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grande et la petite culture, les grosses fermes comme en Angleterre, et les petites fermes comme en Irlande. Ce ne sont là que les détails de la question prédominante; détails essentiels cependant, sans lesquels on ne discuterait que de vagues théories.>

Le gouvernement français entreprit, il y a plusieurs années, un immense travail statistique sur les ressources agricoles de la France: des documents officiels, préparés simultanément dans les 37,300 communes du royaume, et présentant pour chacune d'elles le tableau détaillé de l'état de son agriculture, de ses produits de diverse nature, de sa consommation, etc., furent ensuite réunis, classés, coordonnés avec soin et livrés à la publicité avec une loyauté et une impartialité auxquelles nous nous plaisons à rendre hommage. De cette masse énorme de chiffres et de faits, MM. Mounier et Rubichon ont dégagé une série de données et de résultats (1), dont ils ont cru pouvoir tirer la conséquence que l'agriculture- c'est-à-dire la prospérité intérieure de la France, était dans un état de rapide décadence, et que si la législation actuelle, qui tend à subdiviser de plus en plus les héritages, reste en vigueur, il faut s'attendre à une complète désorganisation du système social. Nous ne partageons pas toutes les opinions de MM. Mounier et Rubichon; mais leur analyse du grand ouvrage officiel et les commentaires qu'ils y ont joints, ayant fixé l'attention de beaucoup d'esprits sérieux, nous avons pensé qu'on nous saurait gré d'en résumer ici la substance et les conclusions.

(1) De l'agriculture en France, d'après les documents officiels, par M. L. Monnier, avec des remarques par M. Rubichon, 2 vol. Paris, 1846), Cet ouvrage (du prix de 15 fr.) se trouve à la librairie de M. Guillaumin, rue de Richelieu, 16, librairie toute spéciale pour les ouvrages qui traitent des questions économiques: la lecture seule de son catalogue donne déjà une idée sommaire de la science. A côté de l'ouvrage de MM. Mounier et Rubichon, nous remarquons celui de M. Moreau de Jonnès, publié plus récemment sous ce titre : Statistique de l'agriculture de la France, comprenant la statistique des céréales, de la vigne, des cultures diverses, des pâturages, des bois et forêts et des animaux domes tiques, par Alex.. Moreau de Jonnès, formant un beau volume in-8o, prix 7) fr.

Les dispositions du Code Napoléon en ce qui concerne les successions sont trop connues pour qu'il soit nécessaire de les rappeler: il nous suffira de dire qu'elles tendent, sauf les réserves désignées sous le nom de portion disponible et de majorats, à un partage égal entre tous les héritiers, sans distinction de nature de propriété. Dans la plupart des autres pays, la loi établit une différence sensible entre les biens-fonds et la propriété mobilière. En Angleterre, et plus encore en Écosse, l'ancien principe féodal de la législation favorise l'intégrité de la propriété foncière et la division des biens meubles. Cette distinction, indépendamment de ses effets sociaux et politiques, est fondée en raison. Des meubles, en effet, peuvent se partager sans inconvénient pour personne, et au contraire pour le plus grand avantage de tous; mais si l'on ne maintient pas la distribution de la terre en propriétés assez considérables pour permettre et assurer l'application d'un grand système de cultures régulières, elle se fractionnera, comme en France, en petits lots qui ne comportent pas l'emploi de capitaux auxquels ils n'offriraient d'ailleurs pas de retour, et au lieu d'une large aristocratie territoriale seule base solide d'un bon gouvernement et de la prospérité nationale on n'aura plus qu'une multitude de petits propriétaires malaisés, sans consistance sociale comme sans influence politique. «Si une pareille législation reste en vigueur, dit Malthus, et si l'on ne trouve pas moyen de l'éluder, il y a tout lieu de supposer que, dans cent ans d'ici, le pays soumis à son action sera aussi remarquable par son extrême pauvreté que par l'extrême égalisation de la propriété. Il n'y aura de riches que ceux qui recevront des traitements de l'état. » Les détails qui suivent feront voir que ces prédictions de la science se réalisent peu à peu, et qu'il ne serait pas étonnant qu'il fût donné à nos descendants d'être témoins de leur entier accomplissement.

La superficie de la France (sáns parler de la Corse, dont nous ne nous occuperons pas) est de....

Sur quoi il faut déduire pour les routes, rues, rivières, étangs, forêts de l'état et domaines non productifs, etc., environ....

51,893,000 hect.

2,147,000

Reste en terre plus ou moins productive..... 49,746,000
La population de la France était, d'après le recensement de 1836,

de 33,333,021 individus, soit près d'un hectare et demi par tête (1). Il résulte des Documents statistiques publiés en 1835 par le gouvernement français, qu'au 1er septembre 1834, il n'existait pas moins de 123,360,338 parcelles de terre, formant autant d'articles distincts du cadastre. Ce fait, qui indique une subdivision presque incroyable du sol (2), ne doit cependant pas être considéré comme donnant la mesure exacte de l'état actuel de la propriété. Il faudrait commencer par déduire de ce chiffre total 7 millions de maisons avec leurs dépendances, ce qui le réduirait probablement à 110,000,000 de parcelles de terre proprement dite. Mais, après tout, le nombre de ces parcelles est ici de peu d'importance, parce qu'il peut arriver et qu'il arrive continuellement qu'elles se trouvent réunies, souvent en nombre considérable, dans les mêmes mains la véritable question n'est pas dans le nombre des propriétés, mais dans celui des propriétaires. Malheureusement il est impossible d'établir ce dernier chiffre avec précision, en raison du mouvement continuel de réunion et de séparation qui a lieu dans cette infinité de petites parcelles éparses sur toute la surface de la France; on ne peut qu'essayer d'y arriver par approximation. Ainsi, l'on compte près de onze millions de cotes foncières, représentant autant d'individus, propriétaires d'un nombre quelconque de parcelles, situées sur le territoire d'une même commune. Ceci réduit tout d'abord le nombre des propriétaires au dixième du nombre des parcelles de terre. Mais la plupart des

(1) Superficie de l'Angleterre et du Pays de Galles....... 14,600,000 hect. Population en 1841...

16,000,000

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(2) La commune d'Argenteuil (Seine-et-Oise), dont la surface territoriale est de 1,580 hectares, est divisée en 36,885 parcelles. Quelques-unes de ces parcelles n'ont pas plus de 43 et même 40 centiares; quant au revenu, il s'abaisse jusqu'au chiffre de 09, et même de 06 centimes. Le département de la Meurthe présente des exemples de subdivision non moins curieux.

personnes aisées possédant des terres dans plus d'une commune, on a conclu de différents calculs auxquels on s'est livré à ce sujet, qu'il y avait en France environ cinq millions et demi (5,446,763) de familles propriétaires distinctes. Nous voyons,, par le tableau des cotes communales, qu'il n'y a pas moins de 5,163,000 proprié taires imposés au-dessous de 5 francs: or, la moyenne de la con tribution foncière pour toute la France étant de 2 fr.. 50 par bectare, nous avons ainsi plus de cinq millions de propriétaires ne possédant pas en moyenne deux hectares, et la grande majorité de ce nombre possédant beaucoup moins; nous avons en outre 3,300,000 autres propriétaires communaux, dont les cotes indi quent des propriétés au-dessous de 4 hectares en moyenne. Nous n'aurions pas supposé, en raisonnant à priori, qu'un grand nombre de ces petits propriétaires eût des biens fonds dans différentes communes; aussi sommes-nous portés à croire que le chiffre de cinq millions et demi de propriétaires distincts est au-dessous de la vérité. Quoi qu'il en soit, nous l'admettons comme exact, et l'étonnement qu'il nous cause n'est diminué en rien par les conséquences qui en découlent. En premier lieu, nous voyons par les états officiels que la valeur totale des immeubles, en France, est estimée à 39,515,000,000 fr., et leur revenu annuel à 1,580,000,000 fr. (1), ou environ 4 p. %; ce qui donne, pour nos cinq millions et demi de propriétaires, un. revenu moyen de 287 fr. Cependant cette moyenne, toute faible qu'elle est, donne encore une idée infiniment plus favorable de l'état des choses que l'évaluation suivante et plus détaillée des différentes classes de propriétaires :

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de

(1) 63,230,000 £. Le chiffre total du revenu annuel des propriétés soumises à la taxe des pauvres en Angleterre et dans le pays de Galles était, en 1841, 62,540,000 £. Cette.coïncidence est curieuse; mais il faut remarquer qu'il s'agit, en Angleterre, d'une surface de territoire qui n'était pas le tiers de celle de la France et d'une population, qui n'était pas la moitié..

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Il est à regretter que ce travail n'ait pas été poussé plus loin; car nous aurions désiré avoir quelque espèce de classification, n'eût-elle été que conjecturale, des 6,600 revenus au-dessus de 10,000 fr. par an. Mais nous voyons, en nous reportant à d'autres documents, que sur les 13,000 cotes les plus élevées (représentant par conséquent les propriétés les plus considérables), la moyenne du revenu était de 17,260 fr.; et comme il s'en trouve, dans ce nombre, près de quatre mille au-dessous de 10,000 fr., il faut croire qu'il y a dans les séries supérieures quelques fortunes considérables (2) qui servent à former cette moyenne de 17,260 fr. Quoi qu'il

(1) M. Lullin de Châteauvieux a fait un calcul qui présente à peu près les mêmes résultats généraux, quant au grand nombre des petits propriétaires. Il évalue la superficie productive de la France à 46 millions d'hectares, et le nombre des familles propriétaires à 4,800,000 qu'il classe ainsi :

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3,900,000 familles possédant 3 heet. 64 ares ne s'éloignent pas trop du chiffre donné dans le texte de 4,000,000 de familles avec un revenu annuel n'excédant pas 200 fr.et il ne faut pas perdre de vue que ces 3 hect. 64 ares représentent la moyenne de près de cinq millions de propriétés, dont la moitié au moins doit être au-dessous de ce taux. Mais nous soupçonnons M. Mounier d'avoir basé ses calculs sur l'évaluation cadastrale des propriétés, qui est bien inférieure à leur valeur réelle : il est probable que ce qui est évalué officiellement 30 fr.

en vaut 75.

(2) La plupart de ces grandes fortunes territoriales consistent en forêts, qui offrent la plus grande résistance pratique au système de morcellement.

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