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pagne pour mettre fin à l'installation projetée du prince sur le trône d'Espagne.

J'ai répondu à M. de La Valette que le gouvernement de Sa Majesté avait été surpris à l'annonce de cette nouvelle; que je compre nais parfaitement l'effet fâcheux qu'une telle nouvelle devait produire en France; sans être d'accord avec lui sur toutes les raisons qu'il avait énoncées au sujet de l'importance pour une aussi grande nation que la France de l'élévation d'un prince allemand sur le trône d'Espagne et que je réservais mon opinion à l'égard de faits dont je n'avais encore qu'une connaissance imparfaite.

Je lui dis que je regrettais que des paroles aussi vives que celles que vous m'avez dit avoir été adressées au baron de Werther, aient été employées, mais j'ajoutai que c'était moins le moment d'entrer dans une discussion générale que d'aviser au plus tôt à ce qu'on pourrait faire pour donner une solution favorable à l'affaire.

Je consentais volontiers à ce que le gouvernement de la Reine usât de toute l'influence qu'il peut avoir sur la Prusse et sur l'Espagne, et sans avoir la prétention de rien imposer à l'une ou l'autre de ces Puissances, le gouvernement de la Reine les engagerait à prendre en sérieuse considération, telle que leur gravité le réclamait, toutes les faces de cette question, et je lui promis d'en référer tout aussitôt à Votre Excellence, à lord Augustus Loftus et à M. Layard. Je suis, etc.

N° 16.

Signé GRANVILLE.

LE COMTE GRANVILLE A LORD A. LOFTUS, A BERLIN.

Foreign Office, le 6 juillet 1870.

Mylord, M. Gladstone et moi avons été pris par surprise hier soir à la nouvelle que le gouvernement espagnol avait offert la couronne d'Espagne au prince Léopold de Hohenzollern; il paraît aussi que l'offre a été acceptée par le prince. Le gouvernement de Sa Majesté n'a aucun désir d'intervenir, de quelque façon que ce soit, dans les affaires intérieures de l'Espagne; beaucoup moins a-t-il la prétention de peser (to dictate) en pareille matière sur l'Allemagne du Nord; mais il a certainement l'espoir que ce projet qu'il avait ignoré jusqu'ici, n'a reçu aucune sanction du Roi.

Quelques-unes des plus grandes calamités du monde ont été pro

duites par des petites causes et par des erreurs insignifiantes à leur origine. Dans l'etat actuel de l'opinion en France, la possession de la couronne d'Espagne par un prince prussien produirait sûrement une grande et dangereuse irritation. Nous avons, en effet, une preuve concluante de ce fait dans le compte-rendu que nous recevons à l'instant de ce qui a été déclaré par le Ministre à la Chambre française.

En Prusse, ce peut être un objet sans importance qu'un membre de la famille de Hohenzollern occupe le trône le plus catholique de l'Europe. Il n'est pas certain qu'il recevait l'allégeance du peuple espagnol, divisé, comme l'est celui-ci, en un grand nombre de partis, dont beaucoup seraient nécessairement opposés au prince Léopold, et s'uniraient peut-être contre lui. Le succès n'ajouterait que peu de chose à la dignité de la famille royale de Prusse ou à la puissance de l'Allemagne du Nord, tandis qu'un échec ne manquerait pas d'être un pénible incident.

Ce n'est pas cependant autant sur l'importance de cette question pour l'Allemagne du Nord, ce dont le Roi et ses conseillers sont les meilleurs juges, que je désire insister, que sur le résultat qu'elle peut avoir sur le bien-être futur de l'Espagne - but que la Prusse doit avoir autant à cœur que le gouvernement de Sa Majesté. Il est de l'intérêt de la civilisation, de la paix et de l'ordre en Europe, que l'Espagne consolide ses institutions. Il est presque impossible que cela s'accomplisse si l'on y établit une nouvelle monarchie, qui exciterait la jalousie et les sentiments d'inimitié, sinon des actes hostiles, de la part de son puissant voisin immédiat.

De pareils sentiments en France ne trouveraient que trop probablement un écho parmi quelques-uns des partis à l'existence desquels, en Espagne, j'ai déjà fait allusion. Je me plais donc à espérer que le Roi et ses conseillers trouveront compatible avec leurs propres vues sur ce qui convient le mieux à l'Espagne, de décourager efficacement un projet plein de risques pour les meilleurs intérêts de ce pays. Vous ne manquerez point de faire ressortir que si ces sentiments sont justes, le roi de Prusse, dant le règne a amené un agrandissement si considérable de ce pays, a maintenant une occasion non moins signalée d'exercer une magnanimité sage et désintéressée qui aurait l'effet certain de rendre un service inestimable à l'Europe par le maintien de la paix.

Vous aurez soin de ne rien dire qui pourrait donner lieu à la supposition que le gouvernement de S. M. conteste ou même discute le droit abstrait de l'Espagne dans le choix de son souverain. Pour votre information je puis ajouter que nous n'avons admis à aucun degré que l'avénement du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne justifierait le recours immédiat aux armes, dont menace la France.

Sur ce sujet néanmoins vous ne devez pas entrer actuellement en communication avec le gouvernement prussien. La base des représentations que vous avez pour instruction de faire, et de celles que, dans un but analogue, le gouvernement de S. M. a adressées au gouvernement espagnol, est la prudence.

A des considérations de cette nature, je dois toutefois ajouter la réflexion que le strict secret avec lequel les négociations ont été conduites entre le ministre d'Espagne et le prince qui a été l'objet de son choix, semble inconciliable de la part de l'Espagne avec l'esprit amical et les règles internationales, et a donné, ce que le gouvernement de S. M. est bien forcé d'admettre, une juste cause d'offense, que, on pourra peut-être le prétendre, il sera impossible d'écarter tant que la candidature du prince sera maintenue.

Je suis, etc.

Signé GRANVILLE.

No 17.

LORD LOFTUS AU COMTE DE GRANVILLE,

Foreign-Office, le 6 juillet 1870.

Mylord, Etant souffrant et ne pouvant sortir, j'ai prié M. Petre de voir M. de Thile pour lui demander s'il pouvait me donner quelques informations sur l'offre de la couronne d'Espagne faite au prince héréditaire de Hohenzollern.

M. de Thile a dit à M. Petre que le chargé d'affaires de France, M. Le Sourd, était venu le voir il y a quelques jours, et lui avait dit que la nouvelle qui était parvenue au gouvernement français qu'une députation avait été envoyée de Madrid pour offrir au prince de Hohenzollern la couronne d'Espagne, et que cette offre avait été acceptée, avait occasionné une impression défavorable à Paris, et que le Gouvernement impérial désirait savoir quelle serait l'attitude du gouvernement prussien dans cette question.

M. de Thile répondit au chargé d'affaires de France, que le choix d'un souverain au trône d'Espagne était une question qui n'existait pas pour le gouvernement prussien et qu'en conséquence il n'était pas en mesure de donner des explications à ce sujet au gouvernement français.

Le gouvernement prussien considérait que les hommes d'État et le peuple de l'Espagne avaient le droit d'offrir la couronne à quicon

que leur convenait et qu'il ne dépendait d'accepter ou de refuser qu'à la personne à qui l'offre avait été faite.

M. de Thile assura M. Petre que c'était tout ce qui s'était passé entre M. Le Sourd et lui.

Je suis,

N° 18.

Signé A. LOFtus.

LE DUC DE GRAMONT A M. LE SOURD, A BERLIN.

Paris, le 7 juillet 1870.

Monsieur, dans l'entretien que vous avez eu avec M. de Thile, conformément à mon télégramme du 3, vous avez reproduit fidèlement la pensée du gouvernement de l'Empereur, et j'approuve votre langage. Nous attendons avec une légitime impatience les premières explications que vous aviez à nous transmettre. Il résulte de celles qui vous ont été données par M. le sous-secrétaire d'État des affaires étrangères que, sans avoir ignoré la négociation engagée en faveur de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne, le gouvernement prussien y serait officiellement étranger et considérerait cette affaire comme n'existant pas pour lui. En un mot, la combinaison dont il s'agit n'intéresserait que le prince Léopold personnellement.

L'opinion publique en a jugé autrement, et le gouvernement de l'Empereur a dû se demander immédiatement la conduite qu'il avait à tenir. L'Europe entière sait quelle a été notre attitude depuis deux ans en présence des événements d'Espagne. Bien loin de vouloir exercer aucune pression sur les décisions de la nation espagnole dans le choix d'un Roi, nous nous sommes au contraire abstenus scrupuleusement de toute ingérence politique dans cette affaire. Nous obéissons à la fois à notre respect pour la souveraineté d'un grand peuple, maître de régler ses destinées comme il lui convient, et aux sentiments d'amitié que nous professons pour un pays qu'aucun intérêt particulier, aucun dissentiment politique ne sépare de nous.

Nos principes restent les mêmes aujourd'hui encore, et nous protestons auprès de tous les Cabinets de notre intention de ne pas nous en écarter.

Mais lorsqu'un prince prussien se présente pour être le souverain

de l'Espagne, une telle démarche, dans l'état actuel de l'Europe, prend une signification qui est à l'instant saisie par tous les esprits. La poursuite d'un pareil plan ne paraîtrait plus qu'un moyen d'étendre l'influence de la Prusse au détriment de la France, en rompant cette longue tradition de rapports amicaux fondés autrefois sur les liens dynastiques, mais dont aujourd'hui, nous cherchons, nous, la garantie uniquement dans l'estime et le bon vouloir des peuples. Comment supposer que nous pourrions admettre un aussi grave changement dans la condition de l'équilibre européen, et souffrir que l'Espagne devint au profit de la Prusse, un point d'appui contre la France. Nous nous refusons à croire que la cour de Berlin en ait véritablement conçu la pensée.

J'ai vu M. le baron de Werther il y a trois jours, et je lui ai présenté ces considérations avec la plus entière franchise. Il m'a annoncé qu'il se rendait à Ems et il n'aura pas manqué de bien faire comprendre à son souverain toute la gravité de la détermination prise par le prince de Hohenzollern. L'émotion causée dans le pays par cette nouvelle a trouvée au sein des Chambres françaises un tel retentissement, que le Cabinet a dû donner des explications publiques. Il l'a fait avec autant de réserves que la situation le permettait; mais il est des sentiments qu'un gouvernement national comme celui de l'Empereur ne peut jamais méconnaître et dont il doit assurer la solidarité. On ne fera jamais croire à personne qu'un prince prussien puisse accepter la couronne d'Espagne sans y avoir été autorisé par le Roi, chef de sa famille. Or si le Roi l'a autorisé, que devient cette soi-disant ignorance officielle du cabinet de Berlin, derrière laquelle M. de Thile s'est retranché avec vous? Le Roi peut, dans le cas présent, ou permettre ou défendre. S'il n'a pas permis, qu'il défende. Il aura peut-être sauvé le prince, son parent, d'un grand désastre, et il dégagera l'horizon politique des graves complications qui menacent la paix générale. Il y a quelques années, dans une circonstance analogue, l'Empereur n'a point hésité: Sa Majesté désavoua hautement et publiquement le prince Murat posant sa candidature au trône de Naples. Nous regarderions une détermination semblable du Roi Guillaume comme un excellent procédé à notre égard, et nous y verrions un puissant gage du désir de la Prusse de resserrer les liens qui nous unissent et d'en assurer la durée.

Recevez, etc.

Signé GRAMONT.

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