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passage de troupes armées sur le territoire neutre n'est pas un droit, mais encore la concession du passage est, de la part du neutre, une violation de ses devoirs qui donne à l'autre partie un juste motif de lui déclarer la guerre et de le traiter en ennemi. Le neutre ne doit pas non plus permettre que ses ports, ses rades ou ses mers territoriales servent de champ de bataille aux bâtiments des puissances belligérantes, ni que ces dernières y embarquent de l'artillerie ou des munitions de guerre. Il doit veiller avec soin à ce que l'un des belligérants n'arme dans ses ports aucun bâtiment de guerre, ni aucun corsaire. Il doit défendre à ses sujets d'accepter des lettres de marque, de faire la course sous le pavillon d'une autre nation et de s'engager sur ses corsaires. Ces diverses concessions ne peuvent se concilier avec les lois d'une stricte neutralité. Car il est difficile d'empêcher qu'elles n'exercent quelque influence sur le sort de la guerre. Presque toujours elles augmenteront les forces de l'un des belligérants, lui donneront des chances de succès et, par conséquent, nuiront dans la même proportion à l'autre. Presque toujours la situation du territoire neutre se prête plus facilement aux opérations de guerre de l'une que de l'autre partie. Leur en accorder simultanément le passage, c'est en réalité faire un acte direct d'hostilité contre l'une d'entre elles. Le souverain neutre doit donc s'abstenir en général des actes qui, dans les circonstances au milieu desquelles ils se produisent, ne se présentent pas avec le caractère d'innocuité parfaite. En ce cas la bonne foi et la prudence exigent de lui une entente préa lable avec l'autre belligérant."

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1) La plupart des publicistes allemands se sont prononcés avec Vattel (III, § 119 suiv.) en faveur d'un droit de passage innocent (passagium innocuum), p. ex. Martens dans son Précis du droit des gens § 310. 311. L'auteur lui-même du présent ouvrage, bien que convaincu du peu de fondement de cette opinion, ne s'est peut-être pas exprimé sur ce point d'une manière assez nette dans la première édition. Aujourd'hui il n'hésite pas à adopter sans réserve une opinion qui a trouvé d'excellents défenseurs dans Hautefeuille (t. I, p. 424. 447), Oke Manning (p. 182) et Arendt (p. 121). Pando au contraire (p. 461) soutient encore l'ancienne théorie.

2) Moser (Versuche t. X, p. 238) disait déjà dans le même esprit: On ne doit pas permettre le passage d'armées ou de corps d'armée

L'autorisation accordée aux sujets des belligérants de séjourner dans le territoire neutre, l'entrée des bâtiments de guerre et des navires de commerce dans ses ports et rades, les fournitures faites à ces derniers en bois, agrès et objets nécessaires pour réparer les avaries qu'ils ont souffertes, soit par accidents de mer, soit dans un combat, ne présentent pas un caractère aussi dangereux. Néanmoins le neutre doit exiger que ces bâtiments quittent ses ports dès que leur séjour prolongé paraîtra se rattacher à quelque combinaison de guerre.'

La validité des aliénations en pays neutre des biens conquis par l'un des belligérants, par une de ces voies connues sous le nom de butin ou de prise, après que la prise de possession est devenue inattaquable d'après les règles internationales, ne peut faire l'objet d'aucun doute. Plusieurs traités contiennent une stipulation expresse à ce sujet. Car rien n'oblige le neutre à autoriser ces aliénations. Aussi, tandis que certains traités les admettent, d'autres les proscrivent-ils formellement." D'un autre côté la création sur le territoire neutre d'un lieu d'entrepôt destiné à recevoir ces sortes d'objets, devra certainement être regardée comme un acte d'hostilité. Il faut en dire autant de la mise en possession d'un neutre dans des terres conquises, dont le vainqueur ne peut disposer valablement qu'après la conclusion de la paix (§ 132).

entiers sur le territoire neutre. Autrement on s'expose, selon les circonstances, à perdre la qualité de neutre. Accorder le passage à l'une des parties et le refuser à l'autre, c'est évidemment un acte de partialité. Lorsque le libre passage profite seulement à l'une des parties, sans pouvoir profiter à l'autre, celle-ci peut exiger certainement que le neutre le refuse au premier.“

1) Jouffroy (Droit marit. p. 92) et Hautefeuille (t. I, p. 461) regardent comme illicite la fourniture d'armes et de munitions de guerre. Pando (p. 467) professe la même opinion. Ne serait-il pas cruel de livrer des combattants désarmés à l'ennemi? D'ailleurs la vente en territoire neutre a toujours été considérée comme un acte parfaitement licite.

2) Vattel III, 7, 132. Bynkershoek, Quaest. I, 15. de Steck, Handelsund Schifffahrtsvertr. p. 176. Pando p. 467. Ortolan (II, p. 270) se prononce pour la négative.

DEVOIRS DES SUJETS DES ÉTATS NEUTRES.

§ 148. Nous venons de retracer les lois rigoureuses qui doivent présider aux relations des États neutres avec les belligérants. Ces règles obligent les particuliers comme les gouvernements, mais elles ne les obligent pas au même degré. Les premiers peuvent se livrer à une foule d'actes plus ou moins hostiles qui ne constituent pas cependant des violations de la neutralité. Il est en effet impossible de demander compte à un gouvernement, de ce que plusieurs de ses sujets ont pris part d'une manière quelconque aux hostilités, de ce qu'ils ont passé des marchés de fourniture avec l'un des belligérants ou lui ont avancé des fonds, de ce qu'ils ont pris du service dans ses armées, en cédant à certains motifs belliqueux ou autres. Il y a en effet dans toutes les nations, grandes ou faibles, des époques où certains individus, mus par un sentiment guerrier et honorable, vont chercher à le satisfaire partout où l'occasion s'en présente. Quelquefois un gouvernement hésite à s'engager dans les périls d'une guerre même en faveur d'une cause juste, tandis que la morale fait un devoir aux particuliers d'y prendre part. Autrefois la faculté d'entrer dans des armées étrangères formait un des éléments fondamentaux de la bonne liberté allemande.1

En pareil cas, le gouvernement neutre peut tout au plus être obligé d'appliquer à ses sujets désobéissants les lois relatives à l'émigration. Il n'en sera plus de même, si les sujets d'une puissance neutre venaient à s'enrôler en masse au service de l'un des belligérants, au point d'attirer l'attention de l'autre belligérant et de faire craindre de sa part des représailles ou une déclaration de guerre. En ce cas, le souverain neutre sera dans son propre intérêt contraint à prendre à leur égard des mesures énergiques.

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D'après les usages internationaux modernes, un souverain

1) „Zur löblichen Gestalt deutscher Freiheit," c'est ainsi que s'exprime le recès de l'Empire de 1570 § 4.

2) Hautefeuille t. I, p. 439. 459 a adopté en partie un point de vue différent.

neutre doit défendre à ses sujets d'accepter des lettres de marque de l'un des belligérants et de se livrer à la course sous le pavillon de ce dernier. Ce principe est presque généralement admis aujourd'hui. Autrefois au contraire il était très-controversé. On ne l'admettait que dans les cas où il avait été formellement stipulé dans les traités.'

DROITS DES NEUTRES.

§ 149. L'état de guerre survenu entre deux nations apporte aux droits fondamentaux des autres certaines restrictions, que nous avons comprises sous la dénomination générale des devoirs spéciaux de la neutralité. Ces droits ainsi modifiés, diminués par les devoirs résultant de l'état de guerre, se résument dans les propositions suivantes:

Premièrement. Inviolabilité du territoire neutre, - plein exercice des droits de souveraineté dans le territoire neutre avec une entière liberté et sans aucune restriction.

Le territoire neutre est un asile naturellement ouvert aux sujets des belligérants, pourvu qu'ils s'y présentent isolément2 et que leur présence n'implique pas une faveur accordée à l'un des belligérants au détriment de l'autre. De même le souverain neutre doit accorder aux bâtiments de guerre des belligérants les secours dont ils pourraient avoir besoin, et les admettre dans ses ports. Nous devons toutefois faire remarquer ici une différence importante entre les forces de terres et celles de mer qui viennent chercher un asile sur le territoire neutre. Lorsqu'une armée fuyant devant son ennemi vient se réfugier dans un pays neutre, elle y est reçue et est traitée avec humanité, mais les troupes sont désarmées et éloignées du théâtre de la guerre; en un mot on remplit les devoirs d'humanité à l'égard des individus, mais on n'accorde pas un asile à l'armée prise comme un corps. Lorsqu'au contraire des navires des puissances

1) de Steck, Versuche über Handels- und Schifffahrtsverträge. 173. de Martens, Ueber Caper. § 13. Hautefeuille I, p. 440.

2) Wheaton, Intern. Law. IV, 3, 11. Ortolan II, 239. Hautefeuille I, 473. Principalement: Lud. Ern. Püttmann, De jure recipiendi hostes alienos. Lips. 1777.

en guerre se présentent devant un port neutre, ils y sont admis; on leur permet d'acheter les vivres nécessaires, de faire les réparations indispensables et de reprendre la mer pour se livrer de nouveau aux opérations de guerre. Les bâtiments belligérants peuvent recevoir ainsi de la part des neutres un accueil plus ou moins favorable, des secours plus ou moins complets, sans que le souverain neutre viole par là les devoirs de la neutralité, pourvu qu'il traite les deux parties belligérantes avec une impartialité et une égalité parfaite. C'est une conséquence de l'immunité du pavillon et du principe que les navires sont considérés comme une portion du territoire de la nation à laquelle ils appartiennent. Un corps de troupes, au contraire, qui vient chercher la protection d'un souverain étranger, cesse de faire partie de la force armée de la nation à laquelle il appartient. Les lois de la neutralité imposent ainsi aux peuples pacifiques le devoir d'empêcher tous les actes d'hostilité commis sur le territoire et dans leurs eaux. Les actes d'hostilité commis sur le territoire n'ont aucun caractère régulier ou légal. Le souverain neutre doit ordonner le désarmement des troupes belligérantes qui sont venues lui demander un asile,' faire relâcher les prisonniers qu'elles ont amenés et faire restituer le butin fait par eux (§ 147). Il doit s'opposer de toutes ses forces à ce que les contrées par lui gouvernées deviennent le théâtre de la guerre. S'il fournit à l'un des belligérants des troupes auxiliaires, celles-ci peuvent incontestablement être attaquées et poursuivies sur le territoire neutre (§ 118).

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§ 150. Deuxièmement. Le souverain neutre qui se conduit avec loyauté à l'égard des belligérants, a le droit d'exiger d'eux qu'ils continuent à respecter ses déclarations et ses actes comme pendant la paix. Il est toujours présumé vouloir observer entre les parties une stricte impartialité, à moins que les faits mêmes

1) Moser, Vers. X, 1, 159. 311. de Martens, Völkerr. § 307. Klüber § 258. note b. Ortolan II, 248. de Pistoye et Duverdy, Prises maritimes. I, 108. Hautefeuille I, 474. II, 91. 137.

2) Wheaton, Intern. Law. IV, 3, 6 et 7. de Martens, Caper. § 18. Nau, Völkerseerecht. § 235. Ortolan II, 255. 278. Pando p. 465. de Pistoye et Duverdy I, 22.

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