Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Je ne m'occuperai point de la question diplomatique qui est traitée dans ce travail, mais je tiens à signaler l'intérêt qu'il présente sous le rapport économique. On sait que la vallée du BasDanube est une contrée fertile et bien située pour le commerce, habitée par une population nombreuse et qui pourrait, par conséquent, devenir le théâtre d'un mouvement commercial fort étendu; des manufactures pourraient y être fondées, et il serait facile d'y rendre l'agriculture florissante, de sorte que les contrées de l'ouest de l'Europe trouvassent, dans la production des céréales que fourniraient les Principautés, un supplément important à leur propre production. Déjà la Valachie et la Moldavie concourent à alimenter largement de céréales les marchés de l'Europe occidentale; mais en cela le présent n'est qu'un faible indice de ce que pourrait être l'avenir. M. Thibault-Lefebvre est allé dans les Principautés danubiennes, et il a recueilli un ensemble curieux de renseignements qui les concernent; il les a mis en ordre avec beaucoup de soin. Ces renseignements montrent que la Moldavie et la Valachie, à raison de la situation précaire et dépendante qui leur a été faite par les événements,

à raison du caractère indécis de leur administration sous des chefs incertains de leur propre avenir, et par l'effet de l'insuffisance du gouvernement turc, sous le rapport des lumières, sont loin de se trouver dans l'état florissant auquel la Providence semble les avoir destinées. L'arbitraire a eu pour effet d'enlever, dans ces pays, à la propriété la sécurité dont elle a besoin pour que le travail se développe; car là ou la propriété n'est pas suffisamment garantie, on ne tente pas des efforts dont les fruits péniblement acquis pourraient être ravis à leur légitime possesseur.

La mauvaise organisation politique et sociale de ces contrées se révèle par des faits économiques qui, dans l'état de choses actuel, sont des obstacles insurmontables au progrès. L'argent est très-rare, et le taux de l'intérêt à 18, 24, 30 pour 100. Or en présence d'un pareil taux, il est impossible de fonder des entreprises qui demandent des avances d'argent étendues. A côté de ces traits peu consolants dans la physionomie des Principautés, il en est d'autres toutefois qui sont plus satisfaisants. Les transactions commerciales sont réglées par la législation française; notre Code de commerce traduit en rouman, est la loi du pays

Il ne manque plus que des juges impartiaux, désintéressés et laborieux comme les nôtres, pour en faire l'application.

En recommandant à l'Académie le travail de M. Thibault-Lefebvre, comme un choix de documents intéressants, je n'exprimerai qu'un regret: c'est que l'auteur n'ait pas pris le soin de convertir en mesures et en monnaies françaises, les faits numériques recueillis par lui et cités à l'appui des considérations qu'il expose'. Le lecteur se ferait alors une idée exacte des données économiques que contient ce travail. Mais cette réserve faite, je n'ai que des éloges à donner à l'écrit de M. Thibault-Lefebvre, et je le crois fort digne de figurer dans la bibliothèque de l'Institut.

M. DUPIN AÎNÉ a ajouté quelques considérations à celles présentées par M. Michel Chevalier; il a fait observer que M. Michel Chevalier n'avait fait connaître le travail de M. Thibault-Lefebvre que sous le rapport économique; il a totalement négligé le point de vue diplomatique, et cependant,

1. L'auteur a fait droit à cette observation dans cette seconde édition. Il a converti en monnaie et en mesures françaises tous les chiffres valaques qu'il a employés.

c'est la question politique qui domine dans ce travail et qui explique l'état économique sur lequel notre honorable confrère vient d'appeler l'attention de l'Académie.

La Valachie et la Moldavie présentent cette situation singulière, que n'ayant jamais été conquises et incorporées, et ayant par l'effet des capitulations, conservé leur existence nationale, avec les droits de législation, de guerre et de paix, et de juridiction, elles ont cependant été moins favorablement traitées par les puissances chrétiennes qui les ont prises sous leur protection, que par Mahomet II, vainqueur de Constantinople.

Cette protection était nécessaire dans les autres états de l'empire ottoman où les Grecs, et en général tous les chrétiens sous le nom de rayas, étaient assujettis à la capitation et à mille avanies dans leurs personnes, leurs biens et leur culte. De là l'établissement des consulats européens pour protéger leurs nationaux, avec des priviléges bien singuliers, des exemptions personnelles très-étendues et des droits fort exorbitants; notamment celui d'exercer sur les Francs habitant les états du grand seigneur, la juridiction civile, correctionnelle et même criminelle, sauf recours, jadis au parlement

d'Aix, aujourd'hui à la Cour d'appel de cette résidence.

Ces priviléges et attributions des consuls ont passé même aux consulats établis dans les principautés de la Moldavie et de la Valachie, où cependant ils n'avaient pas la même raison d'être, et où ils n'étaient nullement nécessaires; car les Principautés n'ont jamais cessé d'être des états chrétiens. Loin que les chrétiens aient à y redouter les mêmes avanies que dans les autres provinces de l'état ottoman, les capitulations assurent un asile dans les Principautés aux chrétiens qui, après avoir embrassé l'islamisme, seraient revenus à la religion chrétienne. Il y a plus; par ces mêmes capitulations (celles de 1393 et de 4460), il est dit qu'aucune mosquée turque ne pourra exister sur le territoire valaque, et que les Turcs qui y viendront pour commercer ne pourront y séjourner que pendant un temps limité.

Ц

Il y a cependant, relativement au protectorat religieux des chrétiens catholiques, une singularité. Ce protectorat qui, par d'autres capitulations, est réservé aux Français dans le surplus de l'empire ottoman, ne leur appartient pas dans les Principautés ce protectorat est attribué à l'Autriche.

« ZurückWeiter »