Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

préliminaires de paix parafés le 1" février, ne pouvait rencontrer aucune difficulté sérieuse au sein du congrès de Paris, qui, après l'avoir pris pour point de départ des règlements concernant la future organisation des principautés danubiennes, eut soin de le consigner dans une stipulation spéciale, formant l'objet de l'article 32 du traité général de paix.

De ce que la France et l'Angleterre en signant le traité d'alliance du 10 avril 1854 s'étaient interdit de retirer aucun avantage particulier des événements qui pourraient se produire durant la guerre, et que partant elles avaient déclaré en face de l'Europe ne poursuivre aucun remaniement territorial, il ne s'ensuit pas qu'elles s'écartassent du but de leur alliance en réclamant de la Russie une rectification de sa frontière avec la Turquie européenne. Pareille rectification n'était au contraire que la conséquence immédiate de l'annulation des traités existant entre les deux puissances.

En les proclamant éteints et abrogés, les alliés du 2 décembre n'avaient évidemment en vue que de faire rendre à la Sublime Porte les clefs de position dont la cour de Pétersbourg s'était successivement et très-adroitement emparée au moyen de conventions qui, examinées de près, ne sont que l'expression de la volonté imposée par le plus fort au plus faible, que la loi dictée par le vainqueur au vaincu.

Qui veut la fin doit vouloir les moyens. L'annulation des traités dont il s'agit implique nécessairement la

cessation des dangers auxquels l'empire ottoman resterait exposé aussi longtemps que ses frontières naturelles ne seraient pas rétablies. La ligne du Danube, comme nous l'avons vu plus haut, est indispensable à la défense de la Turquie. Par ligne du Danube il faut entendre non-seulement le cours du fleuve, mais aussi les ouvrages destinés à en interdire le passage à toute armée ennemie. Rien ne serait plus facile à un corps d'armée russe que de franchir à tout instant le Danube sur des pontons à la Birago, si l'accès des bouches du Danube n'était suffisamment défendu par des fortifications avancées.

D'après ce principe stratégique, les alliés du 2 décembre proposèrent d'abord à la Russie une rectification de frontières laquelle, partant des environs de Chotyn, suivait la ligne de montagnes qui s'étend dans la direction sud-est, et aboutit au lac Salsyk. C'est cette rectification qui se trouve consignée dans l'annexe au protocole parafé à Vienne le 1er février.

Dans la séance du 8 mars, le baron de Brunnow donna, au congrès de Paris, lecture d'un mémoire tendant à établir que la disposition des lieux et la direction des voies de communication ne permettaient pas de déterminer un tracé direct entre les deux points extrêmes indiqués dans les préliminaires de paix. Rappelant que les puissances alliées devaient avoir en vue d'assurer la libre navigation du Danube, le plénipotentiaire de la Russie avançait, que cet objet serait atteint par un autre tracé, que son gouvernement

l'avait chargé de proposer au congrès. Ce tracé, qui, suivant lui, aurait eu l'avantage de n'apporter aucune perturbation dans l'économie de la province, serait parti de Waduli-Isaki, sur le Pruth, aurait suivi le val Trajan et aurait abouti au nord du lac Yalput. La Russie enfin aurait fait abandon des îles du delta et aurait rasé les forts d'Ismaïl et de Kilia-Nova.

La proposition du baron de Brunnow s'écartait d'une manière trop sensible des bases mêmes de la négociation pour que les puissances alliées pussent la prendre en sérieuse considération. Il était évident que la Russie cherchait à conserver les points avancés indispensables à la défense de la ligne du Danube, puisqu'elle voulait garder Ismaïl et Kilia-Nova, qui commandent le passage du Danube.

Le baron de Brunnow proposa ensuite d'ajouter au tracé indiqué par lui, le territoire compris entre le lac Katlebug, le val de Trajan et le lac Salsyk. Cette combinaison ne fut pas moins énergiquement combattue par les plénipotentiaires des alliés du 2 décembre, attendu qu'elle ne comprenait qu'une petite portion du territoire dont la cession avait été consentie par la Russie en acceptant les conditions de paix que l'Autriche avait portées à Pétersbourg.

Quel que fût l'esprit de conciliation qui animait les puissances alliées, elles ne pouvaient s'écarter des conditions de paix et renoncer totalement à des concessions admises en principe par tous les gouvernements représentés au congrès.

Les plénipotentiaires de la Russie protestèrent qu'ils n'avaient, en plaçant sous les yeux du congrès des considérations dont il y avait lieu, à leur sens, de tenir compte, d'autre intention que de provoquer une entente conforme à la topographie du pays. Pour preuve de leurs intentions conciliantes, ils se déclarèrent prêts à discuter toute autre proposition qui leur serait communiquée.

Ces diplomates insistèrent surtout sur les difficultés topographiques que la ligne indiquée dans les préliminaires de paix rencontrerait au nord.

Tout en répétant que les puissances alliées ne pouvaient adhérer à une délimitation qui ne serait pas en harmonie avec les concessions acquises à la négociation, le comte Walewski proposa, afin de tenir compte des difficultés topographiques mises en avant par les plénipotentiaires de la Russie, de procéder par voie de compensation en prolongeant la limite au sud-est et au delà du lac Salsyk.

Après une discussion engagée sur cet amendement, à laquelle tous les plénipotentiaires prirent part, il fut offert à ceux de la Russie d'établir la frontière au moyen d'une ligne qui, partant du Pruth, entre Séova et Hush, passerait au nord du lac Salsyk et s'arrêterait au-dessus du lac Albédies.

Sur la demande des plénipotentiaires russes, l'examen ultérieur de ce nouveau tracé fut renvoyé à la séance suivante (10 mars), après que ceux de la France et de la Grande-Bretagne eurent toutefois

établi, que la proposition à laquelle ils venaient de se rallier dans un esprit de concorde, constituait, sous tous les rapports, une concession dont l'importance est attestée par l'étendue du territoire compris entre Chotyn et Hush; c'est pourquoi le comte Walewski et lord Clarendon exprimèrent la conviction qu'une telle concession serait pleinement appréciée par les plénipotentiaires de la Russie.

A l'ouverture de la séance du 10 mars, le baron de Brunnow s'empressa de reconnaître hautement l'esprit de concorde qui avait suggéré aux plénipotentiaires des puissances alliées le tracé proposé par eux dans la séance précédente; mais se fondant sur les considérations topographiques et administratives que ceux de la Russie avaient déjà fait valoir, il demanda, de concert avec le comte Orloff, un amendement au tracé qui leur était offert. Cet amendement consistait à faire partir la nouvelle frontière du confluent du Pruth et de la Saratsika, en remontant cette dernière rivière jusqu'au village du même nom, pour se diriger de là vers la rivière de Yalput, dont elle descendrait le cours jusqu'au point où elle rejoint le val de Trajan, qu'elle suivrait jusqu'au lac Salsyk pour aboutir ensuite à l'extrémité septentrionale du lac Albédies.

C'est cette proposition qui ayant, à la suite d'une discussion approfondie, subi des modifications essentielles, a été définitivement arrêtée par le congrès et insérée dans le traité du 30 mars.

La nouvelle frontière entre la Russie et la Turquie

« ZurückWeiter »