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PREMIÈRE PARTIE

PROLEGOMÈNES

SOMMAIRE: I. Caractère spécifique du système juridique international.II. Des conflits internationaux.

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III. L'alternance juri

dique des états de paix et de guerre. — IV. La paix armée. V. Vanité de l'idée de la paix universelle et perpétuelle. VI. Le programme socialiste concernant la guerre. — VII. Système du contrepoids des neutres. VIII. Rôle de l'arbitrage. IX. Le tribunal international. - X. Fonction juridique de la guerre.

I

Entre les Etats, la paix repose sur la nécessité plus ou moins impérieuse où chacun d'eux se trouve de respecter scrupuleusement les droits absolus et acquis des autres.

Pour que cette paix puisse s'affermir d'une manière durable, il faut encore que chaque Etat cherche en général et de bonne foi à concilier ensemble son égoïsme, ses intérêts particuliers et les égards dus à la libre personnalité de ceux avec lesquels il noue des relations.

La méconnaissance de ce que les gouvernements se doivent dans leurs rapports mutuels, leurs contestations de droits, leurs collisions d'intérêts engendrent des conflits inévitables. Dans la

plupart des cas, l'on s'efforce de mettre fin à ces conflits en appliquant des règles qui, lors même qu'elles ne dérivent pas toujours d'une entente antérieure et formelle, n'en sont pas moins réputées telles, grâce au fait d'avoir été depuis longtemps admises en pratique par une coutume dont la force juridique se manifeste dans sa répétition constante, et dont on induit le consentement tacite de ceux qui la reconnaissent et la conservent dans sa continuité. Ces règles ne sont autre chose que les maximes du droit des gens, lesquelles maximes ne sont elles-mêmes qu'une émanation, une conséquence du sentiment inné de justice universelle au fond de la conscience humaine.

Mais la source la plus certaine et la plus féconde d'où puissent découler des principes dirigeants bien arrêtés en matière de conflits internationaux est, sans contredit, le droit international ou droit des gens positif, basé sur le consentement exprès des Etats. Ce droit emprunte au droit civil interne l'essence et la règle des lois qui régissent les hommes entre eux. Les lois internationales, comme les lois privées dans chaque Etat, ont la même origine et le même but l'organisation de la vie extérieure, la légalité. Elles agissent avec des éléments égaux, bien que sur un terrain différent, de sorte que ce qui est un axiome de direction scientifique en matière de droit civil interne le devient également en matière de droit des gens positif.

C'est la coexistence même des Etats qui a formé la société juridique internationale: ubi societas, ibi jus. Or, cette coexistence impliquant déjà à elle seule une idée nécessaire de relation, la relation devait non moins nécessairement entraîner à son tour la liaison des besoins réciproques, des intérêts respectifs et des aspirations communes. Voilà pourquoi le droit international a trouvé et trouve encore les conditions essentielles à sa constitution dans la nécessité d'entente qui se dégage toujours de l'antagonisme entre les nations et que les traités sanctionnent.

Il faut cependant faire des réserves quand on veut assimiler le système juridique international aux codifications ordinaires. D'abord, le droit international n'est pas doué, comme le droit positif interne, d'un mécanisme parfait dans son développement et dans ses modes de garanties pour le maintien de l'ordre établi. A la différence de la société civile, qui ne peut se concevoir sans son souverain, l'Etat; en ce qui concerne l'ensemble des sociétés organisées qui, pour nous servir d'une expression de Wolf, forment l'unité morale de la Magna civitas, la suprématie juridique de

chacune des personnes qui la constituent est absolue. Ici l'ordre dépend de la politique au sens le plus général du terme. Dès lors, et en dépit de l'indéniable existence du droit international en soi, il manque à ce droit la sanction d'une autorité d'exécution, ayant les pouvoirs nécessaires pour commander, défendre, permettre et contraindre, d'une autorité, en un mot, chargée au besoin d'en forcer d'une manière uniforme l'application.

Il y a encore d'autres points de différenciation à signaler entre le système international et les législations intérieures.

Si les principes généraux et fondamentaux du droit tiennent également lieu de base au droit international, il importe encore de tenir compte du fait qu'il n'existe aucune forme essentielle de pacte, d'accord ou de convention pour créer une obligation conventionnelle d'Etat à Etat; qu'il n'existe aucune différence à ce sujet en raison du contenu ou de la substance du vinculum juris, lequel d'ailleurs peut contenir des obligations de natures les plus diverses conditionnelles, synallagmatiques, unilatérales, à terme, révocables ou irrévocables, principales ou accessoires, tout comme le droit civil. Cette constatation nous montre que le contenu des règles de droit international échappe nécessairement à toute ordonnance systématique pure, dont l'objet serait l'étude des conséquences juridiques de certains faits donnés. A cet égard, l'opinion qu'Ortolan a émise dans sa Diplomatie de la mer mérite d'être rappelée :

<< Quoique les principes généraux qui les régissent, dit-il, soient les mêmes, les Etats, grandes agglomérations collectives, diffèrent trop des particuliers, simples individus, dans leur nature, dans leurs modes de résolution et d'actions, dans leurs intérêts, et dans les choses qui font l'objet de cet intérêt, pour qu'on puisse tirer de ces règles générales les mêmes conséquences de détail et d'application à l'égard des unes qu'à l'égard des autres de ces conventions.

» Ainsi, bien qu'il soit vrai des conventions internationales, comme des conventions entre particuliers, que ces conventions ne sont valables qu'autant qu'il y a un véritable consentement: ce qui concerne la violence, les manœuvres frauduleuses ou les erreurs substantielles qui seraient de nature à vicier le consentement, prend à l'égard des nations un caractère à part et mérite dans la pratique une détermination particulière appropriée à la nature des nations, à leur manière de vouloir et d'agir... Il y a inévitablement sur tous ces points, en ce qui concerne les con

ventions entre nations, des différences notables, qui ne doivent pas échapper dans l'application '. »

Une certaine école de publicistes, Fiore entre autres, soutient qu'il existe entre les Etats une loi absolue et naturelle de justice, et que, même pour les obligations entre Etats, on doit considérer comme valable la règle que la matière soit licite et possible. Il faudrait, selon eux, toujours appliquer la maxime de Paul:

Quod vero contra rationem juris receptum est non est producendum ad consequentias. (Dig. Liv. I, frag. III, De legibus, § 14), et celle de Papinien: Quæ facta lædunt pietatem, existimationem, verecundiam nostram, et ut generaliter dicam, contra bonos mores fiunt nec facere nos posse credendum est. (Dig. L. XXVIII, De condit. institut, § 15); ce qui revient à dire que les principes généraux du droit commun et du droit naturel qui s'appliquent pour décider sur l'existence et la validité du consentement en ce qui concerne les rapports consensuels entre les personnes, pourraient et même devraient aussi s'appliquer pour décider sur l'existence et la validité d'une obligation internationale.

Loin de partager cette dernière manière d'envisager les choses, non seulement nous nous rangeons à l'avis d'Ortolan, mais nous croyons de plus que c'est le principe quamvis coactus voluit attamen voluit qui doit prevaloir en matière de droit international.

Richelieu considérait déjà que, tout compte fait, observer ses traités était la pratique la plus sage. « C'est la plus grande force des souverains », dit-il dans son testament politique.

En fait, il faut bien le reconnaitre, les traités sont souvent le résultat d'un odieux abus de pouvoirs du plus fort qui arrache son consentement au plus faible. Il y a alors un contrat extorqué par la violence, et qui ne subsiste que grâce à la crainte inspirée ou au défaut d'intérêt en rapport avec les chances d'une résistance armée. Evidemment cela choque le sentiment juridique. Mais le seul moyen efficace qu'on ait trouvé pour empêcher les conflits de s'éterniser, pour réduire dans des limites déterminées la force brutale et l'arbitraire, est encore l'interprétation littérale des conventions ipsis in terminis, nonobstant le soi-disant vice consensuel, cela bien entendu dans ce sens que l'imperfection du langage exprimé dans les documents ne puisse jamais fournir au plus fort texte ou prétexte pour s'exempter de ses obligations contractuel

1

Règles internationales et Diplomatie de la mer, 1, p. 82.

2 II partie, chap. IV.

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