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hier. Les malades étaient envoyés à Balaclava sous la surveillance d'un médecin de la division à laquelle ils appartenaient; à leur arrivée, ils n'ont trouvé rien de prêt pour les recevoir.

» Le commandant en chef sait que l'inspecteur général en second des hôpitaux, le docteur Dumbreck, avait donné des ordres verbaux au médecin d'état-major à Balaclava, mais cet officier a négligé de transmettre l'ordre à son chef, et il en est résulté que les malades, dont plusieurs souffraient extrêmement, sont restés plusieurs heures dans les rues, exposés au mauvais temps. Le nom de l'officier qui a commis cet acte de négligence est connu du commandant en chef. Il ne le publiera pas cette fois, mais il l'engage à être plus soigneux à l'avenir des ordres écrits à l'officier responsable. Lorsqu'un convoi de malades sera envoyé au camp, soit à l'hôpital, soit à bord des navires, il sera accompagné non-seulement par un médecin, mais par un lieutenant quartier-maître de la division, qui précédera le convoi et prendra des mesures pour que les blessés confiés à sa charge soient convenablement reçus.

» Signé RAGLAN. »

Nonobstant ce, les anglais ont ouvert quinze cents yards de tranchée dont la plus grande partie est en état de recevoir les gros canons. Ils sont plus éloignés que nous, mais le débarquement de leurs pièces est terminé. Il ont amené de Balaclava et établi dans un parc de réserve une quantité énorme de poudre, de boulets et de bombes; seulement beaucoup de bouches à feu restent sans emploi. La route est jonchée de boulets par suite de la rupture de plusieurs chariots que les marins ont chargés outre mesure. La gaieté de ces derniers est à la hauteur de leur empressement. Ils remorquent les pièces au son du fifre et du tambour, chantant, jurant et jetant à l'indigène qui les contemple avec stupéfaction, l'éternel salut qu'ils adressent indifféremment au turc, au bachi-bouzouck, au bulgare, au tartare ou au russe :

-Bono Johnny!

Sir John Burgoyne a marqué l'emplacement des batteries destinées à tirer contre les navires, à dix-neuf cents yards environ de distance; ces batteries sont garnies de canons de huit et dix pouces.

Tout se dispose pour l'ouverture du feu du côté des assiégeants; d'après les calculs faits, on estime que les batteries anglaise et française pourront jeter vingt-cinq mille six cents bombes et boulets par jour contre la place, en tirant un coup toutes les dix minutes.

Des renforts venus de Varna et de Gallipoli portent à vingt-trois mille hommes le corps de siége.

Pendant que le génie indique la continuation de la première parallèle vers la capitale du bastion du Mât, l'artillerie commence l'installation de deux nouvelles batteries, 7 et 8.

Une compagnie de francs-tireurs est organisée dans la journée du 15 par les soins du général Forey. Elle se compose d'un capitaine, d'un lieutenant, de deux sous-lieutenants, de quatre sous-officiers, de huit caporaux et de cent cinquante hommes pris parmi les meilleurs tireurs des bataillons de chasseurs à pied et des régiments de zouaves. Cette compagnie doit fournir soixante-quinze tirailleurs par jour, de quatre heures du matin à six heures du soir. Les francs-tireurs placés en avant de la nouvelle tranchée, à droite de la batterie n° 5, se baugent par groupes de trois ou quatre dans des abris creusés d'avance et dirigent leurs coups, dès la matinée du 16, sur les embrasures du bastion du Mât, à huit cent cinquante mètres de distance. Ils portent un tel désordre dans la garnison de ce bastion qu'une colonne sort sur ce point et se dirige vers les petits postes de francs-tireurs; mais la fusillade de précision qui la décime et à laquelle elle ne peut répondre qu'inégalement, la contraint à rétrogader.

Le surlendemain, le commandant en chef, appréciant les services de ce nouveau corps, crée une seconde compagnie de francs-tireurs.

Le 14, le général Canrobert et l'amiral Hamelin, ont concerté une attaque en commun de Sévastopol par les troupes de terre et de mer. Le 15, les amiraux des escadres alliées se réunissent à bord du Mogador et arrêtent les dispositions à prendre pour seconder l'armée. Devant l'impossibilité évidente d'attaquer les forts du nord sans prêter le flanc aux batteries du sud, on décide que les vaisseaux français et turcs placés les premiers attaqueront les ouvrages du sud, et l'escadre britannique ceux du nord. Une ligne imaginaire tracée de l'est à l'ouest le long de passe de Sévastopol sépare les emplacements affectés à chaque flotte. Quatorze vaisseaux français, combattant sur deux lignes endentées qui occuperont une étendue de huit encâblures, iront près des brisants du sud, attaquer les trois cent cinquante bouches à feu des batteries de la Quarantaine, du fort Alexandre et de l'Artillerie. En même temps, la flotte anglaise s'embossera près des brisants du nord, et tiendra

la

en échec les cent trente canons de la batterie Constantine, du Télégraphe et de la tour Maximilienne du nord. L'amiral turc, Ahmed-Pacha, avec les deux seuls vaisseaux qui lui restent en ce moment, jettera l'ancre entre les escadres française et anglaise.

Le 16, le général Thiry et le colonel Leboeuf inspectent soigneusement les batteries où les canons viennent d'être démasqués, et constatent leur état comme suit :

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(Marine.) 7 canons de 30; 2 obusiers de 22.
(Marine.) 8 canons de 30; 4 obusiers de 22.
(Armée.) 6 mortiers de 27; 2 mortiers de 22.
(Armée.) 6 canons de 24; 2 mortiers de 22.
(Armée.) Batterie à trois faces: 1re face, 4 obusiers
de 22; 2o face, 4 canons de 24; 3e face, 2
canons de 24 et 2 canons de 16.

(Marine.) Batterie du fort Génois : 4 obusiers de 22.
Les autres pièces ne sont pas encore in-
stallées.

Malgré l'état incomplet de cette dernière batterie, à l'achèvement de laquelle sont employés cinq cents soldats, le total des bouches à feu du côté des français s'élève à cinquante-trois, qui, réunies aux soixantetreize des anglais, composent un ensemble de cent vingt-six pièces, devant lutter contre les deux cent cinquante que l'ennemi peut nous opposer sur ce point.

Le général Bizot et le colonel Tripier s'assurent de la solidité des épaulements et font raser par des sapeurs du génie la Maison Brûlée, qui pourrait servir de point de mire à l'artillerie des assiégés.

Sur le soir, le général Canrobert réunit dans sa tente les chefs des divers corps de l'armée, et leur expose qu'en raison de l'excessive terreur qui règne à Sévastopol, terreur dont tous les déserteurs de la garnison citent des preuves multipliées, un assaut lui semble avoir des chances de succès. En conséquence, il leur annonce que, suivant son plan d'opérations, des colonnes d'assaut fournies par les troupes

d'élite et soutenues par le corps de siége devront, munies d'échelles et de grappins, se tenir prêtes à escalader le rempart, tandis que les batteries de terre et de mer écraseront les défenses de la place. Il recommande en outre à la cavalerie d'être en mesure de brider instantanément, et au corps d'observation d'être sous les armes et de doubler ses grand'gardes. Le signal du feu sera donné par la batterie no 3, au moyen de trois bombes tirées coup sur coup à six heures et demie du matin.

Lord Raglan prend des dispositions analogues. D'après le mémorandum adressé par lui aux généraux de division commandant sous ses ordres, la cavalerie du comte de Lucan et la réserve de sir Campbell doivent marcher au premier signe. Cette pièce officielle note en outre la place qu'occuperont les généralissimes des armées alliées : le général Canrobert se tiendra à la Maison d'Eau, à la gauche de la ligne anglaise; lord Raglan dans les carrés, sur le front de la division de sir Richard England.

L'enthousiasme des troupes est au comble; marins et soldats s'embrassent et poursuivent de huées joyeuses les projectiles qui passent sur leurs têtes de plein fouet. Un obus tombe aux pieds d'un capitaine, qui le ramasse et l'emporte sur ses épaules.

Fameux échantillon des fruits de Crimée! lui crie un farceur, mais méfiez-vous des noyaux.

Enfin, à six heures du matin, le 17, le colonel Trochu arrive à la tranchée, apportant au général Thiry l'ordre d'ouvrir le feu. Les canonniers se rangent aussitôt autour des pièces, et les trois bombes de la batterie n° 3 décrivent dans l'air leur sillon parabolique. Au même instant, les cent vingt-six pièces des armées alliées tonnent à la fois; la place riposte de toutes les batteries ayant vue sur les deux attaques. L'armée entière, debout et en armes, couronne les hauteurs, assistant, impatiente de s'y mêler, à ce spectacle imposant et terrible. Les bombes, les obus, les boulets ruissellent, ricochent et bondissent dans les boyaux et sur les épaulements; ici des pièces sont égueulées, là d'autres s'affaissent sur leurs affûts brisés; partout le sang coule, les cadavres s'amoncèlent. Les nuages de fumée ne nous permettent pas de voir si

nos pertes sont compensées et si la place souffre de notre bombardement; mais vers neuf heures le feu des assiégés se ralentit; sur plusieurs points, il s'éteint tout à fait, et l'on constate, à l'aide de longuesvues, qu'une vaste caserne, en arrière du bastion Central, est ruinée de fond en comble et que le bastion du Mât est démantelé.

Déjà l'on songe à l'assaut, lorsque la canonnade recommence plus furieuse, plus acharnée qu'au début. L'ennemi a remplacé ses pièces hors de service et nous fait tête de nouveau. La lutte demeure toujours indécise, quand, à neuf heures et demie, une bombe russe éclate sur le magasin à poudre de la batterie n° 4 et le crève. L'explosion est terrible; cinquante-sept cadavres, broyés, brûlés, lancés à travers l'espace, jonchent le sol; le capitaine Petitpied, commandant la batterie, effroyablement mutilé, n'offre plus qu'une masse informe et sanglante; les lieutenants Bergère et Joubert, sont grièvement blessés, et les huit pièces démontées gisent au milieu des débris de leurs affûts et des ruines de la batterie. Les russes, comprenant, au silence qui se fait sur ce point, l'avantage qu'ils viennent de remporter, redoublent d'efforts; la batterie no 5, écrasée sous une avalanche de bombes et de boulets qui la prennent de revers et d'enfilade, cesse également son feu. Un quart d'heure après, l'explosion d'un caisson à gargousses désorganise la batterie no 1, admirablement servie par nos marins.

Dans cette batterie, M. Michel, aspirant de 1re classe du Henri IV, a la jambe emportée par un boulet; des servants de pièces s'empressent autour de lui et veulent le relever pour le porter à l'ambulance :

Ce n'est rien, mes amis, continuez, dit-il en leur désignant leurs canons, et vive la France!

Le général en chef laisse, en présence de ces désastres successifs, le commandant de l'artillerie juge de l'opportunité de continuer le feu. Celui-ci, réduit à la moitié de ses forces, et ne pouvant, sans désavantage, poursuivre la lutte, donne, à dix heures et demie, le signal de cesser le tir.

L'ennemi, voyant notre immobilité, ralentit ses coups; pourtant, vers une heure et demie, une bombe entraîne l'explosion d'un second magasin à poudre.

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