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cilier avec ces peintures notre délicatesse pusillanime. Avant Racine eût écrit ces admirables vers:

que

Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chairs meurtris, et trainés dans la fange;
Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux,
Que des chiens dévorants se disputoient entre eux!
Athalie, act. II, s

sc. v.

qui auroit pu croire que notre langue fût susceptible de pareilles images? Il faut, dans ces peintures, que ce qu'elles ont de dégoûtant soit couvert par ce qu'elles ont de terrible. Tout le monde a lu, et on a traduit dans toutes les langues le passage du Dante où le malheureux Ugolin, représenté dans l'enfer rongeant le crâne de son ennemi, essuie sa bouche avec la chevelure de ce crâne ensanglanté. C'est la faute du traducteur, quand ces images révoltent, au lieu d'effrayer. Venons maintenant à cet épisode de Polyphème: il prouve que le poëte a droit de peindre non seulement les objets naturels, mais encore ce qui est hors de la nature. Le monde ne suffit pas plus aux grands poëtes qu'aux conquérants; on peut dire d'eux comme d'Alexandre:

Maître du monde entier, s'y trouvoit trop serré.
BOILEAU, satire VIII.

Il me faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde.
Clymène, comédie.

dit La Fontaine. L'extraordinaire appartient encore plus que le vrai à la poésie épique; et, quand elle a peint ce qui est grand, elle a encore à peindre ce qui est gigantesque. Les récits des géants sont un des premiers charmes de l'Arioste. Enfin, tous les hommes sont enfants pour les fables, ce qui fait dire encore à La Fontaine :

Si Peau-d'Ane m'étoit conté,

J'y prendrois un plaisir extrême.
Livre VIII, fable IV.

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Le mot impunément est employé ici dans une acception différente de celle que lui donne l'usage. Cependant il exprime la pensée de Virgile avec tant d'exactitude, que j'ai cru devoir m'en servir; et je me suis en cela appuyé de l'autorité de Racine, qui fait dire dans le même sens à Ériphile:

Dans un lâche sommeil crois-tu qu'enseveli
Achille aura pour elle impunément páli?

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On sent avec quel goût le mot immensus est rejeté au vers suivant, et combien il alonge la taille immense du géant.

(54) Heu! genitorem, omnis curæ casusque levamen,

Amitto Anchisen, etc.

Un poëte sans goût se seroit étendu très au long sur cette mort d'Anchise; Virgile, en peu de vers, rend compte de cet événement, et il peint la douleur d'Énée avec la plus touchante sensibilité.

En tout, ce livre, l'un des moins cités de l'Énéide, est un des plus estimables: on ne pouvoit donner plus d'intérêt à un voyage sur les mers de Grèce et de l'Italie. L'aventure touchante de Polydore; l'entrevue encore plus touchante d'Andromaque et d'Enée; les regrets du veuvage et de la maternité; les malheurs de l'exil; et, dans l'histoire d'Achéménide, cette belle recommandation de la pitié et de l'humanité, même entre ennemis; les regrets touchants d'Enée à la mort de son père; une foule de descriptions variées; celle d'une peste, d'un volcan, d'une tempête, des lieux les plus fameux de la Grèce et de l'Italie; l'exactitude du géo

graphe; l'imagination brillante du poëte; en un mot, la réunion de tout ce que l'histoire, la fable, la nature morale et physique, offrent de plus touchant, de plus beau, de plus pittoresque: voilà ce que personne n'a dit de ce troisième livre, supérieur peut-être à d'autres, dont les beautés, plus sensibles, sont plus à la portée des lecteurs ordinaires. Ainsi, dans un cabinet de tableaux, tandis que la foule se presse devant une composition dont le sujet est plus intéressant, ou le coup d'œil plus brillant, le connaisseur reste les yeux fixés sur un chef-d'œuvre, qui, moins intéressant au premier coup d'œil, rappelle et entretient l'attention par la beauté du dessin, la vérité du coloris, et la perfection des détails.

VARIANTES

DU LIVRE PREMIER*.

PAGE 3, VERS I

Moi qui, jadis assis sous l'ombrage des hêtres,
Essayai quelques airs sur mes pipeaux champêtres,
Qui depuis oubliant les bois pour les vergers,
Et quittant pour le soc les flûtes des bergers,
Soumis les champs ingrats au laboureur avide;
Aujourd'hui, d'une voix plus forte et moins timide,
Je chante, etc.

IBID., VERS 14.

Que n'imagina pas la déesse implacable,
Alors qu'il disputoit à cent peuples fameux
Cet asile incertain, tant promis à ses dieux,
Qui doit au Latium sa brave colonie,

Qui dut mêler son sang au vieux sang d'Ausonie,
Préparoit le berceau de ces fameux Albains,
Nobles fils d'Ilion, et pères des Romains;
Et leur cité, de Rome un moment la rivale,

Et des vainqueurs des rois la ville impériale!
Muse, etc.

Et préparoit de loin la race ausonienne,
L'empire des Albains et la grandeur romaine.
Muse, etc.

On a négligé de rapporter ici comme variante les changements de quelques mots, et même d'un ou deux vers; ces corrections sont trop nombreuses, et il eût été sans utilité de les accumuler.

Et formoit des débris de la race troyenne,

L'empire des Albains, etc.

PAGE 5, VERS 11.

Et du monde conquis vaste dominateur:

Du sort impérieux tel est l'ordre suprême.

Tremblante pour sa gloire, et pour les Grecs qu'elle aime,
Se rappelant encor tous ces fameux combats

Que pour ces Grecs chéris avoit livrés son bras,
Une autre injure parle à son ame indignée:
Par un berger troyen sa beauté dédaignée,
L'odieux jugement qui fit rougir son front,
Hébé pour Ganymede, etc.

PAGE 7, VERS 2.

Tant dut naître avec peine et croître lentement
De l'empire romain l'éternel monument!

A peine leurs vaisseaux, partis de la Sicile,
Voguoient à pleine voile, etc.

IBID., VERS 13.

Pourroit dans l'Italie aborder malgré moi!
Sort cruel ! Quoi ! Pallas, une simple déesse.....

PAGE 13, VERS 15.

D'autres au fond des eaux

Roulent épouvantés de découvrir la terre:
Aux sables bouillonnants l'onde livre la guerre.

Par le fougueux Autan rapidement poussés
Contre de vastes rocs trois vaisseaux sont lancés ;
Trois autres par l'Eurus, etc.

PAGE 15, VERS 2.

Et, cédant sous le poids à la vague qui gronde,
La nef tourne, s'abîme et disparoît sous l'onde.

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