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mongole des Buraets, qui venaient en grand costume, en robes d'écarlate, en chapeaux jaunes, inviter les étrangers à une autre fête. L'invitation fut acceptée, et procura à M. Erman un bizarre spectacle. La musique discordante de Maimachen n'était qu'un agréable concert, comparé à l'incroyable vacarme de l'orchestre mongol. Des tambours de métal, si lourds qu'on les traînait sur des chariots à quatre roues, des trompettes de dix pieds de longueur, pour lesquelles il faut deux hommes robustes, l'un qui porte le curieux instrument, l'autre qui y souffle de toute la force de ses poumons. Le prélude des instruments à vent ressemblait au mugissement de l'orage, et les gongs d'airain, les tambours faisaient un bruit pareil à celui d'une montagne qui s'écroule.

Après cette excursion parmi les Mongols, M. Erman rentre à Irkutsk, puis de là se dirige, par la vallée de la Lena, dans le pays des Tongouses et des Yakutsks.

Yakutsk, ville capitale de cette dernière tribu, est à deux degrés au sud de Beresow, cependant le froid y est beaucoup plus rigoureux que dans cette dernière place; chaque année la terre y gèle jusqu'à six cents pieds de profondeur. Les habitants des Alpes suisses pourraient se croire perdus, s'ils étaient obligés de vivre à deux mille trois cents pieds au-dessus du Saint-Bernard; cependant, à cette hauteur ils n'auraient, dit M. Erman, que la température que j'ai trouvée parmi les Yakutsks, qui possèdent de nombreux troupeaux. Ce qui est impossible en Europe existe en Sibérie; il faut donc admettre que la constante température du sol peut être, selon les différents lieux, de différents éléments. Malgré l'extrême rigueur du froid, malgré la congélation de leur sol, les Yakustks jouissent d'une certaine prospérité et d'une certaine civilisation. Parmi eux le crime est rare, bien que l'exemple des Russes, avec lesquels ils sont sans cesse en contact, soit contagieux. Le livre de M. Erman renferme d'intéressants détails sur cette peuplade et sur celle des Tongouses, la dernière tribu qu'il visita avant d'arriver à Okhotsk (1). Notre arrivée au sein de cette tribu excitait, dit le

(1) NOTE DU TRADUCTEUR. Il existe sur les peuplades de la Lena, sur les tribus des Tongouses, des Yakutsks et sur plusieurs autres, un livre français bien plus explicite, plus instructif et plus intéressant que celui du jeune savant de Berlin. C'est le Journal de Voyage de M. de Lesseps, qui fut employé comme interprète dans l'expédition de la Pérouse, qui du Kamtschatka revint à Pétersbourg

voyageur prussien, une vive curiosité, et une attention peu flatteuse. Les anciens du village avaient, à notre approche, répandu l'alarme; les habitants de chaque maison, debout sur leur porte, nous regardaient en faisant le signe de la croix. L'apparition d'un étranger était pour eux le pronostic de la guerre, de la conscription et d'autres calamités. Leur terreur ne dut pas diminuer quand on leur apprit que cet étranger portait des vitres de neige (des lunettes), et qu'il avait un chien dans son traîneau.

A Okhotsk s'arrête le récit de M. Erman. Nous sommes désireux d'en voir paraître la continuation, pour suivre le savant allemand dans ses aventures à travers le Kamtschatka, la Californie et l'océan Pacifique.

X. M. (Blackwood's Magazine.)

à travers l'immense région sibérienne. Ce livre, trop peu connu, est l'un des ouvrages les plus curieux qui existent.

Bagaziniana.

LA RÉVOLUTION DE FÉVRIER

DANS LES MAGAZINES ET LES REVUES DE MAI ET JUIN.

L'article sur la religion et le clergé en France, que nous empruntons à l'une des grandes Revues, aurait dû figurer sous ce titre; l'étendue de cet article nous réduit ce mois-ci à n'a dmettre que de courtes analyses dans le cadre spécial de nos Magaziniana, cadre élastique, qui par la suite pourra irrégulièrement se restreindre ou s'agrandir, selon l'importance et la variété des matières. Ajoutons que nous comptions, il y a quinze jours encore, y faire figurer quelques extraits de ce que disaient les dernières livraisons de la Revue d'Édimbourg et de la Quarterly Review sur la guerre d'Italie; mais, hélas! nous n'avons pas le cœur d'outrager le roi de Piémont dans sa défaite, en répétant la prédiction malheureusement vérifiée de la Revue des Torys. La Quarterly faisait déjà un reproche à lord Palmerston d'avoir déserté son alliée naturelle, l'Autriche (1). Que dira-t-elle en voyant ce ministre s'associer contre l'Autriche à la médiation du général Cavaignac? Quant à celui-ci, que tant de publicistes en France comme en Angleterre trouvent trop

(1) La Quarterly Review prétend que les Italiens en général sont de grands ingrats, non-seulement contre l'Autriche, qui a si bien administré leur pays, mais encore contre les Anglais, qui vont semant des guinées en simples touristes, et qui ne recueillent à Venise comme à Rome que des antipathies nationales. Le plus grand grief de la revue tory contre Venise, c'est que les Vénitiens, par haine de l'Autriche, ont osé siffler mesdames Fanny Elssler et Leove, qui, quoique Allemandes, avaient jusqu'ici le privilége d'être également applaudies dans le midi et le nord de l'Europe.

pacifique pour un chef révolutionnaire, c'est à la même Revue que nous emprunterons une citation qui prouve que, sous la première république, alors même que Bonaparte en était le général, il était des circonstances où l'intérêt français exigeait qu'on ne se jetât pas dans les aventures au nom d'une propagande de liberté : Par une lettre de Venise, à la date de 1797, Bonaparte s'adressait en ces termes à l'agent accrédité de la République française:

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«Jamais la République française n'adopte pour principe de faire la guerre pour les autres peuples. Je sais bien qu'il n'en coûte rien à une poignée de bavards, que je caractériserais bien en les appelant fous, de vouloir la république universelle. Je voudrais que ces messieurs vinssent faire une campagne, etc., etc. »

Nous regrettons que les espérances de la Revue d'Edimbourg aient été trompées, et nous pensons, comme cette Revue, que la reprise de la Lombardie ne peut qu'être tôt ou tard fatale à l'Autriche. Répondant indirectement à la Quarterly, elle rappelle cette déclaration que lord Palmerston fit le 6 juin au parlement, que malgré ses anciennes alliances, le gouvernement de la GrandeBretagne ne peut qu'éprouver la plus vive sympathie pour les peuples italiens dans leurs efforts pour conquérir leur indépendance; puis, justifiant aussi Charles-Albert, elle ajoute:

«Il est beaucoup de choses, avouons-le, que nous n'approuvons pas dans la conduite antérieure du prince de Carignan; mais il a donné tant de preuves de repentir pour le passé, tant de garanties pour l'avenir, que si jamais homme peut réclamer le pardon dans la vie privée, la confiance dans la vie publique, c'est Charles-Albert. Quant à nous, si les bases d'un bon gouvernement sont posées dans le nord de l'Italie, nous sommes certains que le bonheur des générations futures sera une apologie suffisante, une apologie que l'histoire acceptera-en faveur de celui qui aura fait usage des meilleurs instruments qu'il avait sous la main. Il est incontestable qu'une vieille monarchie comme celle du Piémont, devenue une monarchie constitutionnelle, avec un trésor florissant, une population heureuse et une brave armée, est le noyau véritable autour duquel peut se concentrer un état puissant dans le nord de l'Italie. Accuser Charles-Albert d'ambition et de perfidie lui, prince italien, parce qu'il a aidé ses compatriotes à se débarrasser de leurs oppresseurs étrangers, c'est cruellement abuser de la position con

tradictoire où il avait le malheur de se trouver. Sa prétendue ambition concerne surtout l'Italie. Si l'Italie l'adopte, ce fait doit écarter toutes nos craintes, en supposant que l'accusation fût vraie. D'ailleurs sa perfidie pouvait n'être qu'un choix entre deux maux et le choix du moindre; car, quelle était l'alternative? Un prince italien doit avoir l'ambition de briser le joug étranger imposé à l'Italie par la force des armes. C'était la force, la force seule qui avait fait les Italiens sujets de l'Autriche la force les délivre. >>>

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Ce principe reste vrai après l'occupation de Milan par les troupes autrichiennes; mais déjà les journaux d'Italie eux-mêmes crient à la trahison, et n'acceptent pas les jugements de l'étranger sur leurs princes et leurs autres chefs.

A l'honneur du libéralisme britannique, disons que la réplique anticipée de la Revue d'Edimbourg à la Quarterly Review n'est pas le dernier mot des whigs aux tories sur la rentrée du maréchal Radetsky à Milan. La presse quotidienne des whigs, d'accord avec lord Palmerston, dénonce aussi ceux qui, trop fidèles aux traditions de Castlereagh, abandonneraient volontiers les Lombards avec les Piémontais, les Romains avec les Toscans, à l'anthropophagie des Croates (1), espérant qu'après avoir dévoré les libéraux italiens, les Croates iront dévorer en Allemagne les libéraux allemands, et de là reviendront dans le Midi entretenir leur appétit. Après tout, quel est le grand crime des Lombards? d'avoir imité les Autrichiens eux-mêmes. Quoi! Vienne s'insurgerait contre son empereur, et voudrait que Milan se soumît à cette autorité impériale qui hier était obligée de s'évader de sa capitale? Par quelle aberration l'Allemagne, si ardente, nous dit-on, à reconstituer sa vieille nationalité, veut-elle encore s'imposer à l'Italie? Si le nouvel Empire germanique prétend à toute force ressusciter le passé, il ne faut pas qu'il fausse l'histoire et les traditions des autres peuples (2). Voilà une partie des questions que la presse anglaise traite à divers points de vue; mais quelques journaux n'hésitent pas à se prononcer pour une intervention armée de la

(1) Le Daily News (16 juillet) ne craint pas d'appeler Radetsky an ogre, un ogre, et c'est ce mot que nous paraphrasons.

(2) Voir dans cette livraison l'important article sur l'Empire germanique.

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