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chancelier s'efforce d'infirmer les arguments produits par la Sublime Porte, et leur oppose le raisonnement suivant :

« A cette question, vous le savez, dit le comte de Nesselrode s'adressant aux agents russes du dehors, le sentiment national de la Russie attache une importance si haute et si grave, que feu l'empereur avait prescrit à ses représentants de la placer au premier rang dans le texte du traité à conclure. Nul doute que toutes les puissances ne fussent appelées à reconnaître, de concert avec la Russie, la grandeur de l'intérêt commun à toute la chrétienté dans le but unanimement avoué de sauvegarder par une transaction européenne l'avenir des populations chrétiennes d'Orient, sans distinction du rite qu'elles professent.

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Le cabinet français, prenant en main la défense des principes invoqués par la Turquie, s'empressa de répondre au comte de Nesselrode dans une note adressée le 23 mai 1855 aux diverses légations de la France, par le comte Walewski:

« Une question religieuse, envenimée par les prétentions de la Russie, avait été la cause de la guerre.... Le cabinet de Saint-Pétersbourg avait exigé un engagement formel, qui, pour ne s'appliquer en apparence qu'à des immunités religieuses, n'en eût pas moins humilié la Porte, entravé son action administrative, et paralysé dans l'ordre civil toute réforme efficace. La France et l'Angleterre ont reconnu hautement que le gouvernement ture devait se refuser à subir de telles

conditions, qui eussent été la ruine de son indépendance; et, si l'on se réfère au texte de la quatrième garantie, il est facile de voir que la Russie s'obligeait à renoncer à les reproduire, et à laisser au sultan, sauf l'action amicale et les conseils de ses alliés, l'initiative des mesures à prendre dans l'intérêt matériel et moral de ses sujets.... Les dernières réformes opérées en Turquie, celles qu'elles provoquent, l'empressement que la Sublime Porte a mis à écouter nos conseils, prouvent

que le cœur du sultan est ouvert aux inspirations les plus généreuses. Ce qu'il faut, c'est que ces inspirations puissent être suivies sans trouble, c'est que celui qui les conçoit en ait le mérite aux yeux de ses sujets et du monde, et, pour que ce résultat soit obtenu, il est indispensable que la Russie, à l'avenir, abandonne les armes dont elle s'est servie tour à tour, soit pour arrêter d'utiles réformes, soit pour indisposer les lations contre leur souverain. »>

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L'Autriche, tout en partageant l'avis des puissances occidentales, qu'il fallait ôter à la diplomatie russe le dernier prétexte d'immixtion dans les affaires intérieures de la Turquie, était très-préoccupée du danger qu'il y aurait à laisser le sort des chrétiens sujets de la Porte livré entièrement à l'arbitraire du divan et aux vicissitudes d'une administration troublée par les fréquentes crises ministérielles qui se succèdent à Constantinople.

Au défaut d'une direction supérieure bien établie, le pouvoir central en Turquie réunit un autre élément de

faiblesse. La Grande-Bretagne exceptée, il n'y a pas de pays en Europe où les provinces jouissent, sous le rapport administratif et judiciaire, d'une autonomie plus absolue que dans l'empire ottoman.

Nulle autre part, les communes ne subissent moins l'action et l'influence de l'administration centrale. Fortement constitué comme il est, l'esprit communal, par son intensité vitale et son irrésistible puissance, a préservé la Turquie de succomber sous les terribles étreintes dù colosse du Nord; mais en même temps que sa force expansive servait de boulevard contre les dangers du dehors, elle entravait et arrêtait le développement des réformes intérieures, que depuis Mahmoud II la Sublime Porte n'a cessé de poursuivre avec la plus louable persévérance.

En présence de ces faits, l'Autriche était d'avis que, pour mettre les raïas à l'abri du fanatisme musulman, malheureusement loin d'être éteint dans les provinces, les alliés du 2 décembre avaient à réclamer des garanties formelles que la Porte allait accomplir l'émancipation politique et religieuse des populations chrétiennes soumises au sceptre du sultan, pour prix des innombrables sacrifices au moyen desquels, après avoir consolidé l'empire ottoman, ils venaient de le rattacher par des liens indissolubles à la grande famille européenne.

Les considérations présentées par le cabinet de Vienne reposaient sur une appréciation trop vraie et trop juste des choses d'Orient, pour ne pas amener les puissances

occidentales à en faire l'objet d'une démarche collective auprès du divan.

De concert avec la cour de Vienne, les cabinets de Paris et de Londres proposèrent, vers la fin du mois de novembre dernier, à la Sublime Porte, pour la solution de la quatrième garantie, une combinaison propre à concilier les droits souverains du sultan avec les vœux de ses sujets chrétiens, ainsi qu'avec les intérêts de l'Europe. Pour respecter l'indépendance et la dignité de la couronne du sultan, les réformes réclamées en faveur des raïas devaient être promulguées comme émanées uniquement de l'initiative et de la plénitude des droits souverains de Sa Hautesse. Mais, afin que ces réformes fussent assez larges et assez complètes pour mettre un terme aux griefs plus que légitimes des populations chrétiennes, les alliés du 2 décembre s'offraient d'aider la Sublime Porte de leurs conseils et de leurs lumières dans l'accomplissement de l'acte solennel par lequel le sultan aurait à consacrer les immunités octroyées aux raïas.

La Sublime Porte se prêta de la meilleure grâce à cette combinaison. Dans le courant du mois de décembre s'ouvrirent à Constantinople des délibérations spéciales, conjointement avec les représentants d'Autriche, de France et de la Grande-Bretagne, sous la présidence du grand vizir Aali-Pacha. Pour donner aux puissances chrétiennes un gage irrécusable de ses intentions bienveillantes et de ses sentiments généreux à l'égard des raïas, le sultan y délégua comme prin

cipal commissaire de la Porte le prince Callimaki, lequel, par ses croyances religieuses, et par suite de son long séjour en France et en Angleterre, était mieux que tout autre diplomate turc à même d'apprécier les véritables besoins de ses propres coreligionnaires, et de s'inspirer des vœux justes et humains des trois grandes puissances.

Le résultat de ces délibérations fut la publication du HATTI-I-HUMAÏOUN du 18 février (A. c.), dans lequel, sous la forme d'un règlement comprenant vingt et un points, sont résumées les immunités garanties par le sultan à ses sujets chrétiens.

A la netteté, à la précision du langage, ce document réunit une grande élévation d'idées, à ce point que les plénipotentiaires de Russie eux-mêmes se sont empressés de rendre hommage à la politique éclairée et généreuse d'Abd-ul-Medjid, en des termes qui méritent d'être rapportés.

A l'ouverture de la quatorzième séance du congrès de Paris, tenue le 25 mars dernier, les plénipotentiaires de la Russie ayant été invités à faire part au congrès des observations qu'ils s'étaient réservé de présenter sur le quatrième point, le baron de Brunnow exposa : « qu'en assurant aux chrétiens de l'empire ottoman l'entière jouissance de leurs priviléges, on a donné à la paix une garantie de plus et qui ne sera pas la moins précieuse; qu'à ce titre on ne saurait trop apprécier l'importance du hatti-schérif récemment émané de la volonté souveraine du sultan; que les plénipotentiaires

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