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DIPLOMATIQUES

1871-1872

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES

RELATIFS A LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE 1870-1871

No 1.

LE COMTE BENEDETTI AU MARQUIS DE LA VALETTE.

Berlin, le 27 mars 1869.

Monsieur le Ministre, l'Espagne a été représentée à Berlin, pendant plusieurs années, par M. Rancès y Villanueva, et ce diplomate a été remplacé par N. Tenorio, quelques mois seulement avant la dernière révolution. Au moment où le nouveau gouvernement espagnol a pourvu aux postes diplomatiques, on a confié celui de Vienne à M. Rancès; il avait été question de lui rendre celui de Berlin, mais on jugea que les convenances ne permettaient pas d'envoyer à la cour de Prusse un agent qui y avait été entretenu tout récemment par le gouvernement de la reine Isabelle.

A l'occasion ou sous le prétexte de la fête du Roi, M. Rancès a fait

une apparition à Berlin, venant directement de Vienne; il y aurait été déterminé, après avoir obtenu l'assentiment du cabinet de Madrid, par le désir, a-t-il dit, d'offrir ses hommages à Sa Majesté, et témoigner ainsi de sa gratitude pour la bienveillance dont il avait été l'objet durant la mission qu'il avait remplie en Prusse. Pendant les cinq jours qu'il a passés à Berlin, il a vu cependant deux fois M. de Bismarck, et on en a conclu que son voyage avait peut-être un but politique. Je n'ai recueilli aucune information m'autorisant à croire que cette conjecture puisse avoir quelque fondement, et je ne suppose pas que M. Rancès ait été chargé de négocier un accord quelconque avec le cabinet de Berlin. Votre Excellence sait toutefois qu'on a cité le prince héréditaire de Hohenzollern parmi les membres des familles souveraines qui pourraient être élevés sur le trône d'Espagne. Ce prince est catholique, et il a épousé une princesse de la maison de Bragance, sœur du roi de Portugal. En présence des difficultés que soulève à Madrid le choix du nouveau souverain, aurait-on de nouveau songé au prince de Hohenzollern, et M. Rancès a-t-il reçu l'ordre de venir en conférer avec M. de Bismarck, ou bien cette pensée aurait-elle été conçue à Berlin même ou à Dusseldorf, et en auraiton instruit M. Kancès, qui se serait décidé à entreprendre son voyage après avoir pris les ordres de son gouvernement? Je l'ignore entièrement; mais il m'a paru convenable cependant de ne pas vous laisser ignorer ces suppositions, qui vous aideront à contrôler tout autre renseignement à ce sujet.

M. Rancès est parti hier retournant directement à son poste. J'ajouterai que, depuis le départ de M. Tenorio, qui a été révoqué, l'Espagne n'a plus été représentée à Berlin. Il a été nommé successivement plusieurs ministres, qui ont reçu depuis d'autres destinations, ét celui qui a été désigné en dernier lieu n'est pas encore arrivé. Veuillez, etc.

N° 2.

Signé: BENEDEtti.

LE COMTE BENEDETTI AU MARQUIS DE LA VALETTE.

Berlin, le 31 mars 1869.

Monsieur le Ministre, votre Excellence m'a invité hier par le télégraphe à m'assurer si la candidature du prince de Hohenzollern aŭ trône d'Espagne avait un caractère sérieux.

J'ai eu ce matin l'occasion de rencontrer M. de Thile, et j'ai cru pouvoir lui demander si je devais attacher quelque importance aux bruits qui avaient circulé à ce sujet. J'ai pensé qu'il était utile de ne pas lui cacher que je mettais du prix à être exactement informé, en lui faisant remarquer qu'une pareille éventualité intéressait trop directement, à mon sens, le gouvernement de l'Empereur pour qu'il ne fût pas de mon devoir de la lui signaler, dans le cas où il existerait des raisons de croire qu'elle peut se réaliser. J'ai dit encore à mon interlocuteur que mon intention était s'il n'y voyait pas d'inconvénient, de vous faire part de notre entretien.

M. de Thile m'a donné l'assurance la plus formelle qu'il n'a, à aucun moment, eu connaissance d'une indication quelconque, pouvant autoriser une semblable conjecture, et que le ministre d'Espagne à Vienne, pendant le séjour qu'il a fait à Berlin, n'y aurait pas même fait allusion. Le sous-secrétaire d'Etat, en s'exprimant ainsi, et sans que rien dans ce que je disais fût de nature à provoquer une pareille manifestation, a cru devoir engager sa parole d'honneur. Suivant lui, M. Rancès se serait borné à entretenir M. de Bismarck, qui tenait peut-être à profiter du passage de ce diplomate pour se renseigner sur l'état des choses en Espagne en ce qui concerne le choix du futur souverain. Les Cortès aurait-il dit, éliront le roi Ferdinand, qui déclinera la couronne; la majorité se partagera ensuite entre le duc de Montpensier et le duc d'Aoste, mais elle se prononcera vraisemblablement pour le premier de ces deux princes, qui acceptera la résolution de l'Assemblée.

Voilà en substance ce que M. de Thile m'a appris en revenant à plusieurs reprises sur sa première déclaration, qu'il n'ayait été et qu'il ne saurait être question du prince de Hohenzollern pour la couronne d'Espagne. Sans révoquer en doute la loyauté du soussecrétaire d'Etat, je me permettrai d'ajouter qu'il n'est pas toujours initié aux vues personnelles de M. de Bismarck. En vous faisant part des bruits qu'avait provoqués à Berlin la présence de M. Rancès, j'avais soin d'ailleurs de vous faire remarquer que je n'avais aucune raison sérieuse pour croire à leur exactitude, et je ne vous en rendais compte que pour le cas où ces indications pourraient vous servir à corroborer d'autres renseignements.

Veuillez, etc.

Signé: BENEDETTI.

N° 3.

LE COMTE BENEDETTI AU MARQUIS DE LA VALETTE.

Berlin, le 11 mai 1869.

Monsieur le Ministre, en revoyant M. de Bismarck après mon retour de Paris, j'ai pu, sans difficulté, amener l'entretien sur l'état actuel des choses en Espagne, et j'en ai pris prétexte pour l'interroger sur les bruits qui désignent le prince Léopold de Hohenzollern comme l'un des candidats à la couronne.

Le président du conseil n'a pas cherché à décliner la conversation sur ce sujet ; il m'a représenté que la souveraineté qui pourrait être offerte au prince Léopold ne saurait avoir qu'une durée éphémère, et qu'elle l'exposerait à plus de dangers encore que de mécomptes. Dans cette conviction, le Roi s'abstiendrait certainement, m'a-t-il dit, de lui donner, le cas échéant, le conseil d'acquiescer au vote des Cortès. Le père du prince partage cet avis, a ajouté M. de Bismarck, et il a pu se persuader, par la nécessité où il s'est trouvé d'aller au secours du prince Charles depuis qu'il gouverne la Roumanie, combien la puissance souveraine est onéreuse pour sa fortune personnelle, et il n'est nullement disposé à la compromettre pour aider son fils aîné à monter sur le trône d'Espagne. Sans me dissimuler qu'il avait eu l'occasion de conférer à ce sujet avec le Roi et avec le prince Antoine, M. de Bismarck s'est renfermé dans les observations que je viens de vous indiquer en substance. En prêtant foi à la sincérité de ses paroles, il faudrait absolument en conclure qu'il n'a été fait aucune proposition au prince Léopold, ou que du moins il ne l'a pas favorablement accueillie. Si je m'en rapportais au contraire à l'expérience que j'ai acquise du sens qu'il convient d'attacher à son langage, j'inclinerais à croire qu'il ne m'a pas exprimé sa pensée tout entière. Je lui ai fait remarquer que le prince Léopold ne pouvait déférer au vœu des Cortès, dans le cas où elles l'acclameraient, sans l'assentiment du Roi, et que S. M. aurait donc à dicter au prince la résolution qu'il devait prendre en pareille circonstance. M. deBismarck l'a reconnu ; mais au lieu de m'assurer que le Roi était irrévocablement décidé à lui recommander l'abstention, il est revenu sur les périls dont serait entouré, dès son avénement, le nouveau souverain de l'Espagne. Il a continué en émettant l'avis qu'il ne sera, au surplus, procédé à l'élection d'aucun prince, que les vues ambitieuses et personnelles des hommes qui se sont emparés du

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