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N° 79.

LE VICE-AMIRAL HARRIS AU COMTE DE GRANVILLE.

La Haye, le 14 juillet 1870.

Mylord, M. Asquerino, le ministre d'Espagne, accrédité auprès des cours de Bruxelles et de La Haye, est arrivé ici avant hier venant de Bruxelles.

Le Ministre des Affaires étrangères m'a informé ce matin que M. Asquerino avait reçu ordre de son gouvernement de lui faire savoir qu'il était entré en négociation avec le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen en vue de son élection au trône d'Espagne, qu'une proposition à cet effet serait prochainement soumise aux Cortès, et que le résultat en serait porté à la connaissance des Pays-Bas.

M. Roest van Limburg observa que ce choix lui paraissait trèsinacceptable pour le Gouvernement français.

M. Asquerino répondit que, toute regrettable que fût la chose, de si nombreux obstacles avaient été opposés aux propositions semblables qui avaient été faites antérieurement, que le cabinet de Madrid s'était cru obligé d'adopter cette ligne de conduite.

Je me bornai à exprimer le vif désir que la guerre serait évitée.

Je suis, etc.

Signé E.-A.-S. HARRIS,

N° 80.

M. LAYARD AU COMTE DE GRANVILLE.

Madrid, le 11 juillet 1870.

Mylord, mon collègue d'Italie m'apprend qu'il a reçu des instructions de son gouvernement pour insister de toutes ses forces auprès du Gouvernement espagnol, afin d'éviter d'amener une rupture avec la France et d'arriver à quelque arrangement pour retirer la candidature du prince de Hohenzollern. M. Cerruti m'a dit qu'il avait vu M. Sagasta et qu'il avait rencontré chez Son Excellence les meilleures dispositions pour accepter le conseil des Puissances amies de l'Espa

gne, et éviter toute cause d'offense à la France; mais malheureusement par suite, a dit Son Excellence, de la marche suivie par le Gouvernement français, il était difficile de savoir de quelle façon agir. Si l'on avait du temps devant soi, il était persuadé qu'on arriverait à quelque arrangement satisfaisant.

J'ai vu depuis M. Sagasta qui m'a confirmé ce que M. Cerruti m'avait dit et qui m'a assuré que la dernière chose que l'Espagne pourrait désirer serait une rupture avec la France.

Son Excellence a parlé avec indignation des articles de la presse française au sujet des motifs attribués au général Prim et du ministère espagnol dans le choix du prince de Hohenzollern pour candidat au trône d'Espagne. Il me pria d'informer sans retard Votre Seigneurie de la part du Gouvernement espagnol qu'il repoussait de la façon la plus formelle l'intention qu'on lui prêtait de faire alliance avec la Prusse, d'adopter la politique de M. de Bismarck, ou de faire offense à la France en décidant de proposer le prince aux Cortès.

Samedi soir, le général Prim, invité à assister à une réunion du parti libéral, qui était très-nombreuse a prononcé un discour plein de tact et de modération, qui a produit l'effet le plus favorable. En effet, de tous les côtés n'apparait qu'un vif désir de suivre une politique conciliatrice à l'égard de la France; et quoique quelques-uns des journaux accueillent en termes assez vifs le langage menaçant des chambres et de la presse françaises, après tout le ton général de la presse espagnole est, dans les circonstances, relativement modéré. J'ai, etc.

Signé LAYARD.

N° 81.

SIR A. BUCHANAN AU COMTE DE GRANVILLE.

Saint-Pétersbourg, le 11 juillet 1870.

Mylord, j'ai fait part ce matin à M. de Westmann du contenu du télégramme de Votre Seigneurie, en date d'hier, au sujet du différend entre la France et la Prusse pour la candidature du prince Léopold de Hohenzollern au trône d'Espagne; Son Excellence a pris note du renseignement que je lui est donné afin de le communiquer à l'Empereur.

Son Excellence m'a dit que des conseils sérieux avaient été déjà

donnés de Saint-Pétersbourg au Gouvernement prussien pour lui recommander d'agir avec prudence et modération, et de ne pas se laisser influencer par des sentiments d'irritation par suite du langage du Gouvernement et de la presse en France. M. de Wesmann espère que, si le roi de Prusse déclarait solennellement qu'il n'a pris aucune part quelconque au choix du prince Léopold ou à son acceptation aux ouvertures qui lui ont été faites, le Gouvernement français reconnaîtrait qu'il n'a aucun motif pour faire la guerre à la Prusse. Je répondis que si le Roi faisait un pas en avant, et exprimait sa désapprobation de l'acceptation par le prince Léopold de son acceptation au trône d'Espagne, ce qui pourrait survenir ensuite ne saurait alors devenir un grief contre la Prusse. Mais M. de Westmann dit que, si la France était déterminée à se venger par une guerre contre la Prusse de l'accession d'un prince de Hohenzollern à la couronne d'Espagne, elle pourrait malheureusement trouver un prétexte pour le faire, en mettant le Gouvernement prussien en demeure d'exécuter les stipulations du traité de Prague en ce qui concerne le Schleswig.

L'ambassadeur de France qui en a causé avec l'Empereur, et qui doit le voir demain de nouveau, espère que Sa Majesté pressera le Roi de Prusse d'user de sa légitime influence sur le prince de Hohenzollern pour le décider à retirer son acceptation, et il croit que si son Altesse royale se refusait de se rendre au désir bien manifesté ou à l'ordre du roi, l'avis exprimé à Madrid par la Prusse, de concert avec d'autres puissances contre une pareille élection, empêcherait cette éventualité.

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A la réception du télégramme de Votre Seigneurie, en date d'hier, m'informant de la ligne de conduite adoptée par le Gouvernement de Sa Majesté à l'égard du différend entre la France, la Prusse et l'Espague, je me suis rendu cette après-midi chez le comte de Beust qui m'a dit avoir déjà reçu à ce sujet des nouvelles du comte Apponyi, et qu'il sentait que dans les circonstances actuelles, le Gouvernement

de la Reine ne pouvait faire plus qu'il n'avait fait. Il m'a dit qu'il n'avait pas reçu un mot encourageant de Paris, que de Berlin il ne savait absolument rien; les retards et l'ironie avec laquelle les journaux prussiens traitaient cette affaire avaient seulement tendu à augmenter l'irritation à Paris; que le prince de Metternich semblait craindre le pire résultat, et que lui (M. de Beust) ne pouvait me cacher, que si le roi de Prusse refusait de désavouer la candidature du prince Léopold de Hohenzollern, il ne voyait aucune chance d'arriver à un compromis entre les deux Puissances; à ce moment tout paraissait sombre et désespéré. Il regrettait d'être obligé de dire, que malgré les louables efforts des autres Puissances pour empêcher une rupture, il n'y avait pour le moment aucune apparence que ces efforts eussent chance d'être couronnés de succès.

N° 83.

LE COMTE DE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

Ems, le 12 juillet, 8 heures et demie matin.

J'ai reçu votre dépêche d'hier soir six heures cinquante. J'avais compris moi-même qu'au point où en sont venues les choses, je devais tenir un langage plus ferme et me montrer plus pressant. C'est ce que j'ai fait hier, comme vous le verrez par le rapport que vous recevrez ce matin. Vous serez sans doute d'avis que je ne pouvais accentuer mes paroles plus vivement sans nuire à l'objet même de ma mission.

N° 84.

Signé BENEDEtti.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

Monsieur le Ministre,

Ems, le 12 juillet 4870.

J'ai reçu la nuit dernière la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser hier, à six heures cinquante du soir. En m'accusant réception de mon rapport du 9, Votre Excellence me fait remarquer

qu'au point où nous en sommes, le langage que j'ai tenu au Roi dans ma première audience ne répond plus, comme fermeté, à la position prise par le Gouvernement de l'Empereur, et vous m'invitez à l'accentuer d'avantage. J'avais pressenti vos ordres et je m'y suis conformé d'avance. Ainsi que je vous l'ai mandé par le télégraphe, j'avais, dès avant-hier, dit clairement au Roi que nous ne pouvions subir de plus longs retards, et vous verrez par la dépêche qui a dû vous parvenir ce matin, et dans laquelle je vous rends compte de la nouvelle audience qui m'a été accordée par S. M., que j'ai exactement précisé l'objet de nos demandes et nettement relevé ses objections. Je n'ai admis à aucun degré, et j'ai même vivement combattu la distinction qu'il a maintenue entre le souverain et le chef de la famille de Hohenzollern; j'ai mis une insistance énergique, sans sortir des limites qui m'étaient tracées par les convenances, pour lui représenter qu'il était en son pouvoir de prendre une résolution immédiate et de nous en donner connaissance sans autre ajournement; j'ai fermement décliné les observations qu'il a fait valoir pour justifier le nouveau délai qu'il réclamait, sans lui cacher qu'elles seraient considérées, si elles étaient publiées, comme une offense faite aux légitimes susceptibilités du sentiment public en France. Je crois donc avoir observé la juste mesure qui m'était commandée par l'objet même de ma mission, en m'exprimant à mon arrivée en termes propres à témoigner de nos dispositions conciliantes, et en graduant le ton de mon langage d'après les résistances qui m'étaient opposées. En agissant ainsi, je n'ai pas seulement donné un gage manifeste de notre modération et conservé au Gouvernement de l'Emperereur les avantages que lui assure la conduite déloyale tenue à Berlin et à Madrid, j'ai pu en outre compléter l'instruction de l'affaire et recueillir des informations et des aveux qui mettent en pleine lumière des procédés que les exigences de notre honneur et de nos plus précieux intérêts ne nous permettent pas de tolérer. Si en arrivant à Ems, j'avais en quelque sorte posé un ultimatum au Roi, j'aurais fait croire à S. M. que nous voulions la guerre à tout prix, et dès lors j'aurais vainement cherché à obtenir les éclaircissements qui m'ont été donnés, et qui nous autorisent pleinement, nous obligent même à garder l'attitude que nous avons prise.

Veuillez, etc.

Signé: BENEDEtti.

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