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On sait qu'aux termes de l'arrêté du 5 janvier 1865 qui a institué cette prime, elle consiste en une somme de 1,500 fr. (1,200 fr. espèces, et médaille d'or de la valeur de 200 fr., au lauréat; 100 fr. aux domestiques de l'exploitation).

Elle est décernée à l'agriculteur dont l'exploitation, comparée aux autres domaines ruraux de l'arrondissement, sera la mieux dirigée, et qui aura réalisé les améliorations les plus utiles et les plus propres à être offertes comme exemple. La distribution de la prime se fait chaque année, pendant le cours de la session du Conseil général, en séance solennelle.

Les concurrents devront se faire inscrire à la sous-préfecture de Gex, avant le 20 mars prochain, délai de rigueur. Leur demande contiendra leurs noms et prénoms, l'étendue (superficie en hectares) et la nature de leur exploitation, ainsi que l'indication du lieu où elle est située.

DE LA PARTICIPATION DU CÉPAGE

ET DU TERRAIN DANS LA QUALITÉ DU VIN

M. de Lafitte-Lajoannenque, viticulteur, aussi savant théoricien qu'habile praticien, a lu dans la séance du 7 novembre dernier du Comice agricole de Lot-et-Garonne, une notice remarquable sur les cépages fins, notice publiée par le Cultivateur agenais.

L'éminent œnologue a voulu convaincre par des faits, en exposant en même temps des vins produits de ses expérimentations:

1° Que ce n'est pas le terrain seul qui fait le vin, comme le croyaient déjà les Hébreux;

2° Que c'est le cépage qui contribue pour beaucoup à la qualité du vin ;

3° Que les cépages fins ne produisent suffisamment qu'en leur laissant une seule branche à fruit au moment de la taille, conduite probablement suivant la méthode Guyot.

En Bourgogne et en Beaujolais, on a l'habitude de tailler. court, parce qu'on croit que la longue taille épuise les cépages. Suivant M. de Lafitte, une vigne ne produit abondamment qu'à la 5 pousse, et son vin ne peut être apprécié comme possédant ses qualités normales qu'à la 20° année. « On peut cependant, dit-il, en examinant le vin d'une vigne jeune prévoir ce que sera le vin qu'elle produira plus tard. » Il prouve, par ses échantillons exposés, qu'il a obtenu avec le Carmenet-Sauvignon et le Malbec, cépages du Médoc, des vins imitant parfaitement le Bordeaux.

Le Carmenet-Sauvignon en jeune plant, donne au vin un goût astringent, les premières années; M. de Lafitte fait disparaître ce goût en fouettant le vin avec du blanc d'œufs. Mais à mesure que la vigne prend de l'âge l'astringent disparaît.

Le vin acquiert son bouquet en bouteilles, en peu de mois. Lorsqu'il a vieilli pendant quelques années en futaille il prend une maladie, appelée maladie de la bouteille, du 3° au 7° mois. Voici la part que M. de Lafitte fait au terrain dans la production du vin.

Les racines s'étendent dans le sol pour y puiser la sève nécessaire à la nutrition du corps; cette sève a besoin de séjourner quelque temps dans les tissus de la plante, de se combiner pour ainsi dire, pour produire des fruits. Il en est de même pour tous les arbres à fruits; si le sol est trop riche, la sève est trop abondante; si le plant est jeune, ses pores ne sont pas assez resserrés et la sève y circule avec vigueur. « Le cépage recevant continuellement des sucs nouveaux ne pourra jamais les convertir en sucre pour le raisin qui sera acide et aqueux. » Le contraire a lieu dans un terrain à soussol calcaire. « Au moment des chaleurs les racines ne trouveront plus à puiser de nourriture dans le sol et le sous-sol; la sève ne circulant presque plus, les raisins ne recevront pas de nouveaux sucs et ne pourront transformer ces acides et aqueux en matière sucrée.

<< Le terrain a donc incontestablement, dit M. de Lafitte

Lajoannenque, une influence très-grande sur la qualité et la richesse du fruit, et par suite sur celle du vin. Mais le Médoc et la Bourgogne n'ont pas seuls ce privilège de posséder ces sortes de terrains; on en trouve dans la plupart des localités. Lorsque le climat, l'exposition, l'altitude sont favorables, si on plante avec des cépages choisis et dans des proportions convenables, il ne paraît pas bien démontré que l'on ne fera pas du vin aussi bon que celui que l'on peut faire ailleurs. >> Voici maintenant la part des qualités vinaires que M. de Lafitte attribue au raisin.

Chaque raisin a un goût particulier qui diffère des autres; il en est de même du vin. Le caractère qui distingue les vins de Médoc des autres vins est produit par le Carmenet-Sauvignon, et ce cépage lui a donné un vin qui a le même caractère. « Ce n'est donc pas le terrain qui le donne, mais bien le cépage. Le terrain, le climat, l'exposition, l'altitude, les procédés de vinification et les soins que l'on donne aux vins développent leurs qualités, les rendent plus ou moins fins, mais ne peuvent pas leur imprimer le caractère qui constitue le crû. »

L'auteur examine enfin s'il est plus avantageux de cultiver les cépages ordinaires que les cépages fins.

Lorsqu'il y a année d'abondance, les vins ordinaires descendent à 50, 40 et même 30 fr. les deux hectolitres, tandis que les vins fins conservent presque constamment leur haut prix. Ainsi, lorsqu'un viticulteur parvient à transformer son vignoble ordinaire en cépages fins, il augmente en. proportion la valeur de sa propriété.

Voici comment procède M. de Lafitte pour savoir ce que produit un hectare de vigne :

<< Lorsqu'on veut savoir ce que produit un hectare de vigne, on prend un ensemble de plusieurs hectares dans diverses localites; ces vignes ne sont pas toutes soumises simultanément aux mêmes influences atmosphériques; les unes sont mieux cultivées que les autres; on prend la moyenne du rendement, et, lorsque ce travail a été fait pendant plusieurs années de

suite, en prenant la moyenne de toutes ces moyennes, on sait exactement ce que rapporte un hectare de vigne; mais lorsqu'il n'en existe qu'une, qui ne fait qu'entrer en production, on ne peut avoir que des probabilités. Il n'y a que les propriétaires, qui ont introduit des innovations dans leurs cultures, qui puissent se rendre compte de toutes les difficultés que j'ai eues à surmonter pour modifier le système de taille généralement adopté dans ma contrée.

« J'ai déjà eu l'honneur d'examiner devant le Comice ce que doit rapporter un hectare de vignes, en tenant compte : « 1° De l'intérêt de la terre à 3 p. 0/0;

« 2o L'intérêt de l'argent dépensé à 5 p. 0/0;

« 3o Assurances, amortissement du capital dépensé (50 fr. par hectare et par an);

«4° Frais annuels par hectare, 250 fr.;

«5° Prévision d'une récolte entièrement perdue sur cinq.

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D'après cela, j'avais établi qu'un hectare de vignes devait rapporter 595 fr. 94 c., quelle que fût la qualité de la production. Tout ce qui dépassera ce chiffre constituera le boni de l'opération, ce sera un accroissement de revenu. Par conséquent, si la production est de vingt barriques comme je l'avais prévu, le vin pourra se livrer à 49 fr. 78 la barrique, sans logement. Si elle se vend 120 fr. logée, ou 108 fr. sans logement, l'hectare produira 1286 fr. moins 595 fr. 94 ou près de 700 fr. par hectare. Si la production n'est que de six barriques, l'hectare produira 648 fr.; il y aura encore un accroissement de revenu de 52 fr. par hectare. Si la production est de 9 barriques, et je crois qu'elle ne sera jamais inférieure, l'accroissement de revenu sera de 972 fr. moins 595 fr. 94 c. ou 376 francs par hectare. Mais j'ai l'espoir, que je crois fondé, de vendre mes vins à un chiffre supérieur à celui de 120 fr. la barrique.

Lorsqu'un pays produit un vin d'un certain caractère, si on veut modifier ce caractère par un changement de cépages,

il faut, une fois la plantation faite, garder pendant plusieurs années le vin qu'elle a produit, afin de bien constater son caractère et sa qualité. Il est incontestable que tout le monde ne peut pas le faire, puisqu'il faut débourser des capitaux qui restent longtemps improductifs. Mais une fois l'expérience faite par un propriétaire dans des conditions normales, à la portée de tout le monde, il est évident que chacun en profitera. »

M. de Lafitte ne s'est pas borné à faire des essais de cépages bordelais; il a planté du franc-pineau de Bourgogne; mais à la quatrième année (en été dernier), les raisins ont été grillés. Ce fait nous porte à croire que les plants du Nord, en général, conviennent peu au climat du Midi.

Le

peu de raisins épargnés par la sécheresse a néanmoins donné un « vin remarquable, ayant le caractère du vin de Bourgogne, et on le prendrait pour du vin vieux. »

M. de Lafitte a aussi planté de la sirrah de l'Ermitage qui, dès le commencement, lui a donné de bons résultats.

Ce nouveau fait confirme ce que nous venons de dire sur les convenances climatériques des cépages. Les raisins du pineau de Bourgogne sont grillés en été dans le Midi, mais la sirrah, plant d'un pays chaud, y réussit.

Les changements de cépage, de taille, de culture en général auront pour résultat définitif, suivant M. de Lafitte, de créer à la longue des crûs nouveaux qui porteront les noms des pays où ils auront été obtenus; ou bien des vins améliorés imiteront ceux des territoires renommés, et seront recherchés par les marchands qui les payeront à un prix relatif, à un prix audessus de l'ordinaire. Il y aura donc amélioration pour le producteur et le marchand. Quant au consommateur, il sera, comme en tout et toujours, la victime des deux premiers : il boira peut-être du meilleur vin, mais à un prix plus élevé. Il lui restera, il est vrai, une consolation, celle de mettre plus ou moins d'eau dans son vin, suivant sa bourse.

J. CHERPIN.

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