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et leur sympathie, non pas seulement pour les intérêts généraux des races chrétiennes, mais encore pour l'avenir de la Turquie elle-même, car il est indissolublement lié au bien-être et à la tranquillité des populations placées sous le sceptre du Sultan.

Les Cabinets appréhendent que la prolongation de ce sanglant conflit et la résistance obstinée de la Porte à d'amicales exhortations ne dissipent chez ces populations, au moment même où elles s'y rattachaient le plus fortement, l'espoir d'une amélioration véritable de leur sort, précipitant ainsi en Orient la crise qu'ils ont à coeur d'éviter *).

Dès lors, sans renoncer à la mission généreuse que leur conscience leur impose, il ne leur reste plus qu'à dégager leur responsabilité en abandonnant la Porte aux conséquences possibles de ses actes.

Dans la voie qu'il a choisie, et dans laquelle il persévère, le Gouvernement ottoman ne pouvait certainement pas compter sur une assistance matérielle de la part des Puissances chrétiennes. Mais les Cabinets, après avoir vainement tenté de l'éclairer, croient de leur devoir de lui déclarer que désormais il réclamerait en vain leur appui moral au milieu des embarras qu'aurait préparés à la Turquie son peu de déférence pour leurs conseils.

36.

Protocoles des Conférences tenues à Paris entre les Représentants des Puissances signataires du Traité du 30 mars 1856, pour aplanir le différend survenu entre la Turquie et la Grèce.

Protocole No. 1.

Séance du 9 janvier 1869. Présents: M. le Prince de Metternich, Ambassadeur d'Autriche-Hongrie ;

*) Dans la déclaration de la Russie, d'ailleurs identique, se trouve après ces mots le passage suivant: »Ils croient avoir épuisé les efforts de la conciliation et les conseils de la prévoyance.<

M. le Marquis de La Valette, Ministre des Affaires étrangères de France, Membre du Conseil privé, Sénateur de l'Empire;

Lord Lyons, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande;

M. le Chevalier Nigra, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire d'Italie;

M. le Comte de Solms, Ministre plénipotentiaire de la Prusse et de la Confédération de l'Allemagne du Nord;

M. l'Aide de camp général Comte de Stackelberg, Ambassadeur extraordinaire de Russie;

Mehemmed Djemil-Pacha, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Turquie;

M. Desprez, Directeur des Affaires politiques au Ministère des Affaires étrangères, Secrétaire de la Conférence.

Les Puissances signataires du Traité du 30 mars 1856, après s'être entendues pour rechercher en commun, et conformément au Protocole du 14 avril suivant, les moyens d'aplanir le différend survenu entre la Turquie et la Grèce, ont autorisé leurs Représentants à Paris à se réunir en Conférence.

Les Plénipotentiaires se sont assemblés aujourd'hui à l'hôtel du Ministère des Affaires étrangères, et ont confié la présidence de leurs travaux à M. le Marquis de La Valette, Ministre des Affaires étrangères de S. M. l'Empereur des Français, Membre de son Conseil privé, Sénateur de l'Empire. Sur sa proposition, la Conférence a désigné pour Secrétaire M. Desprez, Conseiller d'État, Directeur au Ministère des Affaires étrangères.

Les pleins pouvoirs ont été vérifiés et trouvés en bonne et due forme.

M. le Plénipotentiaire de France a ouvert la délibération en constatant l'esprit de conciliation dont tous les Cabinets se sont montrés animés dans les pourparlers qui ont préparé la réunion de la Conférence. Il a rappelé que, d'après l'entente établie, le but unique et précis tracé aux Plénipotentiaires était d'examiner dans quelle mesure il y avait lieu de faire droit aux réclamations formulées dans l'Ultimatum adressé par la Turquie au Gouvernement hellénique.

On avait jugé équitable que la Grèce fût entendue, et, par le même accord qui avait circonscrit la mission de la Confé-. rence, il avait été convenu que le Représentant du Gouvernement hellénique y serait appelé avec voix consultative.

La discussion s'est engagée sur une difficulté née à ce sujet au moment même où la séance allait s'ouvrir. M. le Ministre de Grèce, averti de l'heure de la réunion au sein de laquelle il devait siéger aussitôt qu'elle serait constituée, venait d'annoncer à M. le Marquis de La Valette que, d'après des instructions reçues dans la matinée, il n'était pas autorisé à assister aux délibérations, s'il n'y était admis sur un pied d'égalité complète avec M. l'Ambassadeur de Turquie.

M. Rangabé, ayant été introduit, sur la demande de M. le Plénipotentiaire de Russie, pour présenter lui-même ses explications, a donné lecture d'une note conçue en ce sens, en décla rant qu'il avait ordre de se retirer, s'il n'était pas fait droit a sa réclamation.

Nouv. Recueil gén. Tome XVIII.

F

Les Plénipotentiaires n'ont pas cru devoir accepter la participation de M. le Ministre de Grèce dans les conditions qu'il avait pour instruction d'y mettre, et ils ont été unanimes pour exprimer la surprise et les regrets que la communication qu'ils venaient d'entendre était de nature à leur causer.

En effet, le Gouvernement hellénique aurait eu tout le temps nécessaire pour formuler ses objections avant le moment présent, s'il avait jugé à propos d'en produire.

La Conférence a été instituée entre les Puissances signataires du Traité de Paris et suivant l'esprit du Protocole du 14 avril 1856. La Grèce n'a pas été partie contractante dans les grandes transactions de cette époque. C'est par cette unique raison, a dit M. le Plénipotentiaire de France, et non dans la pensée de méconnaître sa situation, sa dignité ou ses droits, qu'elle n'a pas été invitée au même titre que la Turquie.

Reconnaissant la grave responsabilité que le Gouvernement hellénique assumerait, s'il persistait dans la résolution inattendue de s'abstenir, la Conférence a décidé que le Président, au nom de tous et avec l'appui des autres Cours, ferait une démarche auprès du Cabinet d'Athènes pour l'engager instamment à revenir sur une détermination de nature à compromettre l'oeuvre conciliatrice proposée à leurs efforts. Il a été également entendu que M. le Ministre de Grèce à Paris serait instruit de cette décision.

Tout en blâmant la forme dans laquelle a été introduite la réclamation du Gouvernement hellénique, M. le Plénipotentiaire de Russie a cru devoir établir que, pour le fond, elle lui semblait conforme à la justice, et il a rappelé qu'elle coïncidait avec le point de vue qu'il avait été chargé de faire prévaloir à l'origine.

M. l'Ambassadeur de Turquie a fait observer que ce serait altérer le caractère et les bases de la délibération acceptée par toutes les Puissances que de modifier une des conditions expressément stipulées et sans lesquelles la Sublime Porte, signataire du Traité du 30 mars 1856, n'aurait pas pu adhérer à la convocation de la Conférence.

M. le Plénipotentiaire de France a reconnu que l'accord ne s'était pas établi immédiatement sur le rôle qui serait attribué au Gouvernement hellénique, et que le Cabinet de Saint-Pétersbourg avait, dans le principe, exprimé le désir de voir la position de la Grèce assimilée entièrement à celle de la Turquie. Mais il n'en était pas moins vrai que le dissentiment sur ce point avait été écarté, et que les Cabinets, dans un intérêt de conciliation, avaient unanimement consenti à ce que la Grèce fût admise, à titre consultatif.

Ils

La discussion étant close sur cet incident, les Plénipotentiaires ont pensé qu'il y avait lieu d'informer immédiatement la Turquie et la Grèce de la constitution de la Conférence. ont été en même temps d'avis, en raison de l'urgence, d'inviter sans retard les deux Gouvernements à ne rien changer au statu quo actuel et à s'abstenir de toute mesure pouvant avoir pour effet d'entraver la mission des Puissances par la pression des événements extérieurs.

M. le Président de la Conférence a proposé, pour réaliser cette pensée, de faire parvenir à la Sublime Porte et au Cabinet hellénique la dépêche télégraphique suivante, dont la rédaction a été adoptée:

> Les Plénipotentiaires des Cours signataires du Traité de Paris, réunis pour rechercher les moyens d'apaiser le différend qui s'est élevé entre la Turquie et la Grèce, accomplissent un premier devoir en faisant connaître aux deux parties intéressées que la Conférence s'est constituée aujourd'hui.

> Les réclamations formulées dans l'Ultimatum remis par le Ministre de Turquie à Athènes au Ministre des Affaires étrangères de Grèce se trouvant dès à présent soumises à leur examen, les Puissances ont la persuasion que le Gouvernement de Sa Majesté le Sultan et celui de Sa Majesté hellénique s'interdiront scrupuleusement tout ce qui serait de nature, en modifiant le statu quo, à rendre plus difficile la tâche qu'elles ont acceptée. Elles n'hésitent donc pas à faire appel à la modération de la Sublime Porte et à lui demander de suspendre jusqu'à la clôture des travaux de la Conférence l'exécution des mesures comminatoires annoncées dans son Ultimatum du 11 décembre 1868. Elles croient devoir inviter en même temps le Gouvernement hellénique à prendre les dispositions nécessaires pour empêcher sur son territoire toute manifestation hostile ou toute expédition armée, par terre ou par mer, qui pourrait faire naître un conflit avec les forces ottomanes.<

Selon le voeu qui lui a été exprimé, M. le Marquis de La Valette s'est chargé de porter cette déclaration collective à la connaissance de la Turquie et de la Grèce par l'entremise de l'Ambassadeur de S. M. l'Empereur des Français à Constantinople et de son Ministre à Athènes. Les Plénipotentiaires de l'Autriche - Hongrie, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de la Prusse et de la Russie se sont engagés à demander par le télégraphe à leurs Cours d'appuyer la démarche de la France; et, après avoir pourvu ainsi aux mesures conservatoires qu'il lui appartenait de prendre pour prévenir, autant qu'il dépend d'elle, toute chance de complication jusqu'à l'accomplissement de sa tâche, la Conférence s'est ajournée au 12 janvier.

Fait à Paris, le 9 janvier 1869.

(Suivent les signatures.)

Protocole No. 2.

Séance du 12 janvier 1869.

Présents: MM. les Plénipotentiaires de l'Autriche-Hongrie, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de la Prusse et de la Confédération de l'Allemagne du Nord, de la Russie, de la Turquie; le Secrétaire de la Conférence.

Le Protocole de la précédente séance est lu et approuvé. M. le Plénipotentiaire de France annonce que, suivant le voeu exprimé dans la première réunion, la déclaration collective adoptée à l'effet de demander à la Turquie et à la Grèce le main

tien du statu quo a été immédiatement expédiée par le télégraphe, à l'issue des délibérations.

M. le Marquis de La Valette donne ensuite communication de la dépêche télégraphique adressée par lui à Athènes, conformément au Protocole dont elle reproduit les termes essentiels, afin d'inviter la Grèce, au nom de la Conférence, à revenir sur la détermination annoncée par son Ministre à Paris.

Sur la demande de M. le Plénipotentiaire de Russie, il est convenu que cette dépêche sera annexée au Protocole de la présente séance.

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M. le Marquis de La Valette constate qu'il n'a encore reçu aucune réponse ni de Constantinople ni d'Athènes, et que rien jusqu'ici ne fait prévoir la détermination du Gouvernement hellénique. Chargé de l'exécution des résolutions communes, Président de la Conférence n'avait pas cru pouvoir prendre sur lui de différer la réunion fixée pour aujourd'hui; mais, dans l'état des choses, il est disposé à ne pas insister pour que la discussion s'ouvre dès à présent sur les questions que la Conférence est appelée à examiner, et il pense que la délibération pourrait être ajournée au 14 janvier.

M. le Comte de Stackelberg remercie M. le Plénipotentiaire de France de cette proposition, en ajoutant que l'absence d'un représentant de la Grèce modifierait le caractère de la Conférence et ne pourrait être considérée par lui comme indifférente pour la suite des délibérations.

M. le Plénipotentiaire de France déclare qu'il est prêt à faire tout ce qui sera d'accord avec son devoir; mais qu'il croirait difficile de súbordonner entièrement l'oeuvre commune à la réponse du Gouvernement hellénique. Il prie donc ses collègues d'envisager l'hypothèse d'un refus de la part du Cabinet d'Athènes et de consulter leurs Cours sur la question de savoir quel parti la Conférence aurait à prendre dans cette éventualité.

M. le Plénipotentiaire d'Angleterre exprime l'espoir que la détermination de la Grèce sera conforme au voeu qui lui a été transmis.

M. le Marquis de La Valette désire vivement que cet espoir se réalise, mais il juge essentiel que, dans le cas contraire, chacun des Plénipotentiaires puisse faire connaître l'opinion de son Gouvernement sur la situation, et décider de la suite à donner aux travaux de la Conférence.

M. le Plénipotentiaire d'Italie déclare qu'il regarde également comme nécessaire que tous les Représentants des Puissances prennent sans retard les ordres de leurs Cours.

Cet avis est unanimement adopté, et la prochaine séance demeure fixée au 14 janvier, suivant la proposition de M. le Président de la Conférence.

Fait à Paris, le 12 janvier 1869.

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