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CHAPITRE VI

DES DEVOIRS ET DES FONCTIONS DES AGENTS DIPLOMATIQUES

SOMMAIRE: 1. Qualités personnelles nécessaires aux agents diplomatiques. – 2. Conduite qu'ils doivent tenir dans l'exercice de leurs fonctions. — 3. Ils doivent informer leur gouvernement des faits qui se produisent dans la nation dans laquelle ils demeurent. 4. Attributions des agents diplomatiques relativement aux négociations engagées entre les États qu'ils représentent et ceux auprès desquels ils sont accrédités. — 5. Attributions des ministres publics relativement à leurs nationaux.

$ 1.

Nous avons démontré que la souveraineté appartient à ceux qui sont capables de l'exercer, et que les emplois publics doivent être attribués aux personnes qui, par leur intelligence et leurs vertus, ont l'aptitude nécessaire pour les remplir. Nous avons ajouté que la nomination des fonctionnaires n'est autre chose que la reconnaissance officielle des appelés. Ces principes exigent donc que ceux-là seuls soient chargés de missions diplomatiques qui ont l'intelligence, la vertu et l'instruction requises par les fonctions dont ils sont revêtus.

Cela posé, le ministre public, pour remplir les obligations inhérentes à sa charge, doit se livrer à une étude spéciale des affaires faisant l'objet de sa mission, connaître préalablement les rapports qu'ont entre

eux tous les États, et spécialement ceux qui existent entre la nation qu'il représente et celle auprès de laquelle il est accrédité. A cet effet, il est tenu d'étudier exactement les documents historiques et diplomatiques contenus dans les archives de la légation et du ministère des affaires étrangères de son pays, afin d'acquérir une connaissance complète des négociations et des différends internationaux survenus entre sa patrie et la nation étrangère. Il doit aussi étudier le caractère du prince, des gouvernants et des peuples avec lesquels il est en contact, pour que non seulement ses actes n'aillent pas à l'encontre de leurs tendances, mais encore qu'ils soient en harmonie avec elles.

Il faut que l'agent diplomatique soit modeste, et non point vain et orgueilleux; sans cela, il devient ridicule. S'il laisse voir qu'il a une trop grande opinion de luimême, s'il prend un ton magistral et dogmatique, ou s'il se croit un personnage, il ressemble, suivant l'expression du prince de Talleyrand, à un géant en raccourci. Tout cela ne l'empêche pas d'être prompt et spirituel dans ses réparties, qui, parfois, peuvent faire respecter la nation qu'il représente. Un prince voulant humilier un ambassadeur avec lequel il était sur un balcon lui dit : « Un de mes ancêtres fit sauter un jour un ambassadeur de ce balcon. - C'est possible, répondit sèchement ce dernier, car à cette époque les ambassadeurs ne portaient pas d'épée. » Un roi de France s'entretenant avec le marquis de Gargallo, ministre du roi de Naples, qui ne voulait pas subir ses exigences, lui dit : « Vous n'avez pas réfléchi que mon armée peut demain

franchir les Alpes, traverser en deux jours l'Italie et le troisième jour, à midi, se trouver à Naples. Oui,

répondit le ministre sicilien, mais Votre Majesté n'a pas réfléchi non plus que son armée marchant avec tant de rapidité pourrait se trouver en Sicile à l'heure des Vêpres. >>

Il est extrêmement utile que le ministre public connaisse la langue du pays dans lequel il exerce ses fonctions, afin d'être à même de comprendre les discussions politiques qui s'élèvent dans les chambres, dans la presse et les cercles élevés de la nation. Enfin, il est de son devoir de n'accepter de mission diplomatique de son gouvernement qu'auprès des nations au sein desquelles

il

peut le plus facilement faire triompher ses idées. Sans cela, il se trouvera en opposition permanente avec les tendances du pays étranger, et il lui sera difficile de maintenir cette juste harmonie et cette communion d'idées qu'on doit, autant que possible, favoriser entre les divers peuples.

§ 2.

Les agents diplomatiques doivent expliquer avec habileté les actes de leur gouvernement, demander aux États étrangers des explications sur les leurs, quand ils sont de nature à avoir une signification hostile, écarter toutes les causes de désaccord entre leur pays et les gouvernements auprès desquels ils sont accrédités, et féconder, au contraire, les germes qui peuvent faire naître et accroître l'amitié et les bons rapports. Pour

atteindre ce but, il est de la plus grande utilité pour les ministres publics de savoir se concilier, par des moyens honnêtes et licites, l'affection des princes, des gouvernants et des peuples avec lesquels ils sont en contact, en agissant de façon à s'attirer leur sympathie et leur respect, sans préjudice toutefois de leur dignité et de celle de leurs fonctions.

Néanmoins, les envoyés sont tenus de s'abstenir de toute ingérence dans les différends intérieurs du pays auprès duquel ils sont accrédités. Ils méconnaîtraient même leurs fonctions s'ils encourageaient les factions qui divisent les États étrangers, ou s'ils prenaient part à des intrigues de cour ou de partis. Aussi, était-ce à bon droit que M. Drouyn de Luys, dans une dépêche qu'il adressait, le 8 février 1865, au comte de Sartiges, ambassadeur de France à Rome, se plaignait de deux lettres écrites par le nonce apostolique à Paris, pour approuver l'opposition des évêques français à la politique du gouvernement, et déclarait catégoriquement que, par sa conduite, l'envoyé pontifical avait gravement compromis le caractère dont il était revêtu. Les agents diplomatiques doivent encore participer aux solennités nationales du pays dans lequel ils résident, en s'abstenant toutefois de prendre part aux réjouissances incompatibles avec leur neutralité, par exemple, aux fêtes célébrées à l'occasion d'une victoire remportée sur un État ami de leur nation.

Le premier devoir des agents diplomatiques consiste à faire respecter le droit non seulement envers leur patrie, mais encore envers tous les peuples; ils sont, en

effet, des magistrats internationaux, et non pas des mandataires d'un prince, et ils ont l'obligation de veiller à la réalisation complète de l'ordre juridique international. Dans ce but, ils sont chargés de surveiller la conduite du gouvernement avec lequel ils sont en contact, de se renseigner sur ses actes, sans éveiller toutefois, par leurs investigations et leurs imprudences, les susceptibilités des autorités locales. Quand celles-ci laissent voir des desseins pouvant nuire à l'ordre juridique international, ils doivent s'efforcer, par tous les moyens dont ils disposent, de les détourner de leurs injustes projets, afin d'obtenir ainsi le respect de la justice entre les peuples.

Le ministre public est tenu, dans l'accomplissement de sa mission, de se conformer aux instructions de son gouvernement et de mettre tout en œuvre pour les exécuter. Franc et loyal, il doit mépriser ces artifices subtils, indignes de la fonction qu'il remplit, qui, loin de lui gagner la confiance, ne lui attirent que la défiance et le mépris de ceux avec lesquels il entretient des relations, et qui bien souvent compromettent la réussite des négociations qu'il dirige.

La politique de la tromperie et du mensonge est le propre des hommes médiocres, qui, privés d'une âme forte, intelligente et droite, cherchent dans leur lâcheté le moyen de suppléer à leur défaut de génie ou de véritable habileté, et recourent à tous les mesquins expédients imaginés par la fourberie humaine pour échapper à l'accomplissement d'un devoir et au respect d'un droit. Quand ils ont pris l'habitude de mentir et de tromper, les hommes finissent par ne plus savoir s'ils disent vrai

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