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libre, tel que la haute mer, il lui faut le consentement de la nation à laquelle appartiennent ces sujets. A défaut de consentement, le belligérant ne peut faire usage envers des sujets étrangers que de certaines mesures de contrainte ou de représailles, qui ne pourront jamais prendre un caractère pénal, des actes de régime intérieur, susceptibles d'être critiqués et contestés par les parties lésées, lorsqu'ils dépassent les justes limites de la nécessité de guerre. Néanmoins, dès qu'il s'agit d'un droit de juridiction, son exercice appartient exclusivement au belligérant qui se prétend lésé: l'intervention d'une puissance étrangère ne serait admissible que tout au plus dans les cas d'injustice manifeste ou de cruautés barbares.

Il résulte encore de l'aperçu historique que nous venons de retracer, que le droit des belligérants de prohiber aux neutres le commerce de la contrebande de guerre, a toujours été considéré comme un principe général du droit public européen, et qu'il n'a pas besoin d'être démontré spécialement par rapport aux diverses nations. Par conséquent nous n'aurons qu'à examiner les deux questions suivantes:

1° Quels sont les objets qui doivent être considérés comme contrebande de guerre?

2o Quels sont les moyens de contrainte tendant à la répression de ce commerce?

OBJETS DE CONTREBANDE.

§ 160. Il règne une grande diversité d'opinions entre les publicistes sur la définition de la contrebande de guerre. De nombreuses classifications ont été proposées, mais aucune n'en a obtenu l'assentiment général.' En effet, les usages internationaux sont loin de répondre à toutes les questions qui peuvent se présenter à ce sujet.2 Ils ont établi seulement d'une manière

1) Les classifications proposées par Jouffroy p. 130, 134 nous paraissent trop vagues: elles ont besoin d'être longuement expliquées à chaque cas de guerre.

2) Les distinctions proposées par Grotius (III, 1, 5) sont insuffisantes. Il est vrai qu'elles ont été adoptées par la plupart des publicistes. V. Wheaton, Histoire. p. 75 (2° édit. I, p. 169).

générale la règle suivante, à savoir: que les peuples qui veulent rester neutres, doivent s'abstenir de fournir aux belligérants ou à l'un d'eux, les objets de première nécessité, dont l'emploi est un moyen direct de faire la guerre, c'est-à-dire de nuire à l'ennemi, de le combattre. Or il y a des objets dont l'usage est exclusivement possible pendant la guerre. Ce sont les armes, les munitions de guerre, l'artillerie. Il y en a d'autres qui sont également utiles et nécessaires pour la guerre et la paix, tels que les chevaux. Il y a des matières premières propres à la fabrication des armes et des munitions de guerre, à l'habillement des militaires, à la construction, au radoub et à l'armement des vaisseaux. Enfin l'or, l'argent et le cuivre, monnayés ou en barres, peuvent être considérés comme des instruments propres pour se procurer des objets de première nécessité.

Il faut remarquer encore qu'à certains moments et dans certaines circonstances des objets peuvent acquérir pour les belligérants une importance qu'ils n'auront pas dans d'autres. L'idée de la contrebande, on le voit, est une idée complexe, variable selon les temps et les circonstances, et qu'il est difficile de déterminer d'une manière absolue. D'un autre côté, comme il s'agit de pénalités, il est à désirer que les nations puissent se mettre d'accord sur la nature et les limites exactes de la contrebande. Car bien que très-souvent les belligérants se soient plus, suivant leurs intérêts spéciaux, et dès qu'ils en avaient les forces nécessaires, à imposer aux nations neutres des restrictions plus ou moins onéreuses, il ne faut pourtant pas perdre de vue que rien ne les y autorisait.

En premier lieu il faut donc consulter les traités conclus par les nations européennes, soit entre elles, soit avec les peuples du Nouveau-monde.' Ils forment la jurisprudence internationale et peuvent se diviser en plusieurs catégories, suivant le plus ou moins de restrictions qu'ils apportent au commerce neutre. Ces traités doivent être interprétés de la manière la plus

1) Ces traités sont recueillis par Pöhls p. 1104 suiv. Oke Manning p. 284 suiv. Ortolan II, p. 167. Hautefeuille II, p. 317. Schmidlin, De juribus gentium mediarum. § 38 suiv.

stricte, car ils contiennent un droit de répression et établissent des juridictions presque pénales.'

A défaut de traités, il faut appliquer les usages internationaux. Les objets dont le commerce a été de tout temps proscrit par les nations civilisées, sont seuls considérés comme contrebande de guerre. D'après ces usages, la contrebande est exclusivement limitée aux armes, ustensiles et munitions de guerre, en d'autres termes aux objets façonnés et fabriqués exclusivement pour servir dans la guerre, non pas aux matières premières propres à la fabrication des objets prohibés. Cette règle forme la base des divers traités conclus entre les puissances maritimes dans le cours du XVIIIe siècle. La France l'a reconnue dans le traité d'Utrecht (articles 19 et 20), et elle a toujours été considérée depuis comme faisant partie de son droit maritime. Elle se retrouve dans les déclarations de la neutralité armée, dans le traité entre la Russie et l'Angleterre du mois de juin 1801 et dans un grand nombre de traités de commerce et de navigation conclus depuis 1815.2

Il y a une autre classe d'objets qui, dans les traités seulement et dans les lois intérieures de plusieurs nations, sont indiqués comme objets de contrebande. Ainsi on y a compris:

1) Le juge Sir William Scott n'a pas été du même avis dans son jugement contre des navires hollandais chargés de bois de construction (1779). V. Wildman II, p. 222. Schmidlin, loc. cit. § 43.

2) Traités entre les États de l'Amérique du Nord et du Sud: la Colombie du 3 décembre 1824, le Chili du 16 mai 1832 (art. 14), l'Amérique centrale du 5 décembre 1825, le Mexique du 5 avril 1831 (art. 16), Venezuela du 20 janvier 1836 (art. 17). Martens, Nouv. Recueil. t. VI, p. 831; t. X, p. 334; t. XI, p. 442; t. XIII, p. 554. Nouv. Supplém. t. II, p. 415. Traité entre la France et le Brésil du 28 janvier 1826 (art. 21). Nouv. Recueil. t. VI, p. 874; entre la France et le Texas du 25 septembre 1839 (art. 6). Nouv. Recueil. t. XIII, p. 988; entre la France et la NouvelleGrenade du 1 octobre 1846. Traité entre la Prusse et le Brésil du 9 juillet 1827. Nouv. Recueil. t. VII, p. 274; entre la Prusse et le Mexique du 18 février 1831 (art. 11). Nouv. Recueil. t. XII, p. 544. Traité entre les villes hanséatiques et Venezuela du 27 mai 1837 (art. 16). Nouv. Recueil. t. XIV, p. 242. Traité entre les Pays-Bas et le Texas du 18 septembre 1840 (art. 17). Nouv. Recueil. t. I, p. 379. V. Preufs. Allgem. Landrecht. t. II, tit. 8, § 2034 suiv. Histoire. p. 324 suiv.

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de Steck p. 203.

Nau § 156. 157. Wheaton,

1° les chevaux, qui en général sont exclus expressément dans le code prussien (II, 8, 2036), tandis que les traités américains mentionnés ci-dessus prohibent seulement les chevaux de cavalerie;

2o toutes les matières premières propres à la fabrication des armes et munitions de guerre, le fer, la fonte, l'acier, le salpêtre, le soufre; les munitions navales, telles que le bois de construction, le chanvre, le goudron;'

3o les vivres ou matières alimentaires;2

4o l'or, l'argent et le cuivre monnayés ou en barres.3

Ces divers objets ne sont pas d'un usage direct et exclusif pour la guerre ou uniquement propres à la guerre. On ne saurait donc prétendre qu'ils portent nécessairement le caractère de contrebande. C'est seulement dans le cas où, par leur transport vers l'un des belligérants, le commerce neutre prend ce caractère hostile, que l'autre belligérant a le droit de l'empêcher.

On doit ranger dans la même catégorie certains objets nouveaux que les progrès de la science ont appliqués de nos jours aux besoins de la guerre. Telles sont les machines à vapeur, la houille etc., qui jouent un rôle si important dans les guerres maritimes modernes. Considérées en elles-mêmes, toutes ces choses sont également utiles et nécessaires pour la paix et pour la guerre. Elles ne sont donc pas, par leur nature, du nombre des marchandises prohibées.

Nous devons noter enfin que pendant la dernière guerre d'Orient, les puissances alliées ont pratiqué les principes les plus libéraux; qu'elles n'ont compris sous le nom de contrebande

1) Cette classe d'objets a provoqué fréquemment des discussions ardentes. V. Wheaton, Intern. Law. II, p. 187 (édit. franç. p. 141).

2) Les Provinces - Unies ont obtenu en 1741 de la Suède la révocation d'une prohibition relative à ces objets, qui, en France, n'ont jamais été compris parmi ceux de contrebande. Pothier, Traité de la propriété. no. 104. Valin, Comment. sur le Code des prises. art. 11. V. de Martens, Récits. II, p. 166. Il n'en a pas été ainsi en Angleterre. Wheaton, Intern. Law. II, p. 198 (édit. franç. p. 148).

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3) Cocceji, De jure belli in amicos. § 15. 20 comprend ces choses parmi les objets de guerre dans certains cas. V. surtout Jouffroy p. 136 suiv.

que les armes, les munitions et les objets uniquement destinés aux usages de la guerre, en maintenant à cet égard les dispositions des traités existants; qu'enfin les prohibitions d'exporter ne s'appliquaient qu'aux territoires respectifs des belligérants. Ce bel exemple ne sera sans doute pas perdu dans les guerres maritimes futures!

CAS OU IL Y A LIEU A SAISIR POUR CONTREBANDE
DE GUERRE.

§ 161. Le commerce d'objets prohibés ne constitue pas à lui seul le délit de contrebande de guerre. Il faut en outre que les navires neutres, par le transport de ces objets dans les ports ennemis, se soient rendus coupables d'un acte contraire aux devoirs de la neutralité et qui entraîne leur saisie légitime." Une puissance neutre a sans doute la faculté de défendre d'une manière absolue à ses propres sujets le commerce de certaines denrées. Mais seule aussi elle a le droit de réprimer les infractions commises à ses règlements, et les belligérants ne sauraient y prétendre sous aucun prétexte. Il leur est permis tout au plus de se plaindre, si, à la faveur de ces règlements des puissances neutres, venait se cacher le commerce de contrebande (§ 148).

3

Le délit de contrebande de guerre est réputé prescrit, dès que le navire porteur d'objets suspects ou prohibés a achevé son voyage. Ce principe est presque généralement admis; néanmoins la jurisprudence anglaise s'est refusée à l'appliquer dans un grand nombre de cas. Notons encore que les choses nécessaires pour les propres besoins du navire, ne sont jamais regardées comme objets de contrebande."

1) V. Hautefeuille II, p. 411 et la brochure déjà citée de E. W. Asher, Beiträge zu einigen Fragen der neutralen Schifffahrt. Hamb. 1854.

2) V. pour la jurisprudence anglaise Wheaton, Intern. Law. II, p. 219 (édit. franç. p. 165). Wildman II, p. 218. Jouffroy p. 154. Ortolan II, p. 178. de Kaltenborn II, p. 421.

3) Nau, Völkerseerecht. § 193 suiv.

4) Jacobsen, Seerecht. p. 422. 423. Wheaton, Intern. Law. IV, 3. 23. (édit. franç. p. 26). Wildman II, p. 218.

5) de Kaltenborn II, p. 420.

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