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CHAPITRE II

L'ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO.

SA FONDATION, SES LIMITES ET SA CONDITION PRÉSENTE

L'acte général de la Conférence de Berlin est la source commune d'où procèdent la plupart des créations coloniales qui viennent d'être rappelées et des actes internationaux qui les consacrent. Convaincus que, dans leur mouvement irrésistible d'expansion, les nations européennes avaient besoin du continent africain comme lui-même avait besoin d'elles, les promoteurs de cette Conférence ont conçu l'un des plus remarquables desseins politiques de ce siècle : ils ont voulu que la région moyenne de cet immense continent, comprise entre le massif soudanien et la péninsule australe, devînt l'apanage commun des peuples colonisateurs, que toutes les énergies de la civilisation pussent s'y déployer librement, aplanissant les voies à tous les progrès, supprimant autant que possible toute chance de recul. Chaque conquête faite sur ce terrain devait devenir définitive et frayer les voies à une conquête nouvelle.

De cette pensée est sortie la détermination des territoires groupés sous la dénomination de bassin

conventionnel du Congo, ainsi que la législation économique et politique qui les régit.

Si étendue que soit l'aire géographique dont les eaux se rendent au Congo, ce bassin la dépasse il l'élargit sur la côte de l'Atlantique, il la prolonge sur les rivages de l'océan Indien, qu'il atteint avec une ouverture de vingt-cinq degrés (500 lieues). Deux parts ont été faites de ce gigantesque domaine sur le littoral des deux mers s'étagent les possessions allemandes, anglaises, françaises, espagnoles et portugaises, qui enveloppent. et soutiennent, comme autant de contreforts, la dépression centrale. Celle-ci forme essentiellement le bassin du grand fleuve; c'est le territoire de l'État Indépendant auquel il donne son nom. De sa vraie nature, l'empire du Congo est un État méditerranéen; il n'accède à la mer que par une bande étroite de terres, ne mesurant guère que trente-sept kilomètres à la côte. Là débouche, à la vérité, le majestueux cours d'eau; mais si, physiquement, il plonge au cœur du continent, commercialement, il cesse d'exister entre Matadi et Léopoldville: ce n'est que par un chemin de fer que ses deux tronçons peuvent se rejoindre pour se souder au Stanley-Pool, la clef politique et commerciale de l'Afrique équatoriale.

Constitué dans ces conditions, l'État du Congo ne pouvait vivre et prospérer, remplir sa tâche et coopérer à celle des autres puissances, qu'à la faveur d'une législation spéciale et de garanties exceptionnelles. C'est l'acte général de la Conférence de Berlin qui contient cette législation, qui fournit ces garanties. Ici apparaît l'étroite dépendance entre l'œuvre

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propre de la Conférence et la constitution de l'État du Congo. L'une ne se conçoit ni ne s'explique sans l'autre : toutes deux sont solidaires au premier degré. Les négociations suivies en dehors de la Conférence sont connexes aux délibérations qui ont eu lieu en son sein; la pensée des premières est toujours présente pendant les secondes, alors même que le mot n'est jamais prononcé. Le résultat atteint, la double signification s'en est révélée dans la séance historique du 23 février 1885, où les représentants de toutes les puissances ont acclamé l'entrée de l'État africain central dans le concert international et rendu hommage aux hautes vues de son fondateur. C'est qu'en effet, si cet État ne peut se développer que sous le régime de l'acte général de la Conférence, cet acte lui-même, l'œuvre collective des gouvernements des deux mondes, perd sa principale valeur en cas d'échec ou de naufrage de cet État (1).

L'acte général de la Conférence de Berlin du 26 février 1885 devrait donc figurer en tête des docu

(1) Une publication allemande qui est peu suspecte de complaisance envers l'État du Congo, la Deutsche Kolonialzeitung, du 17 mars 1888, a publié, sur la Conférence de Berlin, une étude du Dr T. Fabri, dont voici l'une des conclusions: « C'est une question ouverte que de savoir si la Conférence du Congo a été plus utile à l'État du Congo que la fondation de celui-ci ne l'a été à la Conférence. C'est un fait qu'il a fallu la plus forte pression diplomatique de toutes les puissances de la Conférence et, de plus, la médiation énergique et habile de la France pour obtenir, à la dernière heure, mais d'une façon décisive, du Portugal, la reconnaissance de l'État du Congo, et que, d'autre part, sous les rapports les plus divers, la Conférence n'a atteint son but propre et pratique que par la fondation de l'État du Congo, ou du moins n'a obtenu qu'à ce prix une garantie durable de l'application permanente de l'idée fondamentale qu'elle a voulu introduire dans le régime économique du monde. "

ments diplomatiques qui déterminent la condition politique de l'Afrique contemporaine; mais ses dispositions ont reçu déjà la plus large publicité et elles sont présentes à toutes les mémoires. Il suffira donc ici d'en rappeler la substance : liberté du commerce et de la navigation pour tous à l'exclusion de tout traitement différentiel; assimilation des étrangers aux nationaux sous le rapport civil et commercial; interdiction des droits d'entrée et de transit pendant vingt ans au moins pour les premiers; libre accès, sans distinction des riverains et des non-riverains, à toutes les voies navigables du bassin du Congo et aux routes qui y sont assimilées, même en temps de guerre, avec le maximum des garanties et immunités inscrites dans le droit public des deux mondes, et avec le concours éventuel, pour en faciliter l'usage, d'une commission internationale; protection des voyageurs, des missionnaires et des indigènes, et interdiction absolue de la traite. sur terre comme sur mer; adhésion à l'union postale ; faculté de neutraliser à titre perpétuel ou temporaire les territoires occupés et les établissements créés dans la région conventionnelle; conditions de publicité et d'efficacité requises pour l'occupation ou le protectorat des parties encore disponibles du littoral africain.

Cette législation faisait de l'Afrique centrale le domaine économique commun de toutes les nations civilisées; mais elle ne dispensait pas d'y constituer un pouvoir souverain chargé de son application.. Avant même que la Conférence se fût mise à l'œuvre, cette tâche avait été entamée. Le Roi des Belges avait fondé l'Association internationale du Congo, et dans

une déclaration échangée dès le 22 avril 1884 avec le gouvernement des Etats-Unis, il avait posé les bases du régime commercial que les puissances ont depuis formulé et sanctionné à Berlin. Mais ce premier accord ne suffisait pas à introduire dans le droit public de l'Europe le gouvernement qui se formait. L'empire d'Allemagne lui fit franchir ce pas en signant avec lui, le 8 novembre 1884, sept jours avant l'ouverture de la Conférence de Berlin, la convention suivante :

ARTICLE 1er. L'Association internationale du Congo s'engage à ne prélever aucun droit sur les articles ou marchandises importés directement ou en transit dans ses possessions présentes et futures des bassins du Congo et du Niadi-Kwilu, ou dans ses possessions situées au bord de l'océan Atlantique. Cette franchise de droits s'étend particulièrement aux marchandises et articles de commerce qui sont transportés par les routes établies autour des cataractes du Congo.

ART. 2. Les sujets de l'empire allemand auront le droit de séjourner et de s'établir sur les territoires de l'Association. Ils seront traités sur le même pied que les sujets de la nation la plus favorisée, y compris les habitants du pays, en ce qui concerne la protection de leurs personnes et de leurs biens, le libre exercice de leurs cultes, la revendication et la défense de leurs droits, ainsi que par rapport à la navigation, au commerce et à l'industrie.

Spécialement, ils auront le droit d'acheter, de vendre et de louer des terres et des édifices situés sur les territoires de l'Association, d'y fonder des maisons de commerce et d'y faire le commerce ou le cabotage sous pavillon allemand.

ART. 3. L'Association s'engage à ne jamais accorder d'avantages, n'importe lesquels, aux sujets d'une autre nation.

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