Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

M. Raoul Duval s'occupe, en terminant, de l'intérêt et de l'amortissement considérés comme éléments du prix de revient dans l'ordre industriel. Il croit devoir déclarer que, dans sa pensée, l'intérêt, qui n'est que la rémunération du capital, ne saurait s'ajouter au prix de revient. C'est là simplement un gain qui se réduit, s'élève ou disparaît suivant que l'entreprise réussit ou perd de l'argent. Même remarque à l'endroit de l'amortissement, lequel est parfaitement représenté par les frais d'entretien qui rentrent dans les prix de revient réels. A la liquidation, il se trouve qu'en réalité le fonds qu'on possède, et qui est amorti en tout ou en partie, ne représente, en fin de compte, qu'un bénéfice dont la distribution a été suspendue, différée, et dont la liquidation fournit « la quotité. » Cela ne saurait figurer dans des prix de revient comparables (?).

M. Frédéric HARTMANN, de Munster, présente quelques observations en réponse à ce qu'il appelle la théorie « toute nouvelle »>< qu'on vient de voir se dérouler. Si l'on s'en tenait à cette théorie, qui substitue l'entente « des opérations commerciales,» sinon même la spéculation, élément fort aléatoire, « aux conditions économiques du travail industriel, » on prononcerait la condamnation de l'industrie elle-même. Il y a mieux, ajoute M. Hartmann, dans ce système, l'industriel disparaît pour céder la place au simple commissionnaire.-M. Raoul Duval déclare que sa pensée est ici mal comprise, dénaturée, et il se réserve de le démontrer dans la séance qui va suivre. C'est ce qui avait lieu, en effet, au début de cette séance, où M. Duval rétablit sa pensée tout entière. Il s'applique à faire voir qu'un homme qui cherche à acheter au prix le plus bas possible, et à réaliser le fruit de son travail aux meilleures conditions, n'est pas un « spéculateur; » il fait au contraire, chose louable et utile à son pays. C'est là un effort moral. Il en est tout autrement de celui qui, gardant toutes ses chances de gros bénéfices industriels et commerciaux, cherche à diminuer ses faibles chances de perte en faisant frapper d'un droit « très-élevé » les produits rivaux venus de l'étranger. C'est imposer le consommateur auquel on fait payer ces mêmes frais. Cela n'est ni juste ni moral. En conséquence, le déposant persiste dans ses précédentes déclarations.

Le déchet, que M. Raoul Duval, parlant du prix de revient, a dit ne pas constituer une perte sèche, fournit à M. Feray l'occasion d'entrer à cet égard dans quelques développements. Il distingue deux déchets celui employable et celui qui aboutirait à une perte sèche. Mais comme, sur l'observation de M. de Forcade, l'hono

rable déposant reconnaît que ce qui a lieu chez nous se rencontre également en Angleterre, la distinction reste par cela même sans intérêt. M. Feray croit d'ailleurs savoir que la maison Guillou, au nom de laquelle M. Raoul Duval a formulé une théorie que le déposant repousse, aurait joint à sa filature l'achat et la vente des déchets des établissements voisins, ce qui expliquerait des chiffres relativement considérables dans un établissement « peu important » (1).

Cette particularité des déchets paraît vivement préoccuper M. Géliot, membre de la commission d'enquête et intéressé, comme filateur, dans la question. Cet honorable commissaire estime, avec M. Feray, que le chiffre des déchets accusé par M. Raoul Duval est trop élevé pour ne pas devoir être uniquement attribué à « un commerce spécial. » Cela ne saurait être confondu avec les résultats mêmes d'une filature. Il s'appuie ici de sa propre expérience, et donne des chiffres qui se dérobent, d'ailleurs, à tout contrôle. M. Géliot perd, ce semble, de vue qu'il est membre d'une commission d'enquête; il prend à partie M. Raoul Duval, discute ses hypothèses et ses chiffres avec la liberté dont pourrait user le simple particulier défendant pied à pied son industrie. « A Mulhouse, débute M. Géliot, il y a des maisons considérables qui spéculent sur les déchets; quant aux miens, je les vends à la même maison depuis plusieurs années et mois par mois » (!!!).

M. Feray, qui reprend le cours de ces nouvelles observations, est d'ailleurs amené à reconnaître, sur l'interpellation de M. KolbBernard, qu'en Angleterre les choses se passent exactement comme l'a exposé pour la filature, dans laquelle il est intéressé, M. Raoul Duval « les fabricants sont obligés d'être négociants. » Seulement, l'honorable industriel déclare que la France est placée, sous ce rapport, dans des conditions de réelle infériorité, vu qu'on n'y est pas en contact journalier avec un grand marché tel que celui de Liverpool. M. Feray faisant ici intervenir les télégrammes, il semble que ce moyen supprime également pour chacun l'inconvénient de la distance? M. Géliot reconnaît d'ailleurs l'exactitude de ce que dit ici M. Feray sur le fabricant anglais doublé d'un négociant,

[ocr errors]

(1) Si l'on veut se reporter aux chiffres mêmes des déchets mentionnés par M. Raoul Duval et que relève in extenso le compte-rendu sténographique, on verra que ces rebuts n'ont rien d'excessif. Ils varient, en effet, entre 10 et 12 0/0 du prix de la matière brute, ce qui ressort parfois, d'après M. Feray lui-même et (de l'aveu de M. Géliot, à 14 et 15 0/0 comme matière employable.

3 SERIE, t. XXII, 15 avril 1871.

P. C.

ce qui laisserait intacto la thèse de M. Raoul Duval. Le débat clos sur ce point, M. Gaillard, appelé à déposer, demande à placer une observation à propos de ce qu'aurait dit M. Raoul Duval du prix de la broche dans la filature Guillou. Seulement, il ne s'agirait point ici de 70 fr. par broche, comme paraît le croire l'intervenant, mais d'un prix bien moindre, soit 56 francs.

M. LAUMALIER, filateur et retordeur à Saint-Germain-en-Laye, qui est ensuite admis à déposer, se réfère en grande partie aux déclarations de M. Feray. Il s'étonne seulement que la protection accordée à la retorderie soit inférieure à celle dont jouit la filature, eu égard aux diverses opérations et à la main-d'œuvre que l'une et l'autre exigent. Le tarif serait tout à fait « anormal. » Aussi le déposant est-il constamment en perte. Constitué pour utiliser un plus grand nombre de broches, il a dù s'arrêter à moitió chemin dans son installation.

M. DELAVALLÉE, retordeur et filateur, fixé à Paris, avec fabrique. à Pantin de 2,000 broches, outre les 3,000 qu'il exploite à Livet, dans l'Eure, succède à M. Laumalier, dont il reproduit en partie les plaintes. Avec des frais d'établissement et d'entretien semblables et quelquefois supérieurs à ceux de la filature, le déposant s'étonne de ne pas jouir d'une protection égale. Il entre à cet égard dans des détails qui tendraient à prouver que plus le nombre de fils s'accroît dans le retors, moins le tarif est avantageux et équitable; il resterait le même quand la dépense augmente. D'où un écart avec le simple filé, de plus en plus marqué. Ce qu'il demande, c'est une protection de 10 1/2 à 11 0/0, au lieu des 6 0/0 qui existent. Moyennant ce supplément, la lutto est possible. Il ressort de sa déclaration cette particularité notable, qui sera d'ailleurs plus accentuée dans les dépositions de Falaise et de Troyes, que M. Delavallée s'approvisionne exclusivement en France de filés, soit pour les gros numéros, soit pour les numéros fins. L'Alsace lui fournirait ces derniers. Du reste, il existe un écart de 15 à 20 0/0 entre les prix français et les prix suisses. La confiance que lui inspire la fourniture nationale fait qu'il lui donne la préférence. Ce sont les maisons Nicolas Schlumberger et Ce, Boucart et autres, qui, en Alsace, filent le no 150. M. Delavallée voudrait, comme de précédents déposants, voir l'Anglais soumis au métrage que subit forcément l'industrie française. C'est une question d'égalité qui s'impose. Il voudrait, de même que plusieurs de ses confrères, voir les colonies soumises au régime de la métropole quant aux droits d'entrée.

Les dépositions de MM. LEGUAY-LEBAILLIF, filateur, et Émile

GAUTIER, fabricant de bonneterie à Falaise, tons deux délégués, l'un par la bonneterie de cette localité, l'autre par le comité industriel de Condé-sur-Noireau, et qui joint à ce titre celui de président de la chambre des arts et manufactures de Falaise, ont mis particulièrement en relief les points ci-après :

1° M. Leguay-Lebaillif trouve insuffisantes, à plusieurs égards, les bases du tarif proposé par M. Lamer pour ce qui regarderait la Basse-Normandie. Il faut une protection relativement plus forte, en suite des écarts qui se rencontrent tant sur le prix du combustible qu'à l'endroit des frais d'installation. M. Lamer aurait même commis plus d'un oubli dommageable à l'industrie de Condé-surNoireau. Ces lacunes et ces redressements considérés, M. LeguayLebaillif conclut en fusionnant pour plus de facilité les deux tarifs, à une protection de 14 0/0. Ce chiffre pourra surprendre la commission; mais cet impôt est nécessaire autant que légitime dans l'ordre d'idées qui admet la charge de la conscription. Les États-Unis, au surplus, nous donnent ici l'exemple. Suivent des considérations générales déjà exposées au cours de l'enquête dans ce même sens.

2o Quant à M. Émile Gautier, qui déclare se placer à un autre point de vue que la bonneterie de Troyes, il attaque surtout comme illusoire le tarif actuel. Les fausses déclarations seraient fréquentes. Avec M. Delavallée, il constate que les filés achetés directement aux filateurs sont exclusivement français, et « ce serait le plus grand nombre. » Mais la Saxe fait une désastreuse concurrence à la bonneterie; cela s'est accru en quatre ans dans la proportion de 11 0/0. L'écart en faveur de ce pays n'est pas moindre de 30 0/0; cela tient surtout au prix plus élevé, chez nous, de la main-d'œuvre et des transports. Seulement, lorsqu'il est pressé de faire connaître où et comment il s'approvisionne des filés qu'il emploie, le déposant se rejette sur l'intervention du commissionnaire pour ne rien préciser à cet égard. Il ne connaît pas la provenance des filés qu'il achète. Quant à ses concurrents, ils peuvent, comme lui, acheter des filés suisses, sans savoir positivement d'où cela vient. C'est là affaire au commissionnaire, et M. Gautier ne sait pas davantage quel est l'écart habituel du prix de vente entre les filés suisses et le filé français. Tout ce qu'il peut affirmer, c'est la nécessité d'une protection plus forte en faveur de la bonneterie. Le droit compensateur ad valorem ne devrait pas être moindre de 25 0/0. Le déposant revient à diverses reprises sur le tort que font à cette industrie les fausses et doubles déclarations. Il croit que la facture qu'on exigerait du fabricant constituerait une garantie insuffisante, quoique à certain point efficace. Si l'exportation dépasse notablement l'importation, il n'en est pas moins vrai que celle-ci vient niveler

les prix au dedans et les forcer à se déprimer. C'est affaire de prixcourants, non de quantités.

BONNETERIE DE TROYES: FILATURE.

MM. FONTAINE et DOUINÉ,

tous deux membres de la chambre de commerce; le dernier prend en outre le titre de délégué de la filature et de la teinturerie. Comme filateurs, ils fournissent spécialement les filés destinés à la bonneterie. De leurs déclarations ressortent les faits et articulations qui suivent:

1° La filature présenterait dans l'Aube un accroissement d'outillage et de production incontestable, eu égard aux états statistiques de 1860. Là, où l'on comptait par exemple 60,000 broches, on en compte aujourd'hui près de 81,000, dont près de la moitié en selfactings au lieu du vingtième. La consommation de la bonneterie en cotons filés aurait augmenté, dans le même temps, de plus d'un quart. Ces colons sont demandés presque exclusivement, c'est-à-dire à 15 0/0 près, au marché intérieur, Alsace, Normandie ou ville de Troyes elle-même, qui figurerait là par 23 0/0. Néanmoins, on se plaint vivement de la concurrence suisse, laquelle serait très-favorisée,-sans parler des déclarations fausses,-par des écarts de prix dans la maind'œuvre, les prix de transport, le système d'impôts, toutes choses qui élèvent notablement le prix du coton et du combustible.-Cette question des transports en Seine et des tarifs de chemins de fer revient ici, comme en Normandie, pour se placer au premier rang. On demande d'ailleurs, au Havre, assez généralement la matière première, quoique les frais de transport et accessoires nivèlent le prix avec Liverpool. MM. Fontaine et Douine s'associent donc aux doléances du Nord, dont ils approuvent le programme, Troyes ayant dû réduire en dernier lieu sa production de filés évincée par les filateurs d'Alsace, qui souffrent à leur tour de la concurrence anglaise pour les numéros fins.-La tarification, défectueuse autant qu'insuffisante, procède par des séries qui devraient comprendre moins de numéros. Quoique ne souffrant pas directement des admissions temporaires en franchise, les déposants combattent ce système au point de vue de l'intérêt français, et ils reproduisent ici les arguments déjà connus. Quant aux prix comparés du filé français et étranger, M. Fontaine se déclare impuissant à l'établir exactement, de même que ses confrères d'Alsace ou de Normandie : là-dessus l'ombre reste des plus épaisses. Tout ce qu'il peut dire, c'est qu'on souffre d'une concurrence « désastreuse. » Impossible, en conséquence, de se bien fixer sur les prix de revient au dehors. Du reste, le prix de revient ne règle pas le prix de vente; c'est la facilité d'écoulement qui est déterminante; M. Fontaine s'étend

« ZurückWeiter »