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Cependant l'opinion générale du monde se préoccupait à peine de ce travail de géants. En dehors de l'enceinte des sociétés de géographie, et le nombre en était restreint, les questions africaines ne soulevaient pas d'écho. La presse les ignorait; les gouvernements n'y apportaient qu'un intérêt passager. L'initiative remarquable prise en 1876 par le Roi des Belges changea l'aspect des choses. La conférence qui siégea au mois de septembre de cette année sous sa présidence, la réunion au palais de Bruxelles de toute une pléiade de voyageurs célèbres à peine revenus du théâtre de leurs découvertes, frappèrent les esprits. On apprit à la fois à connaître ce qui avait été fait en Afrique, ce qui restait à y faire. Pendant plusieurs années, l'Association internationale africaine fixa l'attention par des expéditions où des voyageurs belges firent avec éclat leurs premières armes.

Le retour de Stanley en 1877, après sa mémorable traversée de l'Afrique équatoriale, donna le signal, dès l'année suivante, de la fondation de l'œuvre du Congo. De la côte occidentale comme de la côte orientale, des percées profondes furent dirigées vers l'intérieur. Les derniers obstacles cédèrent devant cet effort obstiné. Il y a douze ans, le noyau central, d'une étendue supérieure au tiers de l'Europe, figurait encore sur nos cartes un vide immense aujourd'hui, c'est le cœur même de l'État indépendant du Congo, dont les agents sillonnent en tout sens le vaste empire à

de l'Association africaine de Londres. Dix petites cartes retracent de dix en dix ans le progrès de la découverte. Un simple coup d'œil sur ce document en dit plus que de longues pages.

l'aide d'un des plus admirables réseaux hydrographiques qui existent sur la terre.

Ce fait, qui est l'expression d'un progrès colossal de la science géographique, caractérise en même temps une révolution accomplie dans les idées. L'énergie persévérante du Roi des Belges avait mis et maintenu la question africaine à l'ordre du jour de l'Europe. L'impulsion donnée aux esprits était générale; les gouvernements ne pouvaient plus s'abstenir; il était plutôt à craindre que certains d'entre eux ne missent un excès de précipitation à regagner le temps perdu. Chacun sentait et quelques-uns voyaient clairement qu'un continent nouveau, que des races nouvelles allaient collaborer à la civilisation du monde et modifier essentiellement la balance des intérêts universels.

La convocation en 1884 d'une conférence à Berlin, par le gouvernement impérial d'Allemagne, fut le résultat et la consécration de ce mouvement. Les six grandes puissances de l'Europe, sept autres États maritimes et les États-Unis d'Amérique y prirent part. Cette grande assemblée marque la limite exacte où l'œuvre de la science trouve son complément dans l'action de la politique, où les entreprises nationales viennent coopérer avec les initiatives individuelles.

La Conférence de Berlin a rempli une double tâche : elle a secondé la constitution, au cœur même de l'Afrique équatoriale, d'un grand État méditerranéen, commercialement ouvert à toutes les nations, politiquement soustrait à leurs compétitions; elle a arrêté

en même temps les bases d'une législation économique immédiatement applicable à la zone centrale du continent, virtuellement appelée à une application plus étendue. Ce régime, inspiré par les idées les plus libérales, écartant toute velléité d'exploitation égoïste, doit protéger à la fois les indigènes et les Européens dans leurs rapports avec les puissances colonisatrices; il sanctionne les principes, justement chers à notre époque, de liberté religieuse et civile, de concurrence loyale et pacifique, et rompt ouvertement avec les traditions surannées de l'ancien régime colonial.

Trois ans se sont écoulés depuis la promulgation de l'acte de la Conférence de Berlin, et déjà la pensée politique et économique qui faisait le fond de ses clauses a reçu en Afrique de multiples applications. L'Allemagne, l'Angleterre, la France et le Portugal ont rivalisé d'activité sur ce théâtre, tout en demeurant fidèles à l'esprit d'entente et de justice, de concessions réciproques, qui avait dicté leurs résolutions communes. La répartition de l'Afrique des deux côtés de l'équateur, sur une profondeur de trente degrés de latitude entre deux océans éloignés l'un de l'autre d'une distance moyenne de six cents lieues, c'est-àdire le partage de territoires dont la superficie atteint trois cent soixante mille lieues carrées, s'opère pacifiquement, sans trouble ni secousse, sans aucun de ces conflits onéreux et sanglants qui ont accompagné et sensiblement entravé la colonisation des deux Amériques.

Par une série de transactions qui se sont succédé de près, sept empires coloniaux s'ébauchent autour du

noyau central qui forme l'État du Congo. Importantes par les conséquences politiques qu'elles recèlent, ces transactions sont également dignes d'attention par les formules de délimitation qu'elles introduisent et par l'interprétation qu'elles donnent aux dispositions, de l'acte général de la Conférence de Berlin. En groupant ici les textes de ces documents, en indiquant en quelques traits leur origine et leur portée, nous ne faisons qu'élaborer le premier chapitre du code diplomatique de l'Afrique moderne.

CHAPITRE PREMIER

LES CONVENTIONS TERRITORIALES ET LES PRISES DE POSSESSION SUR LES DEUX OCÉANS

Le premier en date des arrangements de cette nature intervint entre l'Angleterre et l'Allemagne deux mois après la clôture de la Conférence de Berlin. Il concerne la délimitation de la sphère d'action des deux puissances dans le golfe de Guinée. Par les travaux de ses voyageurs, de ses marins, de ses négociants, l'Angleterre occupait de longue date une situation prépondérante dans le bassin du Niger inférieur et celui de son principal affluent, le Bénué. En 1861, elle avait pris possession de Lagos, devenue aujourd'hui une ville de 36,000 âmes et le principal entrepôt du commerce de la haute Guinée. Ses négociants et ses missionnaires avaient remonté le Niger et fondé, à sa jonction avec le Bénué, l'important poste de Lokodja. Le voyageur Baikie avait remonté, en 1854, le cours de cette dernière rivière à six cents kilomètres de son confluent, et l'expédition du Henry Venn avait complété encore, en 1880, les résultats obtenus, vingt-six ans auparavant, par la Pléiade.

Il y avait quarante ans, d'autre part, que l'Angleterre détenait par ses missionnaires la belle position de

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