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elle ne pouvait en rester simple spectatrice. Par le traité d'Adoua, du 3 juillet 1884, la Grande-Bretagne s'était faite médiatrice entre l'Égypte et l'Abyssinie; le Négus devait, en vertu de cet acte, rentrer en possession du territoire des Bogos, et le port de Massaua devait être entièrement ouvert au commerce abyssin, << sous la protection britannique ». L'Italie se substituant à l'Égypte, comme l'Angleterre elle-même le faisait à Berbera et à Sela, une étroite entente de vues s'établit entre les deux puissances (1). La mission conciliatrice de sir Gerald Portal, en octobre 1887, fut une conséquence lointaine de cette situation. L'étendue de l'occupation était subordonnée aux circonstances, mais le cabinet de Rome, dans les propositions de paix transmises au Négus par le général San Marzano, le 30 mars 1888, a fait connaître les bases actuelles qu'il désire donner à son établissement de Massaua, dont la limite serait portée, à l'intérieur, jusqu'à la vallée d'Ailet.

Au point de vue politique, le plan général de l'entreprise demeure vague; mais les données géographiques montrent ce qu'elle pourrait être dans l'avenir. Les ports de la côte et la région sablonneuse de Samhara, qui s'étend en arrière sur une profondeur variable de vingt à cinquante-cinq kilomètres, ont peu de valeur par eux-mêmes ; ils sont importants, en revanche, comme débouchés commerciaux de la Suisse africaine, l'Abyssinie et sa dépendance le Choa.

(1) Les rapports entre l'Italie et l'Angleterre à ce moment, qui coïncide avec la chute de Khartoum, ont été clairement définis par M. Mancini, dans son discours à la Chambre des députés du 17 mars 1885.

De Massaua, une ligne droite, menée par Keren et Kassala, atteint perpendiculairement la jonction des deux Nil à Khartoum, éloignée d'environ sept cents kilomètres de la côte; une distance à peu près égale sépare Assab du lac de Tsana, dépression qui correspond au centre du plateau abyssin, au pied occidental duquel coule le Nil Bleu. Arriver de ces deux points au Nil, en enveloppant l'Abyssinie et le Choa, ce serait répéter, bien que sur une moindre échelle, l'opération qui a conduit les Français de Saint-Louis et Dakar au Niger.

Depuis de longues années, une phalange compacte d'explorateurs, d'officiers, de commerçants italiens s'étaient dévoués à cette tâche; ils continuent de s'y consacrer avec une rare persévérance. La résistance imprévue du Négus de l'Abyssinie a compromis l'exécution du plan. Le sanglant échec de Dogali (26 janvier 1887) a donné la parole aux armes. Mais ce ne saurait être là qu'une phase transitoire.

Le problème n'est pas de ceux qui se résolvent par la force. Le gouvernement italien a déclaré itérativement qu'il n'a jamais entendu faire la conquête de l'Abyssinie, ni même la placer sous son protectorat ; mais autre chose serait de l'entraîner dans la sphère de son influence et d'y créer, sous le drapeau protecteur de l'Italie, un nœud de jonction entre l'Europe civilisée et les populations soudaniennes du haut Nil. On comprend donc que la Chambre des députés d'Italie, ayant à se prononcer naguère sur l'évacuation de Massaua, l'ait repoussée par 302 voix contre 40. Le même jour où fut émis ce vote, le 12 mai 1888, le premier

ministre, M. Crispi, s'exprimait ainsi : « Des anciennes conquêtes des républiques italiennes, il n'a rien survécu; l'Italie nouvelle a tout à faire sous ce rapport. L'extension coloniale est, pour les nations modernes, une question vitale. Les avantages qu'elle procure ne sont pas de ceux qui se traduisent par des chiffres (1).

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Tandis que l'action européenne est tenue en échec sur le Nil moyen et au pied du plateau abyssin, l'Afrique australe voit s'opérer la réconciliation des divers groupes de populations qui l'habitent, et tend à l'unité sous la forme fédérative.

Le projet conçu vers 1868 au Cap de porter directement la domination britannique jusque dans la vallée du Zambèse, en l'appuyant aux rivages des deux Océans, projet donc l'exécution fut résolument abordée il y a dix ans, n'a pas réussi. L'insurrection

(1) Un litige secondaire a surgi récemment entre la France et l'Angleterre dans les mêmes parages. Depuis 1862, la France a pris possession de la rade d'Obock, en face d'Aden, ou elle a créé un dépôt de charbons. En 1884, cet établissement s'est agrandi vers l'intérieur par l'extension du protectorat français sur le golfe de Tadjourah. La Grande-Bretagne, de son côté, recueillant les épaves de la domination de l'Égypte au Soudan, s'est installée plus au sud, dans les places de Sela, de Boulhar et de Berbera, sur la côte des Somalis. Toutes ces places visent à attirer le commerce de l'intérieur, à devenir les têtes de ligne des caravanes venant du Choa par la belle province de Harrar, occupée en 1875 par les Égyptiens, mais tombée, après leur retraite, au pouvoir du roi Menelik. Les Français et les Anglais se sont trouvés naguère en conflit au sujet de la possession de Doungareta, où un officier britannique fit abattre le pavillon de la France. Un arrangement intervenu en 1887 partage la baie de Tadjourah, dont la rive septentrionale et occidentale demeure à la France avec la rade de Gubbet-Kharab qui en constitue le fond.

des Boers et l'établissement du protectorat allemand au nord de l'embouchure du fleuve Orange l'ont fait avorter. Dans le pays des Betchuanas, l'Angleterre a pris pour limites actuelles de son influence le 22o degré de latitude sud; elle a renoncé également à la conquête du Transvaal. Le traité du 3 août 1881 rendit à cet État son autonomie sous la suzeraineté de la Grande-Bretagne, qui se réserva le droit d'y envoyer un résident, d'y faire passer ses troupes en cas de guerre ou de danger de guerre et de contrôler les relations extérieures du gouvernement transvaalien. Un second traité, du 27 février 1884, a amélioré ces conditions. Le Transvaal, qui prend désormais la dénomination de République de l'Afrique du Sud, recouvre une véritable indépendance sous la réserve de l'article 4, qui stipule :

<«< La République Sud-Africaine ne conclura de traité ni ne prendra d'engagements avec aucun État ou nation autres que l'État libre d'Orange, ni avec aucune tribu indigène à l'est ou à l'ouest de la République, que sous la réserve de l'approbation de Sa Majesté la Reine.

<< Cette approbation sera considérée comme acquise si, dans le délai de six mois après la remise d'une copie du traité, copie qui sera envoyée immédiatement après la signature, le gouvernement de Sa Majesté n'a fait savoir que la conclusion de ce traité est contraire aux intérêts de la Grande-Bretagne ou de quelque possession de Sa Majesté dans l'Afrique du Sud. »

Les rapports commerciaux, d'après l'article 13, ne comportent, de part et d'autre, ni taxes, ni prohibi

tions qui ne seraient pas d'application générale. « Ces dispositions, toutefois, est-il ajouté, n'empêchent pas l'examen d'arrangements spéciaux relativement aux droits d'entrée et aux rapports commerciaux entre la République Sud-Africaine et l'une ou l'autre des colonies ou possessions de Sa Majesté. »

L'État libre d'Orange, qui ne compte d'ailleurs qu'une population de 150,000 âmes au plus, n'est guère, dans ces conditions, qu'une enclave. Le pays des Zoulous a perdu récemment son indépendance; un tiers de son territoire, érigé d'abord en république distincte, fait, depuis le mois d'octobre dernier, partie du Transvaal; le surplus a été réuni, le 14 mai 1887, aux possessions anglaises. Une conférence de délégués des divers États de l'Afrique du Sud a été convoquée au Cap pour débattre les termes d'une union douanière et étudier la création des ressources nécessaires à l'établissement d'un vaste réseau de chemins de fer. Cette Conférence, où la République Sud-Africaine seule s'est abstenue momentanément de paraître, a terminé ses travaux le 18 février 1888; elle a décidé en principe la fondation d'un zollverein sud-africain, avec un tarif uniforme à la frontière et la libre circulation des produits indigènes. On a arrêté également les bases de l'extension dans l'État d'Orange des chemins de fer du Cap et de Natal. Déjà le Cap, indépendamment de ses 13,500 kilomètres de routes, a 2,646 kilomètres de voies ferrées; Natal en a 347; la ligne de Prétoria à Lorenço Marquez est achevée sur le territoire portugais. La jonction de la capitale de la République SudAfricaine au réseau du Cap à travers l'État d'Orange est

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