Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

degré éminent aux séductions de la force ambitieuse de dominer les autres pour les asservir à ses desseins, il n'est protégé en quelque sorte que par un certain équilibre politique des nations. Cet équilibre consiste généralement en ce que l'État individu qui voudra tenter une violation du droit international contre un autre, provoquera une réaction non seulement du côté de l'État menacé, mais aussi de tous les autres cointéressés au systême international commun, assez énergique pour empêcher toute altération dangereuse des rapports politiques établis. Dans la pratique il ne suppose pas précisément l'équilibre matériel des États dont l'histoire ne fournit guère d'exemples, et s'il pouvait jamais s'établir, il serait sujet à des transformations continuelles, la loi qui préside au développement, au progrès et à la décadence des forces nationales n'étant pas partout la même. Il consiste surtout dans la garantie collective et morale d'une association d'États inégaux, garantie qui a pour but d'obliger ses membres de s'opposer à la suprématie d'un seul par la force réunie de tous. En ce cas il va sans dire que la force physique ou morale nécessaire pour repousser les agressions du plus fort ne doit pas faire défaut, car autrement l'équilibre et la loi internationale deviendraient un vain mot. Mais considérée en ellemême, l'idée d'un équilibre politique des États n'est nullement une chimère, ainsi que plusieurs auteurs l'ont prétendu, mais une idée éminemment naturelle aux États professant la même loi. Ce sont les applications seulement qu'on en a faites, les déductions qu'on en a tirées à certaines époques que nous devons réprouver1.

1) Les ouvrages bibliographiques publiés par Ompteda (Lit. II, 484 suiv.) et par Kamptz (N. Lit. 97. 99) contiennent des notices littéraires sur l'équilibre européen. V. Klüber, droit des gens § 42. V. aussi Fichte, Reden an die deutsche Nation. Berlin 1808. p. 411-417. Sur l'influence de l'idée d'équilibre dans le droit des nations on peut consulter le § suivant.

[blocks in formation]

§ 6. Chez les peuples de l'antiquité déjà on rencontre dans leurs rapports internationaux des usages uniformes, surtout en ce qui concerne leurs modes de faire la guerre, de recevoir les ambassades, de conclure des traités entre eux et d'admettre le droit d'asile. L'observation de ces usages néanmoins ne reposait nullement sur la sanction d'une obligation morale envers les autres peuples, mais plutôt sur des idées religieuses et sur les moeurs qu'elles avaient établies. Les ambassadeurs et ceux qui venaient implorer la protection du peuple étaient réputés inviolables, parce qu'il les considérait comme étant placés sous la sauvegarde de la religion dont ils revêtaient les symboles sacrés. Pareillement des solennités, des serments et des sacrifices plaçaient les traités politiques sous la protection divine. Mais en dehors de ces idées religieuses on ne se croyait nullement tenu envers les étrangers. "La guerre éternelle aux barbares", fut le mot d'ordre, le „schiboleth" de la nation la plus civilisée du monde antique, les Grecs, dont les philosophes aussi ne reconnaissaient d'autres rapports juridiques avec les nations étrangères que ceux fondés sur des traités. Des liens plus étroits existaient sans doute, même des rapports juridiques

1) Le principal ouvrage a été publié par R. Ward, Inquiry into the foundation and history of the law of nations in Europe from the time of the Greeks and Romans to the age of H. Grotius. London 1795. 2 vols. Ensuite H. Wheaton, histoire des progrès du droit des gens depuis la Paix de Westphalie. Leipz. 1841. 2e édit. 1846. Müller-Jochmus, Geschichte des Völkerrechts im Alterthum. Leipzig 1848. F. Laurent (professeur à Gand), histoire du droit des gens. Paris 1851. T. I-III. 3o édit. 1853. de Wal, Inleiding tot v. W. d. h. Volkenregt. Groning. 1835. p. 124-171.

[ocr errors]

2) Cum alienigenis, cum barbaris aeternum omnibus Graecis bellum est." Liv. XXXI, 29. V. aussi ce que dit le philosophe Épicure dans Diogène Laert. Apophthegm. XXXI, 34-36 et ce que disent Platon et Aristote.

permanents entre les tribus de même race, mais ils tiraient leur force surtout de la communauté du Culte religieux et des institutions politiques auxquelles elle servait de base.1

Les Romains ne professaient guère des idées plus libérales."

Les auteurs qui à ces règles ont donné le nom de droit des gens de l'antiquité, ne se sont pas écartés de la vérité: néanmoins il faut convenir que ce droit si imparfait faisait encore partie du droit religieux sinon de toutes ces nations, du moins des plus éclairées.3

La coutume internationale du moyen âge se présente encore sous des formes plus rudes, non dans les rapports des peuples chrétiens avec les infidèles seulement, mais aussi entre eux. Cette rudesse nous apparaît surtout dans les contrées maritimes du Nord, dans ces contrées d'où la race aventureuse et hardie des Normands s'est répandue en essaims nombreux sur toutes les côtes de l'Europe et y a fondé des royaumes prospères.*

Au Christianisme néanmoins échut la noble mission de diriger les peuples dans une nouvelle voie. Son amour de l'humanité, son précepte: fais du bien aussi à tes ennemis, ne pouvaient guère s'accommoder avec un état d'hostilité permanente. Les circonstances suivantes surtout méritent d'être remarquées comme ayant contribué à rapprocher entre eux les États chrétiens de l'Europe et à faire admettre des droits communs réciproques, savoir:

1) Ce qu'on désignait sous le nom de xovos vóμos Ellývwv. Thucydide III, 58. V. St. Croix, Gouvernements fédératifs p. 51. C'est là notamment qu'il faut remarquer l'institution moitié religieuse, moitié politique de la Ligue amphictyonique.

2) Nous rappelons cette maxime de la Loi des XII Tables: adversus hostem aeterna auctoritas esto, maxime qui se retrouve encore dans les collections Justiniennes, où elle est formulée ainsi: que tous les peuples avec lesquels des pactes n'ont pas été conclus, sont réputés „hostes.“ L. 5. § 2. L. 24 Dig. de capt. L. 118 D. de Verb. Sign. V. Osenbrüggen, de jure belli et pacis Romanor. Lips. 1835.

3) Les conclusions se retrouvent dans les ouvrages suivants: W. Wachsmuth, jus gentium quale obtinuit apud Graecos. Berol. 1822. et A. W. Heffter, prol. acad. de antiquo jure gentium. Bonn. 1823.

4) V. le tableau intéressant publié dans l'ouvrage de Pütter, cité p. 2 note 1 ci-dessus, p. 48 suiv.

I. La réunion de l'Église occidentale sous un chef spirituel. Rome a eu le mérite de provoquer par son autorité morale la suppression de nombreux usages barbares dans le commerce des peuples;1

II. La Chevalerie et les croisades;

III. La propagande du droit romain avec son caractère de droit commun de toute la Chrétienté. 2

2

Sous cette triple influence s'est formé le droit public européen dont les bases positives furent les principes du christianisme et du droit romain, ce dernier dans les limites tracées par l'Église. Dès lors les règles de la loi civile considérée comme loi naturelle et divine, et par suite comme infaillible, ayant été appliquées aux rapports internationaux, ont formé le lien commun que le schisme religieux du XVIe siècle ne pouvait plus dissoudre et qui fut admis dans les doctrines de la réforme. La consolidation intérieure des États qui avait lieu à cette époque apporta en même temps au droit international une nouvelle base sur laquelle il s'est développé depuis, à savoir celle de la souveraineté territoriale et par suite de l'égalité politique de tous les États.3

Bien autrement que le schisme religieux, une autre influence allait entraver le développement de la jeune science. Je veux parler de la propagande successive de l'art politique, cet art qui en ne consultant que des intérêts égoïstes, méconnaît les Pütter, loc. cit.

1) Walter, Kirchenrecht § 340.

2) Les jurisconsultes du moyen âge, et encore André Alciat (sur les lois 118 et 225 D. de Verb. signif.) en donnaient l'explication suivante: La loi d'Antonin Caracalla ayant déclaré citoyens romains tous les habitants de l'empire, il s'ensuit que tous les chrétiens représentent actuellement le peuple romain, tandis que les infidèles ne sont pas réputés Romains. Les Romains seuls admettent entre eux des droits et des devoirs communs: ils sont engagés dans une guerre permanente contre les Turcs et les Sarrazins, état de guerre régi par les règles du droit romain. V. Leibnitz, praef. ad Cod. iur. gent.

3) M. Oppenheim, System des Völkerrechts p. 20 a bien expliqué ce point de vue. M. Klüber (droit des gens § 12) a observé avec raison que cette transformation a commencé lors du Concile de Bâle qui a relâché considérablement les liens de dépendance établis jusqu'alors entre les États et le Saint Siége.

droits et les intérêts de tous les autres sans éprouver aucun scrupule dans le choix de ses moyens; cet art politique qui né en Italie et cultivé avec un remarquable succès en Espagne, s'est frayé un accès dans tous les cabinets en y provoquant sinon des efforts positifs, du moins des contre-efforts semblables. Tout en se servant avec une apparence trompeuse des formules légales consacrées, il reniait au fond tous les axiomes du droit. Comme une réaction contre cette politique envahissante, on imagina l'idée de l'équilibre européen, c'est-à-dire le principe qui impose à chaque État le devoir d'empêcher, soit seul soit au moyen d'une coalition, l'établissement de la suprématie d'aucun autre État, principe qui découle du droit légitime de défense, mais qui à son tour a donné lieu à de fréquents abus. La réalisation pratique de cette idée fut dès lors le principal problème de la politique européenne': autour de ce pivot commun se sont concentrés les motifs et les solutions de tous les démêlés politiques depuis le XVIe siècle. Il est vrai que les droits des nations et des États n'y ont figuré que sur l'arrièrescène, abandonnés presqu'exclusivement aux soins de la science. Celle-ci toutefois sous les orages de la guerre de trente ans, malgré les agitations du XVII siècle, comme précédemment lors de la réforme religieuse, acquérait une autorité, à laquelle les puissances de cette époque ne pouvaient même se soustraire entièrement. L'aurore en fut marquée par Hugo Grotius (Huigh de Groot), enfant d'une petite république nouvellement née mais riche d'actions, où les principes de tolérance religieuse et d'un libéralisme modéré avaient trouvé un asile et

1) A cette idée se rattache aussi le projet de Henri IV de former une grande république des États européens, projet qui fut développé depuis, lors du traité d'Utrecht, par l'abbé de St.-Pierre dans son pamphlet intitulé: „Projet de traité pour rendre la paix perpétuelle. Utrecht 1713.“ V. lå dessus Toze, allgemeine christliche Republik. Götting. 1752. Buchholz, neue Monatsschrift. 1824. I, 28 suiv. Ortolan dans la Revue de législation 1850. T. III. p. 345 suiv. Wheaton, histoire I, 317. Ces projets étaient rarement dépourvus de quelque but égoïste, et ne manquent pas de nos jours. V. p. ex. G. Fr. Leckie, historical research into the nature of the balance of power in Europe. Lond. 1817. Marchand, projet de paix perpétuelle. Paris 1842.

« ZurückWeiter »