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quoi du moment que les titres extérieurs doivent profiter des deux conditions sus-mentionnées, exemption d'impôt et service en sterlings, deux avantages auxquels ne saurait participer l'ancien 3 0/0, il convient que le nouveau fonds à émettre ne se confonde pas avec l'ancien fonds déjà placé. Il faut un type différent, un 3 0/0 par exemple.

La création du 5 0/0 se recommande encore par cette autre raison très-importante, que le prix d'émission ne serait pas (comme cela arriverait si on créait du 3 0/0), très-éloigné du pair, et que par conséquent si, dans un avenir qui certes n'est pas prochain, mais qui n'est pas impossible, l'État voulait rembourser au pair les titres émis, il aurait à supporter un bien moindre préjudice en remboursant (au pair de 100) 5 de rente émis au-dessus de 80, qu'à devoir rembourser (au même pair de 100), 3 de rente émis au-dessous de 50.

Qui fera l'émission à Londres? M. Cernuschi est convaincu que l'on pourrait s'adresser directement au public britannique, sans passer par les contractors habituels. L'opération est si colossale que le concours des banquiers, utile dans les affaires ordinaires, serait ici ou superflu ou impuissant. Très-probablement la Banque d'Angleterre ne refuserait pas de recevoir, pour compte du Gouvernement français, les fonds à verser par les souscripteurs, et trèsprobablement ce grand établissement tiendrait à honneur de faire ce service contre une rémunération d'autant plus modique qu'elle porterait sur des sommes très-considérables. Il va sans dire que la souscription du 5 0/0 extérieur aurait lieu en France en même temps qu'en Angleterre, aux mêmes conditions et suivant le change du jour, soit pour les versements à encaisser, soit pour les arrérages à servir.

L'Allemagne souscrira et souscrira beaucoup. Faut-il en rougir? faut-il l'empêcher? Exclusion maladroite, ostracisme impossible. Plus il y aura de souscripteurs, plus le fonds français aura de valeur. Et qui pourrait empêcher l'Allemand, même le Prussien et le Berlinois, d'acquérir à Londres des rentes françaises? L'Allemagne étant créancière et la France débitrice, celle-ci n'a pas même la possibilité de repousser les avantages qui résultent nécessairement pour elle de la compensation indirecte entre l'argent que l'empire d'Allemagne doit recevoir et l'argent que les Allemands voudront prêter à la France sur le marché de Londres.

M. Wolowski désire ajouter aux observations qu'il a déjà présentées et en réponse à quelques opinions qui viennent d'être exprimées. S'il y a, dit-il, des décisions vigoureuses à prendre, il est aussi

des écueils à éviter; il faut résister à la séduction facile de certains moyens empiriques qu'on ne manquera pas d'évoquer.

De ce nombre sont des mesures de violence qui nous feraient verser du côté des abus despotiques de l'ancien régime; la France n'a connu que trop les prétendus redresseurs de torts, qui ont ruiné ses finances et amené en grande partie la première révolution par d'odieuses mesures, violant la foi des contrats, la propriété et la justice. Ce sont des abus dont un régime de liberté doit s'affranchir. L'Amérique nous donne un admirable exemple de ce que peut la ferme résolution d'accomplir fidèlement ce qu'on a promis. Elle a vu relever son crédit, parce que la première, après un violent ébranlement politique, elle a courageusement accompli les engagements même les plus onéreux. Elle a tout payé, et elle rembourse en or une dette contractée en papier, en subissant une perte colossale, dont le Trésor sait se relever par la puissance accrue du crédit.

Cette perte provient surtout de l'emploi du papier-monnaie, dont la multiplication avait amené la dépréciation rapide. Gardons-nous d'une pareille faute, empêchons nos billets de Banque de degénérer en assignats. La facilité apparente de la création de cette triste ressource conduit à l'emprunt le plus onéreux de tous, car, contracté quand le cours du billet tombe bas, il doit être remboursé quand la circulation normale se trouve restaurée, et avec d'immenses sacrifices.

Gardons-nous aussi de relever les barrières jalouses des douanes, qui énervent l'industrie, sous prétexte de la fortifier, et qui font peser un lourd impôt sur le travail.

Gardons-nous des chimères ruineuses de l'impôt progressif, qui tue la moisson dans le germe, en décourageant la formation du capital et par suite la multiplication des instruments de la production. Tout capital créé est un appel au développement du travail; en empêchant le capital de naître, on appauvrit avant tout l'ouvrier.

C'est à d'autres mesures qu'il faut faire appel pour délivrer le pays, en soldant sa dette; subissons, puisqu'il le faut, de pénibles sacrifices, mais conservons ce qui constitue la force vitale, et la vis medicatrix, et nous pourrons espérer un meilleur avenir.

INCONVENIENTS

DU SYSTÈME DES DETTES PERPÉTUELLES (1)

En principe, les dettes perpétuelles sont iniques; car elles aliènent la fortune et la liberté des genérations à venir sans leur consentement. En fait, elles sont désastreuses et mettent en péril l'honneur du pays qui les contracte. Le service d'une dette qui ne doit jamais diminuer et qui peut toujours augmenter finit par absorber toutes les ressources du débiteur, et la banqueroute devient inévitable. La France ne doit plus s'exposer à une pareille honte.

Deux nations qui jouissent d'un grand crédit, l'Angleterre et les États-Unis, amortissent régulièrement leurs dettes, et la seconde n'a pas de dette prétendue perpétuelle.

Il conviendrait donc que la France répudiât le principe faux et immoral des dettes perpétuelles. Il conviendrait ensuite qu'elle se préparât à marcher résolûment et rapidement vers l'extinction complète de sa dette ancienne et de celle qu'elle va contracter.

Quoi qu'en aient dit des financiers officiels, plus désireux de justifier leurs pratiques que de respecter les principes universels de la science et du sens commun, une dette n'est pas plus utile aux peuples qu'aux individus, et tout ce qu'elle prend de capitaux est détourné de l'industrie privée qui en a tant besoin. Tout au plus peut-elle servir à enchaîner à la politique des mauvais gouvernements la masse intéressée et peureuse des rentiers. D'ailleurs, elle constitue l'élément principal d'une spéculation effrénée qui n'a pas peu contribué, dans ces derniers temps, à la démoralisation de notre malheureux pays.

Pour marcher aussi rapidement que possible à l'extinction de sa dette, la France a des mesures à prendre que tout le monde comprend plus ou moins; mais il en est une à laquelle personne ne songe, à ce qu'il semble, dont l'importance cependant est exceptionnelle, dans les circonstances actuelles surtout. Elle consiste à renoncer à la pratique ruineuse des emprunts, qui dissimulent le véritable taux de l'intérêt payé par la nation.

(1) Pétition adressée au président de l'Assemblée nationale, à Bordeaux, le 6 mars, par un de nos collaborateurs, M. Th. Mannequin.

Cette pratique a pour conséquence d'ajouter à la dette publique des sommes énormes que la nation ne reçoit pas et qu'elle devra payer. Le dernier emprunt contracté par l'empire n'a rapporté ou ne rapportera au Trésor que 60 0/0 environ du capital inscrit sur le Grand-Livre. L'emprunt contracté à Londres par le Gouvernement de la Défense nationale est moins onéreux sous ce rapport, grâce au taux plus élevé de l'intérêt qu'il reconnait; cependant il ne rapportera encore au Trésor que 75 0/0 du capital reconnu.

On voit que plus le taux nominal des emprunts est bas, plus la perte est grande sur la masse du capital reconnu. A ce compte, la tendance des gouvernements antérieurs de la France à ramener la dette au taux uniforme de 3 0/0 a été funeste à nos finances.

Si on récapitulait toutes les pertes que la pratique en question a imposées au pays depuis l'établissement de notre Grand-Livre, on trouverait peut-être que nous n'avons pas touché effectivement les deux tiers de notre dette actuelle. D'autres pays en Europe n'ont certainement pas touché la moitié de ce qu'ils doivent. Dans les circonstances actuelles, nous sommes exposés à leur ressembler, du moins pour les emprunts nouveaux que nous avons à faire. L'industrie privée se ruinerait infailliblement si elle procédait pour son crédit comme nos financiers. On peut même croire qu'un commerçant failli dont les livres porteraient la trace de procédés analogues serait traduit en cour d'assises sous l'inculpation de banqueroute frauduleuse.

Une pareille pratique se justifie quand l'augmentation du capital est compensée par la diminution de l'intérêt; mais elle n'a pas cette justification dans nos finances, puisque nos emprunts se sont toujours faits à un taux réel assez élevé relativement. Au taux réel de tous nos emprunts passés, nous avons perdu sur le capital sans gagner sur les intérêts.

Quoi qu'il en soit, cette pratique est déplorable, pour ne pas dire honteuse, et il faut y renoncer. J'ai donc l'honneur de soumettre à l'Assemblée nationale l'examen d'une mesure ayant pour but de déclarer législativement, sinon constitutionnellement :

Que tout emprunt public sera désormais temporaire et ne chargera le Grand Livre que du capital effectivement touché par le Trésor.

Si les circonstances sont difficiles, l'intérêt de nos emprunts subordonnés à cette mesure sera élevé; mais, en réservant pour le débiteur la faculté, de droit commun, de rembourser son créancier au pair et à volonté, de nouveaux emprunts feront rentrer nos fonds publics dans les conditions les plus avantageuses du crédit, pour y rester jusqu'à parfait remboursement. De cette manière, d'ailleurs, on épargnera à l'État la responsabilité des anciennes conversions,

qui n'étaient, en somme, qu'une violation du principe essentiellement réciproque des contrats.

Ce système d'emprunt aura encore l'avantage incalculable de mettre un frein aux spéculations aléatoires de la Bourse, en ce sens qu'il amoindrira considérablement l'élasticité provocatrice des cours de la rente. Il y a quelques jours notre 3 0/0 était à 50. Il pourrait monter jusqu'à 100. Le champ de ses variations s'étend done de 50 à 100. Quel appas pour la spéculation! Le 4 1/2 n'est pas descendu au-dessous de 75. Le champ de ses variations est, par conséquent, moins étendu de moitié. On a souvent demandé à quoi tient la faveur dont jouit le 3 0/0 sur le marché des fonds publics; cette différence l'explique suffisamment.

A l'exception des joueurs malhonnêtes, tout le monde gagnerait à ce que l'aléa des opérations de bourse diminuât, et la moralité publique y gagnerait énormément.

Les gros banquiers, souscripteurs ordinaires des emprunts publics, pourraient sculs entraver aujourd'hui la réforme que je propose; mais on triompherait de leur résistance, dût-on pour cela leur accorder momentanément un plus gros intérêt; peut-être, au besoin, pourrait-on se passer de leur concours. L'empire tombé s'en passait, et, certes, il ne devait cette bonne fortune ni à sa prudence ni à sa moralité.

D'ailleurs, il n'est pas dit que les gros banquiers soient incapables de générosité et de dévouement au progrès. D'ailleurs aussi, pour un d'eux qui se refuserait à la réforme, cent petits se montreraient disposés à l'accueillir. D'ailleurs enfin, en signalant à l'opinion les motifs égoïstes de leur résistance, on éveillerait chez eux des craintes salutaires qui devraient bien inspirer aujourd'hui tous les hommes politiques. Le temps vient, il faut l'espérer, où l'opinion publique, plus éclairée et plus soucieuse de ses vrais intérêts, pèsera d'un poids sérieux et efficace sur les actions de ceux qui peuvent tant pour le malheur de l'humanité.

Il appartient à une Assemblée véritablement nationale de prendre l'initiative d'une réforme que réclament de concert l'intérêt général, la légalité et la morale, ces trois fondements universels de la prospérité des peuples.

Ramener ensuite toute la dette à ce système d'économie et de loyauté ne serait pas impossible; ce serait même opportun; mais c'est une question qu'il faut réserver pour le moment.

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