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M. le Comte Walewski apprit ensuite à la personne envoyée par le ministre de l'intérieur, que les Plénipotentiaires signaient, et qu'après la signature ils se rendraient en corps aux Tuileries, où Sa Majesté l'Empereur devait les recevoir. Le ministre ajouta qu'il n'avait eu qu'à se féliciter de l'attitude de la presse Française depuis l'ouverture du Congrès. Il exprima la conviction que la publication du traité « contenterait les plus difficiles, »> les Puissances alliées ayant tiré tout le parti possible des quatre garanties sans humilier la Russie, et l'avenir de la Turquie étant désormais assuré.

Quelques instants après, le ministre de l'intérieur était prévenu que le traité venait d'être signé. Avis fut aussitôt transmis au préfet de police pour l'affichage dans Paris; les télégraphes fonctionnèrent et portèrent en quelques minutes l'heureuse nouvelle dans toute la France, et le canon des Invalides, éloquente expression de toutes nos gloires et de toutes nos joies, annonça par ses salves la fin de la guerre.

Le Moniteur publia dans l'après-midi un supplément extraordinaire, consacré au grand événement du jour.

par

A Paris, la joie fut universelle. Les maisons se pavoisèrent Effet produit de drapeaux Russes mêlant leurs plis à ceux des drapeaux Français, Anglais, Prussiens, Autrichiens, Piémontais et Turcs. de la paix.

sonnes présentes, y compris les Plénipotentiaires eux-mêmes, se mirent à enlever de la table du Congrès, avec une ardeur qui rappelait la scène analogue que j'ai déjà racontée, tous les objets qui s'y trouvaient. En un instant, il n'y eut plus rien sur le tapis. Chaque Plénipotentiaire avait reçu la demande d'un nombre illimité, de plumes.

Quant à la plume d'aigle, elle fut offerte le lendemain à l'Impératrice. Ce petit objet historique avait été placé sous verre, dans un cadre doré fort simple. A droite de la plume, disposée verticalement, se trouvaient, sur plusieurs rangs, les signatures et les cachets particuliers de tous les Plénipotentiaires. A gauche, était écrite, de la main du chef du protocole, la mention certifiant l'authenticité du précieux objet.

la signature

Diner

aux affaires

étrangères.

Toast

du ministre.

Le soir, la ville entière s'illumina soudainement. Toute la population était dans les rues.

« La paix a été signée aujourd'hui à une heure, à l'hôtel des affaires étrangères, disaient les affiches placardées dans Paris. Les Plénipotentiaires de la France, de l'Autriche, de la GrandeBretagne, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne et de la Turquie ont apposé leur signature au traité qui met fin à la guerre actuelle, et qui, en réglant la question d'Orient, assoit le repos de l'Europe sur des bases solides et durables. >>

Dans la soirée, des courriers de cabinet partirent pour Londres, Vienne, Saint-Pétersbourg, Berlin, Turin et Constantinople, porteurs d'un exemplaire de l'instrument destiné à chacune des Cours représentées au Congrès.

Avis avait été donné de la signature du traité par voie télégraphique au maréchal commandant l'armée de Crimée. L'armistice, qui expirait le lendemain, 31 mars, fut officiellement prolongé de quatre semaines.

Le lendemain, M. le Comte Walewski donna un dîner de soixante-dix couverts en l'honneur de la paix. Tous les membres du Congrès, le Corps diplomatique, l'archevêque de Paris, les ministres, les présidents des grands corps de l'État, les maréchaux et les grands officiers de la Couronne y assistaient. Tous les convives étaient en grand uniforme.

Le ministre porta un toast « à la durée de la paix, » et il ajouta : « Elle sera durable, car elle est honorable pour tous. >>

Le même jour, le ministre d'État s'était rendu, par ordre de l'Empereur, au Sénat et au Corps législatif, pour annoncer la signature de la paix. Cette communication avait provoqué dans les deux assemblées le plus vif enthousiasme.

Le télégraphe signalait déjà l'effet immense produit à Londres et dans les autres capitales par l'heureux événement.

récompense

En récompense de ses services éminents, M. le Comte Wa- L'Empereur lewski fut élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. M. le Baron de Bourqueney fut nommé sénateur.

Le 1er avril eut lieu au Champ de Mars la grande revue annoncée depuis quatre jours. Un temps merveilleux favorisa cette fête militaire et pacifique. Les troupes passées en revue s'élevaient à environ soixante mille hommes.

les deux

Plénipotentiaires

Français.

de Mars.

Quand l'Empereur parut, accompagné du Prince Napoléon Grande revue et suivi d'un état-major dans lequel on remarquait les maré- au Champ chaux Vaillant, Baraguey d'Hilliers, Canrobert et Bosquet, le Comte Orloff et sa suite en grande tenue, le Marquis de Villamarina en tenue de colonel des chevau-légers, des uniformes militaires de toutes couleurs appartenant aux armées des principales Puissances de l'Europe, il y eut un frémissement électrique dans la foule, et un immense cri d'orgueil et d'enthousiasme emplit le Champ de Mars tout entier mieux que ne l'eût fait la voix du canon.

Cette fête magnifique, une des plus imposantes que Paris ait jamais vues, prouvait que la France avait pu, sans s'affaiblir à l'intérieur, envoyer deux cent cinquante mille combattants en Crimée, et qu'elle était assez riche en hommes pour n'avoir rien à redouter ni du présent ni de l'avenir. Mais en ce jour d'oubli et de réconciliation, il n'y avait place dans aucun esprit pour une idée belliqueuse. Le public immense qui admirait nos belles troupes et acclamait l'Empereur, saluait l'instrument de la guerre en se félicitant d'avoir la paix.

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La paix était faite, mais le Traité de Paris et ses annexes ne furent publiés au Moniteur que le 29 avril, deux jours après l'échange des ratifications par les Puissances.

Entre la date de la signature de la paix et celle de l'échange des ratifications, tout un mois s'était donc écoulé. Du 2 au 16 avril, jour de la dernière séance, les Plénipotentiaires se réunirent cinq fois pour s'occuper de différentes questions dont la solution était de nature à consolider et à compléter l'œuvre de la paix, et sur lesquelles il ne sera pas inutile de dire quelques mots à la fin de cet ouvrage.

Les premiers Plénipotentiaires de l'Autriche, de la GrandeBretagne, de la Prusse et de la Sardaigne quittèrent Paris aussitôt après la séance du 16 avril. Le Comte Orloff et Aali-Pacha assistèrent à l'échange des ratifications, formalité à laquelle prirent part tous les seconds Plénipotentiaires des Puissances, en présence du Comte Walewski.

En Angleterre, Lord Palmerston, pressé de donner quelques éclaircissements sur le Traité qui venait d'être signé, déclara devant la Chambre des communes que le but de la guerre était complétement atteint, que l'intégrité et l'indépendance de l'Empire Ottoman étaient assurées « autant que faire se pou

vait par des combinaisons humaines. » Le noble Lord ajouta que le Traité était honorable pour toutes les parties contractantes, qu'il avait mis un terme à une guerre dont tout ami de l'humanité devait vouloir la fin, et qu'il posait enfin les bases d'une paix durable.

Le Gouvernement Russe, de son côté, s'empressa de faire connaître son opinion sur le Traité dans un manifeste impérial qui eut un très-grand retentissement. La Russie déclarait qu'elle n'avait pas commencé la guerre, que son seul but, en prenant les armes, avait été de sauvegarder les droits de ses coreligionnaires d'Orient, qu'elle était étrangère à toute vue intéressée, qu'elle avait toujours considéré les calamités de la guerre avec un profond sentiment de tristesse. Elle félicitait son peuple et son armée, rappelait l'héroïque défense de Sébastopol et la chute de Kars, et reconnaissait elle-même que le moment était venu de déposer les armes, le sort futur de tous les chrétiens du Levant se trouvant désormais garanti par la reconnaissance solennelle de leurs droits, reconnaissance qui faisait entrer l'Empire Ottoman dans le concert des États Européens. Afin de hâter la conclusion de la paix et d'écarter pour l'avenir jusqu'à la pensée de vues ambitieuses ou de projets de conquête qui pourraient lui être attribués, elle avait consenti à la neutralisation de la mer Noire et à l'établissement d'une nouvelle ligne de démarcation en Bessarabie. Ces concessions sont sans gravité, disait le manifeste, si on les met en balance avec les chances d'une guerre prolongée et les avantages que promet à la Russie la tranquillité de l'Empire.

La paix, on le voit, était un besoin universel. De l'aveu même de l'Angleterre et de la Russie, la Puissance la plus exigeante dans ses prétentions et la Puissance qui avait subi les exigences de toutes les autres, le Traité de Paris était, dans son ensemble, une œuvre complète, parfaite, un acte immense dans ses résultats.

Ce jugement du premier jour sera ratifié par l'avenir. Il

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