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contestée d'un acquiescement tacite et général des nations, ne conférera aucun droit exclusif sur la mer dont l'usage est une „res merae facultatis."1

LA MER PRÈS DES CÔTES PEUT ÊTRE SOUMISE

A LA PROPRIÉTÉ.2

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§ 75. Les États maritimes ont le droit incontestable, tant pour la défense de leurs territoires respectifs contre des attaques imprévues, que pour la protection de leurs intérêts de commerce et de douanes, d'établir une surveillance active sur les côtes et leurs voisinages, et d'adopter toutes les mesures nécessaires pour fermer l'accès de leurs territoires à ceux qu'ils refusent d'y recevoir, ou qui ne se seront pas conformés aux dispositions des règlements établis. C'est une conséquence naturelle de ce principe général: „Nam quod quisque propter defensionem sui fecerit, jure fecisse videtur." Chaque nation est donc libre d'établir une surveillance et une police de ses côtes, comme elle l'entend, à moins qu'elle ne soit liée par des traités. Elle peut, d'après les conditions particulières des côtes et des eaux, fixer la distance convenable. Un usage commun a établi à cet effet la portée du canon comme la distance qu'il n'est permis de franchir qu'en des cas exceptionnels, ligne de limite qui non seulement a obtenu les suffrages de Grotius, de Bynkershoek, de Galiani, de Klüber, mais qui a été consacrée également dans les lois et les règlements de beaucoup de nations. Mais certainement on peut soutenir avec Vattel que la domination de l'État sur la mer voisine s'étend aussi loin qu'il est nécessaire pour sa sûreté et qu'il peut la faire respecter; et l'on pourra regarder avec Rayneval la distance de l'horizon qui peut être fixée sur les

1) Vattel I, 23. § 285. 286. Wheaton n'admet pas ici un consentement tacite (Intern. Law § 10 in fine).

2) Hautefeuille I, 234.

3) L. 3. Dig. de just. et jure. V. Vattel I, 23. § 288.

4) V. les indications dans Tellegen p. 46. Ortolan, Règl. intern. I, p. 176. Hautefeuille I, p. 239. Wildman I, p. 70, b. Traité entre la France et la Russie du 11 janv. 1787, art. 28; entre l'Angleterre et l'Amérique du Nord de 1794, art. 25. Jacobsen, Seerecht. p. 580 fait remarquer que par suite de la marée, la limite de la côte est variable. Un traité conclu

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côtes, comme limite extrême des mesures de surveillance.' La ligne de la portée du canon elle-même, bien qu'elle soit regardée comme de droit commun, ne présente aucune base invariable et peut être fixée par les lois de chaque État, du moins d'une manière provisoire. Autrefois elle comptait deux lieues: aujourd'hui elle comprend ordinairement trois milles marins. C'est ce qu'établissent les traités anglo-américain du 28 octobre 1818 (art. 1) et anglo-français du 2 août 1839 (art. 9 et 10), ainsi que la loi belge du 7 juin 1832.2

Tout navire qui franchit les limites maritimes d'une nation doit se conformer aux dispositions des règlements établis, peu importe qu'il soit entré volontairement ou par suite d'une force majeure. A cet effet les États souverains jouissent de certains droits incontestés, qui sont:

1o le droit de demander des explications sur le but du voyage du navire: si la réponse est refusée ou si elle paraît inexacte, les autorités des lieux peuvent, par des voies directes, prendre connaissance du véritable but du voyage et, en cas d'urgence, prendre des mesures provisoires commandées par les circonstances;

2o le droit d'empêcher que la paix ne soit troublée dans leurs eaux intérieures et d'y intervenir de facto;

3o celui de faire des règlements relatifs à l'usage des eaux qui baignent les côtes, par exemple, le droit de régler les différentes espèces de pêche;

4° le droit de mettre l'embargo et d'établir des navires croiseurs pour empêcher la contrebande (§ 112);"

5o enfin le droit de juridiction.*

entre la France et l'Angleterre le 2 août 1839 et relatif à la pêche dans le Canal, prend pour base la marée basse.

1) Vattel I, 23. § 289. Rayneval, Instit. du droit des gens. II, 9. § 10. 2) Jacobsen, Seerecht. p. 586. 590. Tellegen p. 50. En Espagne on prend pour limites six lieues (millas). Riquelme I, p. 253.

3) Moser, Vers. VII, p. 801 suiv.

4) Dans les deux éditions précédentes nous avons émis des doutes relativement à ces deux derniers points, qui cependant sont la conséquence naturelle des autres et admis en outre par l'usage, ainsi que par les auteurs de cette matière spéciale. V. Ortolan, Règl. intern. I, p. 175. Tellegen p. 54.

Le simple passage d'un navire étranger dans les eaux qui forment les limites maritimes d'un État, n'autorise pas ce dernier à l'assujettir à certains droits de péage, excepté ceux qui grèvent l'usage des établissements de navigation ou des pêcheries.

Des concessions volontaires des nations peuvent seules faire naître d'autres droits que ceux que nous venons d'indiquer. Le péage du Sund qui appartient à la couronne de Danemark, présente sous ce rapport un exemple unique en son espèce.'

D'UNE MER ENCLAVÉE DANS LES TERRES D'UN ÉTAT.2

§ 76. D'après le principe établi ci-dessus (§ 74), le territoire commun à toutes les nations sur la haute mer, la mer libre, n'a d'autres limites que les côtes; et les portions de ce grand système maritime, qui, bien qu'enclavées dans les terres d'un État, communiquent par des détroits avec la haute mer, ne forment aucune exception de la règle fondamentale. Les dépendances d'un pays en sont seules exceptées, et sont regardées comme telles:

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1o Les canaux artificiels qui communiquent avec la mer; 2o les ports et les havres, soit artificiels soit naturels, qui forment l'accès d'un territoire;*

3o les mers intérieures entièrement enclavées dans le territoire d'un État et sans communication directe avec l'Océan.

Toutes les autres parties de la haute mer, et les détroits qui forment des voies de passage naturelles, sont complètement

1) V. là-dessus les ouvrages indiqués par de Kamptz § 176. de Steck, Vers. p. 39. Moser, Kleine Schriften. IX, p. 290 suiv. Vattel I, 23. § 292. Wheaton, Histoire des progrès. p. 105 suiv. Cette question est traitée d'une manière étendue dans les Mémoires du Gouvernement Suédois relatif au péage du Sund. Stockh. 1839. Réplique du Gouvernement Danois. Ibid. 1840. W. Hutt, On the Sund-dues. London 1839. Lemonius, Verhältnisse des Sundzolles. Stettin 1841. H. Scherer, Der Sundzoll. Berlin 1845. Traité conclu entre la Grande-Bretagne et le Danemark en 1841, dans Murhard, N. Rec. gen. II, p. 151.

2) Hautefeuille, Droit des nations neutres. I, 241.

3) Grotius II, 3, § 10, n. 1. 2.

4) L. 15. D. de publicanis. Vattel I, 23. § 290.

libres et les eaux seulement qui baignent les côtes sont soumises à la souveraineté des États riverains. Une mer ne peut offrir le caractère territorial qui l'assujettit à la domination exclusive d'un seul État, que lorsque ses voies de communication se sont fermées et ne peuvent plus être rétablies, ou en vertu d'un consentement, soit exprès soit tacite, de toutes les nations (§ 74). Plusieurs nations, tant par une extension de leurs droits sur les eaux des côtes, que par d'autres raisons, et à la faveur de circonstances particulières, se sont arrogé une espèce de domaine ou du moins l'usage exclusif de certaines portions de la haute mer. Ainsi en Angleterre on comprend sous le nom de „Kings chambers" les baies situées entre deux promontoires dans le domaine de l'État. Une interprétation analogue semble avoir prévalu en France, où l'on excepte seulement les golfes d'une certaine dimension.' Elle s'applique encore aux eaux peu étendues qui sont protégées par un territoire ou par ses îles, par exemple celles appelées l'ancien et le nouveau Haff et celui de Courlande, celles formées par les irruptions de la Mer du Nord dans les terres Frises, ainsi que le Zuidersée, qui couvrent d'anciennes terres fermes. On a regardé également jusqu'à une époque fort récente, du moins par rapport à certaines nations, comme mers fermées les suivantes : les mers Noire, d’Égée et de Marmara, soumises à la suzeraineté de la Turquie, et le golfe de Bothnie dans la Baltique dominé longtemps par la Suède.2 Le traité de Friedrichsham (septembre 1809), par suite de la cession de la Finlande à la Russie, a fixé ce golfe comme limite, et il a prescrit en même temps le partage des îles y situées, d'après leur proximité des côtes respectives de la Suède et de la Russie: le golfe a donc cessé d'appartenir à la Suède. Quant à la mer Noire, le traité d'Andrinople et la convention des détroits du 13 juillet 1841, tout en ouvrant ses eaux et ses ports à la marine marchande de toutes les nations, ont maintenu la

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1) Wheaton, Elem. I, 1. 4. 7. Hautefeuille I, p. 240.

2) Günther II, 53. En ce qui concerne la mer du Nord d'Amérique et le traité y relatif conclu entre la Russie et les États-Unis, v. Wheaton, Intern. Law. § 5.

3) Martens, Nouv. Rec. t. I, p. 19; t. IV, p. 33.

clôture des détroits du Bosphore et des Dardanelles à l'égard du pavillon de guerre des puissances étrangères.1

Tous les hommes ont un droit égal de jouir librement et de se rendre maîtres par voie d'occupation de ce que renferme la mer. Mais la souveraineté d'un territoire s'étend à ce qui se trouve sur les côtes, sur les bancs et les rochers voisins de ses côtes.2

DOMAINE DES FLEUVES.

§ 77. La juridiction d'un État s'étend sur le cours des fleuves qui parcourent son territoire, jusqu'à leur embouchure, c'est-à-dire, jusqu'au point extrême où leurs eaux se confondent avec celles de la mer. Si le fleuve sépare deux territoires, il appartient à chacun dans la proportion indiquée ci-dessus (§ 66).3 Privés de cette liberté élémentaire qui caractérise la haute mer, les fleuves forment une dépendance naturelle des terrains où ils coulent. Les États riverains peuvent par suite, jusqu'au point où ils entrent dans un autre territoire, les affecter à leurs propres usages et à ceux de leurs regnicoles, et en exclure les autres. Ce serait dans le cas tout au plus où le fleuve deviendrait une voie de communication indispensable pour la subsistance d'une autre nation qu'il ne pourrait lui être fermé (§ 32. III). Les anciens auteurs supposaient à cet effet un droit beaucoup plus étendu, appelé „jus usus innocui", au profit de toutes les nations, en même temps qu'ils reconnaissaient la nature imparfaite d'un droit qui, pour exister, avait besoin de la sanction des traités. Grotius, Pufendorf et Vattel ont professé cette théorie, qui de nos jours a été défendue encore par Wheaton. Les traités de Paris et de

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1) Martens, Nouv. Rec. t. VIII, p. 143. van Hoorn, Dissert. de navigatione et mercatura in mari nigro. Amsterd. 1834. L'histoire de la mer noire y est fort bien racontée. Le traité de Paris du 30 mars 1856 (art. 11-14) a neutralisé la mer Noire: ses eaux et ses ports sont formellement et à perpétuité interdits au pavillon de guerre soit des puissances riveraines, soit de toute autre puissance.

2) P. ex. les pêcheries dans les eaux anglaises. Vattel I, 23. § 287. Jouffroy p. 27 suiv.

3) Jacobsen, Seerecht. p. 583.

4) Wheaton, Intern. Law. II, 4. § 12. V. ibidem § 18. 19 et dans son Histoire du droit des gens. II, p. 191 suiv. les discussions intéressantes au sujet de la navigation du Missisippi et du St. Laurent.

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