spécialement quand il s'agit de travaux de défense, l'État prend possession des terrains dont il a besoin, sauf règlement ultérieur de l'indemnité due aux propriétaires dépossédés. Dès lors, n'est-il pas évident que le droit de l'État sur le sol exproprié ne prend pas sa source dans le paiement d'une indemnité? D'ailleurs, on admet généralement que le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique ne s'applique qu'aux immeubles. Or le droit de l'État s'étend aux meubles aussi bien qu'aux immeubles. Il faut donc, d'après nous, reconnaitre que le domaine éminent attribué à l'État constitue à son profit un droit sui generis, distinct du droit de propriété individuelle, mais antérieur et supérieur à ce dernier. (Note du trad.)

tionaux ou des étrangers, comme à la propriété publique, en assurer la défense et en garantir la sécurité contre ceux qui voudraient troubler les propriétaires dans la jouissance pacifique de leurs biens; empêcher, par la force, tous les actes d'usurpation que des étrangers ou des nationaux auraient l'intention de commettre; déterminer les modes et les formes de l'acquisition et de la transmission des diverses propriétés; exercer à leur égard le droit de succession à défaut de parents au degré successible et de dispositions testamentaires; il peut et il doit établir les circonscriptions administratives, judiciaires et politiques; déterminer les compétences et les juges naturels; interdire tous les usages de la propriété contraires à la salubrité publique, à la tranquillité des citoyens et à la fin sociale; exiger la cession des biens que l'on considère comme indispensables à l'usage public moyennant une indemnité préalable; percevoir les taxes et les impôts qui sont l'équivalent de la garantie et du respect qu'il assure aux propriétés particulières. L'État a le droit de faire passer et séjourner ses troupes sur les propriétés privées pendant le temps qu'exigent les besoins sociaux, d'empêcher que des armées étrangères ne traversent son territoire et de les forcer, dans le cas contraire, à déposer les armes et à se soumettre à la souveraineté nationale, d'y faire flotter son drapeau, d'y prohiber des actes d'hostilité entre les forces de terre ou de mer des belligérants étrangers, d'édicter toutes ces lois, aussi bien pour les nationaux que pour les étrangers, tant sur le territoire continental que sur le territoire insulaire,

maritime ou fluvial, de permettre, sous des conditions et des lois déterminées, ou d'interdire l'accès du territoire aux étrangers, d'empêcher la poursuite d'un délinquant étranger réfugié sur le sol national, en ayant la faculté de l'extrader ou de le consigner directement à l'autorité qui le réclame, s'il existe un traité d'extradition, de permettre ou d'interdire le cours des monnaies étrangères, de représenter, comme un seul tout, les propriétés particulières à l'égard des étrangers en les comprenant sous la désignation de territoire de l'État, d'exercer tous ces droits, ainsi que ceux qui en sont les conséquences et dont l'ensemble se résume dans la souveraineté, à l'exclusion de toute autorité étrangère, par suite, de faire, au besoin, la guerre contre tout peuple prétendant soumettre à sa juridiction le territoire national. Mais la souveraineté dont il s'agit ici diffère de la souveraineté entière, à laquelle appartient exclusivement le droit de contracter des alliances, de stipuler des traités, de conclure des conventions postales, sanitaires et de navigation, d'envoyer et de recevoir des agents diplomatiques et consulaires, etc.; elle n'a trait qu'au territoire, et, au lieu d'être appelée propriété internationale, elle nous paraît devoir être désignée sous le nom de souveraineté territoriale (1). On peut la définir le droit d'établir, d'appliquer et d'exécuter les lois sur le territoire de l'État.

Le droit de souveraineté territoriale a pour corrélatif,

(1) Hautefeuille (des Droits et des devoirs des nations neutres en temps de guerre maritime, t. I, p. 185), l'appelle domaine souverain, et Bluntschli (Droit international codifié, p. 162), souveraineté du territoire,

chez les autres peuples, un devoir négatif qui consiste dans l'obligation de ne pas troubler le libre exercice de la souveraineté nationale dans le territoire de l'État. La souveraineté territoriale est un droit absolu, en ce sens qu'elle n'existe pas envers un seul État, mais à l'égard de toutes les nations.

§ 3.

Les conditions essentielles à l'existence de la souveraineté territoriale sont :

1o La possession exclusive d'un territoire;

20 Le droit d'exclure les autres du gouvernement de ce territoire;

30 La nécessité de les en exclure pour pouvoir en jouir.

La souveraineté suppose nécessairement la possession, parce qu'elle renferme l'imperium et qu'il n'est pas possible de régner sur ce que l'on ne possède pas.

Ce pouvoir disparaît aussi quand les autres ne sont pas exclus du gouvernement de la chose sur laquelle il s'exerce, parce que deux souverainetés ne peuvent pas coexister sur le même lieu sans se détruire réciproquement, en raison de la nature éminemment exclusive de l'autorité souveraine.

Ce pouvoir est nécessaire, parce qu'il se réfère à des choses épuisables. Les choses inépuisables n'ont pas besoin d'être soumises à un gouvernement, parce que chacun peut en jouir d'une façon illimitée et simultanément. Admettre le contraire, ce serait autoriser, en

pure perte, un monopole illicite des forces de la nature au profit de quelques-uns et au préjudice des autres. Ainsi le peuple qui prétendrait se réserver exclusivement l'air ou les rayons du soleil porterait préjudice aux autres nations sans aucun bénéfice pour lui, parce que sa jouissance ne serait nullement amoindrie par celle de ses voisins. Par conséquent, le droit d'exclusion, relativement aux éléments épuisables sur lesquels ne peut s'exercer une jouissance illimitée et simultanée de plusieurs personnes juridiques, n'est ni arbitraire ni absurde; il est imposé par la nécessité. S'il s'agit d'une chose en partie inépuisable et en partie épuisable, le droit de souveraineté devra être limité à la partie épuisable seulement. Ces trois conditions nécessaires à l'existence de la souveraineté territoriale sont aussi ses limites, en ce sens que la souveraineté peut s'exercer sur les éléments qui réunissent ces conditions et dans la mesure que celles-ci le comportent.

§ 4.

La souveraineté territoriale est une partie de la souveraineté générale; celle-ci réside dans la nation (1); c'est donc par la nation ou par ceux qui commencent à la fonder que la souveraineté territoriale peut être acquise, et non point par les princes ou par une classe déterminée de personnes. Cette vérité n'est pas douteuse; car, puisque la nation exerce ses droits par ceux

(1) V. sect. I, ch. IV, §§ 7 et 8.

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