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SOMMAIRE DE LA SÉANCE D'OUverture.

Déposition de M. Aug. Dollfus, filateur à Mulhouse. Pertes, depuis 1871, dans la filature et le tissage réunis. La guerre d'Amérique, la cherté du coton et la concurrence des tissus de laines expliquent en grande partie cette perte. Mauvaise application du nouveau régime économique, aggravée par le système des admissions temporaires en franchise. De faibles modifications aux tarifs existants atténueraient le mal. Statistique de la filature et du tissage dans l'Est; prix de revient, comparativement à la Suisse. Explications fournies par MM. Jean Dollfus et Steinbach, sur la portée de l'admission temporaire à l'endroit des jaconas: données statistiques. Argument tiré par M. de Forcade la Roquette du mémoire de la chambre de Saint-Pierre-lès-Calais. Intervention au débat de MM. Noblot et Steinheil. Question de M. Deseilligny, sur la hausse comparée des salaires en Alsace et en Suisse : réponse contradictoire de MM. A. Dollfus et Sporry.

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Déposition de M. Jean Schlumberger, filateur à Guebwiller (Haut-Rhin). - Infériorité de l'Alsace vis-à-vis de la Suisse dérivant d'une triple cause. Trois moyens pour égaliser les conditions. Déposition de M. Aimé Seillière, filateur et tisseur des Vosges trois groupes distincts.- Nombre de broches auquel répondrait l'introduction, à l'acquitté ou en franchise, du coton manufacturé.-La Suisse plus redoutable pour l'Alsace que l'Angleterre.- Vieil outillage des Vosges transformé inconsidérément. Travail trop éparpillé dans les Vosges et rendement médiocre. Fabrique du déposant en perte depuis cinq

années.

Déposition de M. Claude, représentant de la maison J.-A. Gehin à Saul

sures filature et tissage; le prix des transports élevant considérablement celui du combustible, et influant sur l'industrie en général d'une manière capitale; de là, en grande partie notre infériorité.-L'ancien outillage conservé, d'où plus d'un mécompte évité à Saulsures.

La première déposition entendue est celle de M. Aug. DOLLFUS, de la maison Dollfus et Mantz de Mulhouse. Les déclarations qui vont suivre ont cela d'important que M. Aug. Dollfus, se présente en outre comme président du syndicat de la filature et du tissage de la région de l'Est (1). L'honorable déposant appelle tout d'abord

(1) Il ne faudrait pas supposer que le groupe présidé par M. A. Dollfus représente toute l'industrie cotonnière de l'Est. A côté et en dehors

l'attention de MM. les commissaires sur la « situation malheureuse» des industries dont s'occupe sa maison, et sur les pertes qu'elle « subit» depuis un certain nombre d'années.

M. Aug. Dollfus déclare que le rendement du coton brut représente moyennement 75 à 85 kil. de filés par 100 kil.; la perte de la filature et du tissage réunis équivaudrait, depuis le mois de juillet 1861 jusqu'au mois de janvier 1870, à 25 centimes en moyenne par kil. Il prend pour base la chaîne 27/29 de la trame 36738, comme filés, et comme tissage les 60 portées 16 fils. Il n'est fait acception dans ce calcul ni des frais de commission, ni de ceux de courtage, « ni des frais de vente ». La spéculation sur la matière première, jointe aux profits antérieurs, aurait pu seule atténuer le mal. L'honorable président du syndicat des filateurs et des tisseurs de l'Est explique par diverses causes cette perte.

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Il met au premier rang la guerre d'Amérique avec les hauts prix et les fluctuations qui se sont produites sur le marché à la suite de ce grave conflit; la concurrence de la laine qui a dû influencer « par ses bas prix » les manufactures de coton; la concurrence du lin, « à un certain moment; » enfin, sans parler d'autres causes, les inquiétudes politiques... Il est d'ailleurs pour lui évident que le nouveau régime économique « a été particulièrement défavorable» aux filateurs et tisseurs de l'Est. Ce régime serait singulièrement aggravé par les admissions temporaires en franchise. Ce n'est point tant contre le nouveau régime économique qu'on s'élève dans l'industrie représentée par M. Aug. Dollfus que contre l'application qui en a été faite.» Des modifications de tarifs, «peu considérables en somme, » donneraient ici pleinement satisfaction.

Pour établir l'état d'infériorité de l'industrie dans l'Est, comparativement à la Suisse, l'honorable industriel a formé un tableau statistique qui est le résultat du questionnaire adressé « à l'immense majorité des industriels» de la région de l'Est. Voici les chiffres qui en ressortent.

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Nombre de broches, 2,140,000 exploitées ; métiers à tisser mécaniques, 50,000. On a eu soin de relever à la suite le prix de revient par broche et « par an» pour 1,600,000 broches ainsi que pour 33,000 métiers à tisser.-M. Groshens, qui sera entendu,

de ce syndicat, les fabricants d'impression sur tissus du Haut-Rhin, dont plusieurs joignent à cette industrie celle de la filature et du tissage, se sont également constitués en un groupe important, dont M. Jean DOLLFUS a la présidence. C'est là encore un syndicat qui a son siége et son centre dans l'Est.

aurait fait d'autre part un travail analogue en Suisse « pour un certain nombre de filatures et de tissages.» Les indications qui seront par lui fournies présentent un caractère « de certitude» incontestable.

Cela posé, voici les chiffres auxquels on arrive dans chaque pays: Main d'œuvre par 100 broches et par jour dans l'Est, 1.86; intérêts et amortissement d'un capital représentant 45 fr. pour chaque broche, 1.50, toujours par 100 broches « et par jour; » frais généraux, 1.70, soit un total de 55.06. Cela donnerait 15 fr. en somme « de frais généraux par broche et par an. » Ce chiffre serait suscep→ tible de quelque atténuation, mais il dépasse 14 fr.

En Suisse, les frais ne vont pas à plus de 10 fr. par broche et par an, d'où un écart minimum de 4 fr.-Pour le tissage, voici ce qu'on remarque en Alsace ou dans les Vosges de même qu'en Suisse :

Main d'œuvre par métier et par jour, 1 fr. 59; intérêt et amortissement, 0.33 cent.; frais généraux, 0.70; soit un total de 2 fr. 52. Cela donne 756 fr. par métier et par an.

La Suisse ne dépense ici que 501 fr., l'année de 300 jours, soit 1.67 par métier et par jour; ce serait donc 255 fr. de moins que dans l'Est.

La première cause d'infériorité résulterait, suivant M. Auguste Dollfus, de ce que la Suisse possède « des moteurs hydrauliques» — auxquels ne sauraient s'égaler ceux de même nature dont l'Est fait usage. Prix maximum d'un cheval hydraulique, 500 fr., tandis que 1,000 fr. est le prix minimum d'un cheval vapeur. Il s'élève parfois jusqu'à 1,300 fr. De là résulterait une infériorité de 50 cent. par broche et par an « pour le loyer seul du moteur à vapeur vis-àvis du moteur hydraulique. » — Il faut ajouter à cela pour la main d'œuvre 1.75 de différence par métier et par jour en faveur de la Suisse, outre celle résultant du prix du combustible qu'on peut porter ici à 1.80.

Le prix d'acquisition de la matière première donne enfin lieu à d'autres écarts, à raison surtout des frais de transport. La Suisse paye généralement moins de 60 fr. la tonne pour le transport de ses cotons, soit 40 à 55 fr. suivant qu'on les prend à Hambourg, Brême ou Liverpool. L'Alsace tire surtout ses cotons de l'inde, d'Angleterre, préférablement au Havre. En s'adressant à Londres et passant par Anvers, l'Est ne paie la tonne que sur le pied de 54 fr., au lieu de 80 que cela coûterait si l'on allait acheter au Havre.

De ce chef seulement ressort un excédant de prix, eu égard à la Suisse, de 30 c. par broche et par an. Tout cela dépasserait les 4 fr. d'écart plus haut signalés.

Une autre cause d'infériorité résulte du chiffre de l'impôt et du

poids que la conscription fait peser sur l'industrie. Mais alors qu'on égaliserait à ces divers titres la condition de travail des deux pays, l'infériorité résultant notamment de l'existence et du nombre des cours d'eau est telle, qu'il y a là une inégalité destinée à persister, quoi qu'on fasse. Cela tient à la nature des choses (!!). »

Il convient de ne point passer légèrement sur de telles déclarations; elles se rencontrent à chaque page de l'enquête, et là-dessus chacun paraît d'accord.

Le nombre d'ouvriers filateurs et tisseurs utilisés dans la région de l'Est serait de 60,000; il en résulte un salaire annuel de 30 millions de francs.

Quant aux observations à faire sur le tarif, notamment des filés de coton, le déposant pense que, pour les gros numéros au-dessous du no 24, et où il entre peu de façon, mais beaucoup de matière première, les prix, avec la Suisse, sont à peu près en équilibre comme coût de production. L'écart est en raison directe du rôle que joue la main-d'œuvre. On peut même aller ici jusqu'au n° 28, du moins pour ce qui concerne l'Alsace. Du reste, l'honorable déposant prie la Commission de se reporter au tarif qui sera annexé à ses déclarations.

Interrogé sur le point de savoir quelle est « approximativement >> la quantité de filés étrangers qui entre dans l'Est, et quels numéros M. Aug. Dollfus se borne à accuser, pour 1869, l'introduction de 577,408 k., donnant « en moyenne » le no 50. Cette quantité représenterait « à peu près » la moitié de ce qui se produit par an « en n°50 » dans tout le rayon de l'Est.

Les filés fins suisses étant favorisés par des tarifs insuffisants au préjudice de la production nationale, l'Alsace se serait rejetée sur la filature des numéros « plus gros,» auxquels s'adonnait auparavant d'une façon spéciale la Normandie. De là, une production qui a interverti les rôles. L'Alsace ne peut même plus, comme autrefois, fournir à Tarare, à Saint-Quentin des filés fins qu'on tire maintenant d'Angleterre. Quant à l'introduction des tissus étrangers, son influence est de même nature que celle des filés; outre que le régime de l'admission temporaire est là une circonstance aggravante, cette introduction en franchise « réglant le cours » du marché des tis

sus.

L'Alsace emploie pour deux tiers environ de coton d'Amérique. Pris au Havre, le transport de ces cotons revient pour Mulhouse à 68.35 au lieu de 50.30 qu'ils coûtent à la Suisse, pour arriver à Bâle. La différence de 18,05 qu'on remarque ici provient presque en entier, par 17,26, de l'élévation du tarif de la Compagnie de l'Est. M. Dollfus explique comment, malgré les droits d'entrée affectant

la marchandise qui est fournie par les entrepôts d'Europe, il y aurait avantage à tirer ces cotons d'Angleterre, ce marché, mieux fourni, étant « le marché régulier (?) »

Le moteur hydraulique intervient en Alsace dans la proportion du tiers comparativement à la vapeur, avec chômage de quatre mois au minimum (?)

Le cheval vapeur coûterait en somme, eu égard à ce qu'il produit par broche ou par métier, «sept fois plus que le cheval hydraulique.»> Il faut remarquer d'ailleurs que la consommation de la houille augmente en raison sensible de la finesse de numéro des filés. La durée de travail est de douze heures, avec un salaire moyen qui ressort aujourd'hui par jour à 2.30. Ce salaire s'est accru de 30 0/0 en dix

ans.

A certaines questions importantes figurant au no8 du Questionnaire: «Quels sont, en ce moment, les prix des filés que vous fabriquez? Quel est le prix des similaires dans les pays voisins? Quels étaient les prix des fils français et étrangers avant 1860? » L'honorable président du syndicat des filateurs et des tisseurs de l'Est déclare ne pouvoir répondre. Il explique cela par « les variations journalières » qui se produisent (!). Un membre de la Commission, M. de FORCADE la Roquette, insistant pour qu'il soit au moins fourni « le prix moyen » du mois courant et ceux de l'année précédente « mois par mois, » M. Auguste Dollfus s'engage à donner sur ce point pleine satisfaction.

Du décompte fait du coût d'un kilogramme de coton filé, chaîne 28, coton Amérique pur ou demi-Inde, il résulte que la fabrication serait en perte dans les deux cas. La différence en faveur de la Suisse irait à 25 0/0, soit 11 0/0 sur la main-d'œuvre et 14 0/0 pour les frais généraux. Pour ce qui est de l'amélioration de l'outillage à partir de 1860, M. A. Dollfus reconnaît que le nouveau régime « est pour beaucoup dans les progrès accomplis. » Quant à la portée du système des admissions temporaires en franchise, elle a consisté «‹ à annihiler les droits » portés aux tarifs. La suppression de ce « privilége» aura pour effet de développer l'exportation de l'industrie française en favorisant plus particulièrement la vente « des produits recherchés par les classes aisées » et faisant ici l'inverse des Anglais qui s'adressent «aux masses »>par le bon marché. (?) Le déposant reconnaît qu'au-dessus du n° 50 on a généralement recours aux filés suisses. Cela a détruit presque entièrement cette portion de la fabrique indigène. Comparant le prix de revient et le prix de vente de 100 mètres 70 portées à 21 fils, pris entre plusieurs sortes de tissus, l'honorable déposant conclut à un écart ou perte moyenne de 3.51, soit environ 7 0/0.

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