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>> Notre attente a été déçue.

» En vain même les principales puissances de l'Europe ont cherché par Tours exhortations à ébranler l'aveugle obstination du gouvernement ottoman. C'est par une déclaration de guerre, par une proclamation remplie d'accusations mensongères contre la Russie, qu'il a répondu aux efforts pacifiques de l'Europe, ainsi qu'à notre longanimité. Enfin, enrôlant dans les rangs de son armée les révolutionnaires de tous les pays, la Porte vient de commencer les hostilités sur le Danube. La Russie est convoquée au combat; il ne lui reste donc plus, se reposant en Dieu avec confiance, qu'à recourir à la force des armes pour contraindre le gouvernement ottoman à respecter les traités et pour en obtenir la réparation des offensés par lesquelles il a répondu à nos demandes les plus modérées et à notre sollicitude légitime pour la défense de la foi orthodoxe en Orient, que professe également le peuple russe.

» Nous sommes fermement convaincu que nos fidèles sujets se joindront aux ferventes prières que nous adressons au Très-Haut, afin que sa main daigne bénir nos armes dans la sainte et juste cause qui a trouvé de tout temps d'ardents défenseurs dans nos pieux ancêtres.

» In te, Domine, speravi, non confondar in æternum.

» Donné à Tsarkoé-Sélo, le 20 du mois d'octobre (1er novembre) de l'an de grâce mil huit cent cinquante-trois, et de notre règne le vingt-huitième.

« Signé NICOLAS. »

Certes, il y aurait dans ce manifeste plus d'une injustice à signaler, plus d'une erreur à rectifier, mais ne vaut-il pas mieux reproduire cette proclamation d'Omer-Pacha à ses troupes et, quittant les voies tortueuses de la politique, se retremper dans les sentiments chevaleresques du soldat:

« SOLDATS IMPÉRIAUX!

» Quand nous combattrons notre ennemi, fermes et courageux, nous ne fuirons pas, et, pour nous venger de lui, nous sacrifierons notre tête et notre âme. Voyez le Coran; nous l'avons juré sur le Coran. Vous êtes musulmans, et je ne doute pas que vous ne sacrifiiez votre tête et votre âme pour la religion et pour le gouvernement.

> Mais s'il est parmi vous un seul homme qui ait peur de la guerre, qu'il le dise; car il est trop périlleux de se présenter à l'ennemi avec de tels hommes. La peur est une maladie du cœur. Celui qui a peur sera employé dans les hôpitaux et à d'autres services; mais plus tard quiconque tournera le dos à l'ennemi sera fusille!

» Les hommes courageux qui veulent, au contraire, s'immoler pour la religion et pour le trône, qu'ils restent. Leur cœur est uni à Dieu; fidèles à la religion et s'ils se montrent valeureux, Dieu leur donnera certainement la victoire.

» Soldats! purifions notre cœur et puis confions-nous dans l'assistance de Dieu ! >> Combattons et faisons le sacrifice de nous-mêmes comme nos aïeux, et comme ils nous ont légué notre patrie et notre religion, nous devons les léguer à nos fils.

» Vous savez tous que le but de cette vie est de servir dignement Dieu et le sultan, et de gagner ainsi le ciel.

>> Soldats quiconque à de l'honneur doit penser et servir dans ces sentiments. Dieu nous protége!

» Le muchir OMER-PACHA. »

Cette proclamation produisit sur l'armée ottomane un excellent effet moral et répondit aux vues du général en chef, qui avait résolu de prendre l'offensive. Son plan de campagne était à la fois ingénieux et simple. En raison des méandres du Danube, la ligne de défense qu'avaient à couvrir les turcs outrepassait les limites du possible, mais ce désavantage s'amoindrissait singulièrement par suite des forteresses, étagées sur la rive droite du fleuve, et des défilés des Balkans qui, au cas du passage des russes, leur opposeraient un double obstacle, presque insurmontable si l'on évoquait les souvenirs des guerres de 1808 et de 1828. Kalafat, en face de Widdin, était comme la clef de la Serbie; le général, qui connaissait parfaitement le terrain, ayant été chargé par le sultan, à une époque antérieure, de relever la topographie des provinces danubiennes, ordonna au corps d'Ismaïl de s'en emparer, et, tandis que les russes prenaient position à Slativa, puis à Kratowa, sur la grande route de Bucharest à Temeswar, il tentait sur deux points, pour amener la division des forces ennemies, le passage du Danube, à Giorgewo, au-dessus de Rustch-Schuck, et à Turtukaï, en face d'Oltenitza, bourgade à deux journées de marche de Bucharest, où les russes avaient un campement. Les ottomans échouèrent à Giorgewo, mais le 2 et le 3 novembre, dix mille hommes commandés par le général en chef passèrent sur la rive gauche du fleuve à Oltenitza. Pour cette première expédition, Omer-Pacha avait choisi ses meilleurs officiers et l'élite de ses troupes; le centre obéissait à Ahmed-Pacha, l'aile droite à Mustapha-Pacha, l'aile gauche à Ismaïl; Alid-Pacha et Nedja-Pacha commandaient l'artillerie.

Ajoutons que les soldats étaient pleins de foi dans leur général en chef, dont les précédentes expéditions au Liban et au Monténégro avaient toujours réussi, et l'on comprendra l'impétuosité avec laquelle ils sautèrent des chaloupes à l'eau quand les russes essayèrent de s'opposer à

leur débarquement. Après avoir refoulé leurs adversaires, les turcs envahirent les bâtiments de la Quarantaine au bord du Danube, s'y installèrent et fortifièrent l'île qui fait face à Oltenitza, au moyen de fascines recouvertes de terre. Ils présentaient un effectif de neuf à dix mille hommes. Le général Danneberg, sous les ordres duquel était le quatrième corps de l'armée russe, comprit l'importance' d'un premier engagement, -les combats d'Issatcha et de Turtukaï n'étaient que des escarmouches sans conséquence, et vint avec onze mille hommes, conduits par le général Pauloff, le Ney moscovite, pour rejeter les assaillants de l'autre côté du fleuve.

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L'attaque commença le 4 au point du jour. En dépit d'une violente canonnade, les soldats d'Omer-Pacha risquèrent une sortie, et ne laissant derrière leurs batteries improvisées qu'un petit nombre de défenseurs, se répandirent dans la plaine en tirailleurs; après avoir repoussé un régiment de hussards et bravé plusieurs charges à la baïonnette, ils regagnèrent leurs fortifications sans que l'ennemi pût s'opposer à leur mouvement. Là, voyant que les russes s'étaient placés par une fausse manœuvre entre les feux croisés du fort de Turtukaï et des batteries de la Quarantaine, ils multiplièrent avec tant de bonheur leurs décharges, que le général Danneberg fut forcé de reculer jusqu'à des marécages où ses troupes empêtrées eurent beaucoup à souffrir des tirailleurs turcs. La lutte dura quatre heures; au bout de ce temps, les russes abandonnèrent le champ de bataille, y laissant trois cent quatre-vingt-seize morts, dont un colonel, un lieutenant-colonel, vingt-quatre officiers et trois cent soixante-dix soldats. En outre, leurs ambulances relevèrent huit cent cinquante-sept blessés, au nombre desquels on comptait le général Pauloff, six majors et vingt bas officiers.

Après une occupation de dix jours, Omer-Pacha quitta Oltenitza et repassa le Danube. Les russes s'étaient, retirés sur Bucharest, qu'ils craignaient de voir attaquer, et ce mouvement rétrograde permit aux ottomans d'organiser sur un pied convenable la défense de Kalafat.

A l'heure où se livrait le combat d'Oltenitza, Abdul-Medjid recevait à la mosquée d'Eyoub le titre de Ghasi (guerrier), que les sultans sont obligés de prendre avant de faire leurs premières armes. Cette dé

marche annonçait aux musulmans que leur souverain, rompant avec la tradition qui, depuis Sélim II, a tenu les sultans éloignés du commandement des troupes, allait défendre de sa personne ses états menacés par l'ambition de la Russie.

Constantinople accueillit avec enthousiasme la nouvelle de la victoire d'Omer-Pacha, tandis que le général Gortschakoff s'efforçait de l'amoindrir, au point d'annoncer aux blessés évacués sur Bucharest que leur intrépidité avait eu pour résultat de rejeter les turcs en deçà du Danube.

Le même bonheur favorisait les premières opérations de l'armée d'Asie. Ainsi, dans la nuit du 27 octobre, Sélim-Pacha, général en chef du corps ottoman de Batoum, composé de huit mille soldats de ligne, de six mille de la réserve et de dix mille irréguliers, détachait un bataillon de la garde impériale et trois mille irréguliers, avec mission de s'emparer du fort de Checkvétil ou Saint-Nicolas dans le Guriel. Cette place était défendue par deux bataillons d'infanterie, une compagnie d'artillerie et trois compagnies de cosaques. Attaqué dans la matinée du 28, le fort fut pris après quelques heures de combat; vainement une garnison voisine avait tenté de secourir ses défenseurs; le bataillon de la garde s'était porté à sa rencontre et l'avait mise en déroute. Quatre canons et deux mille fusils tombèrent au pouvoir des vainqueurs. On évalua la perte des russes à mille hommes; celle des turcs n'atteignit pas la moitié de ce chiffre. Le fils du prince géorgien Gouriel et une centaine de soldats demeurèrent prisonniers.

Le premier soin de Sélim-Pacha fut alors de réparer et de développer les ouvrages de la place; il le fit avec tant de succès que, le 18 novembre, une escadre russe composée de quatre frégates, de quatre bateaux à vapeur et d'un transport, essaya, sans y réussir, de déloger les ottomans, dont la mitraille endommagea à ce point un vapeur et la frégate le Foudroyant que ces deux bâtiments durent être remorqués, lors de la retraite.

Une nouvelle tentative des russes, le lendemain, ne fut pas plus heureuse. Les turcs les cullutèrent à Ouf, bourgade aux environs de Saint-Nicolas.

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Embarquement des troupes à Toulon.

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