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rangé les événements pour ses lecteurs. Quel malheur pour le Times et les autres grandes feuilles politiques de Londres de n'avoir pas eu un de leurs correspondants parmi nos insurgés, comme ils en avaient dans les meetings d'Irlande et les conciliabules des rebeccaïtes du pays de Galles! Il paraît que ceux qui ont assisté à la guerre civile étaient tous de notre côté des barricades. Quelques-uns, envoyés spécialement à la première nouvelle de l'insurrection, sont arrivés un peu tard, entre autres M. Albert Smith, qui n'est entré à Paris que le 26, et a été réduit à raconter dans le Bentley Miscellany comment il lui a fallu huit jours pour obtenir le visa de son passeport. Cet incident, en quelque sorte puéril, n'en a pas moins été suffisant pour que M. Smith, un des romanciers-journalistes qui connaissent le mieux Paris, où il a étudié quatre ou cinq ans en médecine, en ait fait le texte d'un amusant tableau de mœurs. Nous nous surprenons à regretter que ce ne soit pas cet ingénieux narrateur que le hasard ou ses fonctions de correspondant aient fait le prisonnier des insurgés de la rue de la Roquette, plutôt que cet Anglais, de n'importe quel sexe, dont le New Monthly a accepté le compterendu mélodramatico-historique!

Il nous resterait à dire quelle impression produisent encore en ce moment dans la presse anglaise le rapport sur l'insurrection de juin et les pièces justificatives publiées par la commission d'enquête. A Londres comme à Paris, quelques journaux ont applaudi à cette franche exposition des théories et des actes qui ont si bien préparé la guerre civile; d'autres ont blâmé comme impolitique une publicité qui dissèque en quelque sorte la République de son vivant, au risque de provoquer des convulsions galvaniques. Cette dissection peut-être ne ressemble-t-elle pas mal à celle que subirait un malade qui voudrait absolument faire vérifier les conjectures de ses médecins, et voir de ses yeux pourquoi tel de ses membres a été soudain contracté et paralysé après un geste violent, pourquoi tel autre est devenu œdémateux, pourquoi son cœur a ressenti des palpitations irrégulières, pourquoi sa langue s'est épaissie dans sa bouche après un accès de verbiage, pourquoi son cerveau a subi une congestion sanguine, pourquoi enfin ses entrailles relâchées dans tout leur tissu ne retiennent plus les aliments assez longtemps pour lui procurer de bon chyle, etc. Sans doute, une telle analyse,

où chaque conjecture serait appuyée par un coup de bistouri, ferait courir plus de dangers qu'une amputation, mais il est des tempéraments robustes qui peuvent tout braver, les expériences chirurgicales même. La République survivra donc à son autopsie ante mortem, et débarrassée en connaissance de cause, ou de ses membres malades, ou de ses docteurs ignorants, elle pourra suivre le régime approprié soit à son excès de pléthore, soit à sa débilité originaire. Quoique les journaux trouvent les documents de l'enquête très-curieux et très-significatifs, ils s'étonnent de certaines réticences et en signalent quelques-unes. Nous sommes si loin de vouloir envenimer les récriminations ou aggraver les charges dans un procès politique encore pendant devant la chambre et devant l'opinion, que nous nous garderons bien de suppléer aux lacunes avec l'assistance suspecte des journalistes anglais. Une seule anecdote nous paraît si innocente, que nous ne nous en priverons pas. Il paraît prouvé par les dépositions des membres eux-mêmes du gouvernement provisoire de février, que l'une des grandes questions qui s'élevèrent au sein de l'aréopage républicain fut le choix entre le drapeau tricolore et ce funeste drapeau rouge, auquel tenaient surtout M. Louis Blanc et ceux de son bord. Gloire encore une fois à l'éloquence généreuse de notre Lamartine! Mais si le drapeau rouge fut sacrifié dans le conseil comme sur la place de l'Hôtel de ville, ce ne fut pas sans une petite concession faite auxdits Louis Blanc et consorts. On décida qu'un ruban rouge décorerait tous les fonctionnaires démocrates, et que pour distinguer essentiellement les chefs du gouvernement, une plume rouge serait ajustée à leurs chapeaux. La plume rouge charmait singulièrement quelques-uns de ces grands citoyens; mais il paraît qu'elle souriait moins à quelques autres, et ceux-ci ne furent pas fâchés qu'il fallut en commander au fabricant, l'article n'existant pas dans le commerce. Au bout de quelques jours, le secrétaire du gouvernement, chargé de ce grave soin, arriva au conseil avec l'ornement confectionné. Mais avant de l'attacher à tous les chapeaux de ces illustres chefs, le citoyen Pagnerre, apercevant un peu d'hésitation, exprimée par le geste négligent avec lequel quelques-uns passaient sur leurs castors la manche de l'habit en guise de brosse, proposa de faire préalablement un essai sur la tête du ministre de

la justice. M. Crémieux le premier mit donc crânement son chapeau surmonté de la plume rouge. En le voyant ainsi coiffé, ses collègues partirent de cet éclat de rire inextinguible qu'Homère attribue aux dieux de l'Olympe. Le ministre de la justice se tournant vers une glace n'y résista pas, et prit sa part de cette gaieté; la plume rouge fut ainsi jugée et condamnée. Louis Blanc lui-même

y renonça.

Philosophie. — Moeurs.

Religion.

LA RELIGION ET LE CLERGÉ EN FRANCE.

Deux faits nouveaux et véritablement étranges dominent, à nos yeux, l'histoire de la révolution de février. Pour la première fois, depuis soixante ans, la crise révolutionnaire est restée pure de tout excès contre la religion. L'animosité violente des révolutions autérieures (y compris celle de 1830) contre cette religion et ses ministres semble s'être complétement évanouie en 1848. Plusieurs membres du clergé catholique et un ministre protestant ont pris place dans l'Assemblée nationale; leur élection n'a excité dans le pays ni le mécontentement ni même la surprise (1).

(1) Depuis l'époque de la Convention nationale, on ne trouve dans les assemblées politiques françaises presque aucun ministre du culte catholique ou du culte protestant. Ils n'étaient point exclus par la loi; mais l'opinion du pays et les mœurs politiques semblaient les exclure. A deux époques différentes, sous la Restauration, de 1814 à 1830, deux prélats catholiques, l'abbé Grégoire, ancien évêque de Blois, et l'abbé de Pradt, ancien archevêque de Malines, furent élus députés. Le premier fut déclaré indigne de siéger, à cause de sa participation au meurtre de Louis XVI; le second ne siégea que pendant quelques semaines. Il avait paru une seule fois sans succès à la tribune. Cette retraite fut-elle conseillée par un désappointement d'amour-propre ou par le simple bon sens? la question est restée indécise. Il est permis toutefois de supposer que l'expérience avait promptement démontré à M. de Pradt que, dans l'état des opinions en France, une assemblée politique n'offrait pas de place convenable à un prêtre catholique.

De 1830 à 1848, durant le règne de Louis-Philippe, un seul prêtre, l'abbé Genoude, propriétaire et principal rédacteur de la Gazette de France, entra dans la chambre des députés; c'était du reste beaucoup moins au prêtre qu'au directeur d'un journal légitimiste que les électeurs de Toulouse avaient entendu

6e SÉRIE.

TOME XVI.

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D'un autre côté, le clergé français s'est jeté avec une sorte d'ostentation dans les voies de la révolution nouvelle. Du haut de la chaire comme du pied des autels, d'ardentes prières se sont élevées au ciel pour la république naissante : les prêtres ont couvert de leurs bénédictions empressées les arbres de la liberté; ils ont tous marché aux élections, en tête, ou du moins au milieu de leurs ouailles.

Quel est le véritable sens de ces deux faits? La France révolutionnaire est-elle tout à coup revenue au catholicisme? ou le catholicisme s'est-il soudainement fait républicain?

Nous ne croyons ni à l'une ni à l'autre de ces métamorphoses. L'Église catholique romaine est essentiellement ennemie des révolutions à toutes leurs dates : les principes sur lesquels elle se fonde sont l'autorité, l'unité, la perpétuité, c'est-à-dire les principes les plus diamétralement opposés à l'esprit révolutionnaire. La forme monarchique a toujours obtenu ses préférences, car cette forme est celle qu'elle a revêtue dès les temps primitifs. Aux jours de leur plus grande puissance, et dans la plus grande exaltation de leur orgueil, les prêtres, les évêques, les papes eux-mêmes, soit pour satisfaire quelque passion, soit pour faire prévaloir quelque intérêt particulier de l'Église, ont souvent, il est vrai, excité et soutenu la révolte contre les rois; mais, de la part de l'Église, c'étaient là des aberrations politiques; ce ne furent jamais ses doctrines. Dans les

confier leur mandat; cause même de son caractère sacerdotal, M. Genoude avait déja plusieurs fois échoué dans ses tentatives électorales.

La nouvelle assemblée nationale renferme dix-sept ministres de l'Église catholique romaine, aux différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique, et un ministre du culte protestant. Les ecclésiastiques romains sont : MM. de Parisis, évêque de Langes; Fayet, évêque d'Orléans; Legraverend, évêque de Quimper; Abbal, vicaire-général de Rhodez; de l'Épinay, vicaire-général de Luçon; de Cazalès, supérieur du grand séminaire d'Agen; Mouton, directeur du petit séminaire d'Alby; Fournier, curé de Saint-Nicolas, à Nantes; Desclais, cure de Cresserons, département du Calvados; Staële, curé du diocèse de Strasbourg; Daniélo, curé de Guey, diocèse de Vannes; Leblanc, curé du même diocèse; Frés chon, prêtre du diocèse d'Arras; Sibour, professeur de la faculté de théologie d'Aix, frère du prélat récemment appelé a l'archevêché de Paris; Bautain, supérieur de l'institution de Juilly; Lacordaire, religieux dominicain (démissionnaire et l'abbé de Lamennais (que nous appellerons un prêtre philosophe). Le ministre protestant est M. Coquerel..

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