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conspiration, qui était plus qu'un crime, une faute. La conquête du Danube avec la soumission des Daces, cette pensée de Jules César, le génie et le courage de Trajan devaient la réaliser. Du reste, rendons justice aux Daces et à leur roi, DÉCÉBALE, ils se montrèrent dignes du titre d'adversaires de Trajan.

Lorsque ce magnanime empereur concentra tous les efforts de la guerre dans le bassin du Bas-Danube, il le fallait; là se trouvait le théâtre des luttes de la civilisation et de la barbarie.

Les Daces écrivaient peu, ils ne savaient que combattre; mais pourtant ils comprenaient les arts et les travaux de la paix. Aussi, quand on évoque les récits des historiens romains, entre autres les écrits de Pline-le-Jeune, quand on se reporte à l'époque même de la terrible guerre de Trajan et de Décébale, on est frappé d'admiration pour le vainqueur comme pour le vaincu.

En effet, Décébale, après ses premiers succès remportés sur les légions de Domitien, avait imposé à l'empereur, outre un subside annuel comme tribut, l'envoi d'ingénieurs, d'artistes, d'ouvriers, destinés à initier les Daces aux secrets de la civilisation et de l'industrie romaines. Sans l'intervention armée et victorieuse de Trajan, qui peut calculer l'avenir réservé à la Dacie et à ses habitants dans la route du progrès où les guidait leur souverain? Mais d'autres destinées devaient être le partage du bassin inférieur du Danube.

Il serait trop long, et il est inutile de raconter en détail les péripéties de l'expédition de Trajan; il suffira de dire que Décébale et son peuple opposèrent aux efforts de l'armée romaine la plus énergique, la plus glorieuse résistance.

Les légions ne triomphèrent qu'après avoir creusé un canal sur la rive serbienne du Danube, non loin des cataractes;

elles eurent à soutenir une double lutte contre la nature et contre les hommes; mais ni les Daces, ni leur roi ne voulurent se soumettre au joug. Lorsque Décébale vit un pont gigantesque construit sur le Danube, et les Romains maîtres de son pays et de son palais, il se donna la mort. Les principaux officiers de son armée imitèrent son exemple, et la masse de la nation s'exila. La colonne Trajane, qui existe encore à Rome, mérite d'être étudiée comme un monument de l'inflexible énergie des Daces. Alors, dans ce pays abandonné, désert, Trajan envoya des colons choisis parmi les plus braves légionnaires; de ces colons descendent les popu- lations de la Moldavie et de la Valachie, les ROUMAINS, restés fidèles aux traditions de vaillance et d'héroïsme de leurs illustres ancêtres.

L'empire conserva la possession de la Dacie romaine jusqu'au règne du faible Galienus, époque des formidables invasions des Goths, des Huns, des Gépides, des Lombards, de ces flots de Barbares venant se disputer une proie que semblaient leur abandonner les successeurs dégénérés de l'illustre Trajan.

Ne pouvant résister, mais ne voulant pas céder, les fils des colons romains se réfugièrent entre le Danube et l'Aluta, dans une contrée qui prit le nom de petite Valachie. Ils y restèrent libres, indépendants. Là, se constitua une nouvelle nationalité sous l'autorité de bannes ou régents; et divers centres de résistance s'organisèrent afin de mieux lutter contre l'absorption des Barbares. La religion orthodoxe (rite grec) et la langue roumaneska, aux deux tiers composée de mots latins, conservèrent pures et vivantes les traditions du passé, avec l'espoir du retour sur le sol natal.

Vers la fin du Ixe siècle de l'ère chrétienne, des hordes de Tartares envahirent la Valachie, dont les infortunés habi

tants cherchèrent un asile au delà des monts Krapacks. Ensuite, sous la direction de l'intrépide Rodolphe, surnommé le Noir, ils revinrent en partie en Valachie, pendant que d'autres Roumains (Roumi), commandés par le valeureux Bogdan, se fixaient sur les rives du Moldau, d'où leur vint la désignation de Moldaves.

De cette époque, date la division en deux États des descendants des anciens colons de Trajan, n'ayant longtemps formé qu'un seul peuple pour reprendre de nos jours sa primitive unité.

Le développement des Valaques et des Moldaves fut rapide; les noms toujours aimés, les héroïques souvenirs de souverains comme Étienne-le-Grand, comme Michel-le-Brave, sont restés populaires chez une race qui se distingue par la mémoire du cœur. Malheureusement, l'Europe chrétienne et Rome pontificale ont trop longtemps oublié nos frères du Danube, tandis que les sultans Osmanlis, à la tête des Turcs, s'acharnaient contre la nationalité renaissante des Roumains.

Les historiographes ottomans prétendent que vers la fin du xive siècle, un vaivode, souverain des Valaques, eut l'imprudence d'attaquer les possessions turques situées de l'autre côté du Danube. Le redoutable sultan Bajazet, surnommé l'éclair (ilderim) à cause de la rapidité de ses agressions et de ses conquêtes, profita de cet acte pour faire la guerre aux Valaques et aux Moldaves, auxquels il imposa un tribut.

Mais Bajazet à son tour fut vaincu par le fameux TimourLencq (Tamerlan); cette défaite et le concours des Hongrois donnèrent aux Moldo-Valaques l'espoir.de briser le joug ottoman. Une grande insurrection les réunit en 1444-1448; elle ne put que mettre en relief leur patriotisme, leur vaillance; ils succombèrent, accablés par le nombre et par la supériorité de la cavalerie et de l'artillerie des Turcs.

En 1460, à l'époque où Mahomet II, le célèbre conquérant de Constantinople, dont il avait fait la capitale de son vaste empire, s'occupait du soin de soumettre les îles grecques de l'Archipel, les Moldaves et les Valaques en appelèrent de nouveau à la décision du glaive; ils succombèrent dans cette lutte inégale, que l'Europe chrétienne contempla avec une coupable indifférence, sans y intervenir, comme l'exigeaient son devoir, son honneur, sa sécurité.

Le tribut devint perpétuel, et le sultan força les généreux Roumains à le reconnaître comme leur protecteur.

En vertu d'un traité imposé de force, Mahomet II se déclara le défenseur des Moldaves et des Valaques, dont les souverains étaient tenus de payer à la Sublime-Porte un tribut annuel. Toutefois, le sultan s'engageait à ne point s'immiscer dans l'administration intérieure des Principautés Danubiennes, où aucun Turc ne pouvait entrer sans un but avoué et pour un temps limité. Les vaivodes étaient toujours élus par l'archevêque métropolitain et les nobles de chaque Principauté. L'élection devait être reconnue par la PorteOttomane; mais les deux peuples étaient régis par leurs lois, leurs institutions nationales. Le vaivode faisait à son gré la guerre ou la paix, sans intervention de l'empire des Osmanlis. Nous croyons devoir reproduire les principales clauses de ce traité :

« Nul chrétien, ayant embrassé l'islamisme, ne pourra être inquiété, ni réclamé si, de retour dans les Principautés, il professe de nouveau la religion chrétienne.

» Les Moldo-Valaques qui s'établiront dans un pachalik de l'empire ottoman, ne payeront pas la capitation comme les raïahs.

>> Les marchands turcs qui viennent en Valachie et en Moldavie pour des ventes et des achats, doivent faire con

naître aux autorités locales la durée de leur séjour et partir à la date par eux indiquée.

» Les Turcs ne peuvent pas emmener de la Moldo-Valachie des hommes et des femmes en qualité de domestiques.

» Il ne sera pas construit de mosquées dans les Principautés.

» La Sublime-Porte ne délivrera aucun firman relatif aux affaires d'un Valaque ou d'un Moldave; et jamais elle n'aura le droit de les appeler à Constantinople ou sur d'autres points de l'empire. >>

Ces conditions prouvent que les Romains avaient traité sur un pied d'égalité, en sauvegardant leur autonomie, que seuls les abus de la force ont pu méconnaître plus tard; mais enfin, l'Europe chrétienne a soutenu à son tour l'autonomie des Principautés Danubiennes.

Vers le temps de la toute-puissance des sultans Osmanlis, en 1544, au mépris du traité conclu avec Mahomet II, les pachas turcs construisirent au bord du Danube les forteresses d'Ibraïla, de Turnow, de Giurgevo, véritables nids de pirates, d'où partaient de fréquentes expéditions répandant le pillage, l'incendie, le deuil et la mort au milieu des populations chrétiennes.

Les Valaques protestèrent, les armes à la main. Leur vaivode Michel, secondé par le vaivode de Moldavie et par le prince de Transylvanie, ne put obtenir réparation et justice. Le Divan répondit en envoyant un corps de trois mille janissaires, qui furent enveloppés et tués. Ensuite, Michel s'empara de Giurgevo, dont la garnison prit la fuite. Le sultan Amurath ne voulut point continuer la guerre; mais son successeur, Mahomet III, mit sous les ordres du grand-vizir une armée de soixante mille hommes, charges de réduire les princes confédérés. Les Turcs furent vaincus, et après cinq

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