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richesses de ses gisements; les groupes du Gard et de Saône-et-Loire comptent chacun pour 2 millions de tonnes, l'Aveyron et le Tarn, pour un peu moins de 1 800 000 t; la productivité de ces bassins, jusqu'ici restreinte par leur éloignement des centres de grande consommation et les tarifs élevés des chemins de fer, tend à se développer.

Le vieux bassin de Commentry est presque épuisé, et les centres houillers de l'Allier, du Puy-de-Dôme, de la Haute-Saône, des Bouchesdu-Rhône et du Var ne trouvent guère dans leurs gîtes restreints ou tourmentés les ressources d'un sérieux développement. C'est donc dans le prolongement en France de la branche sud du bassin westphalien qui, dès aujourd'hui, fournit les deux tiers de la production française que réside l'avenir charbonnier de notre pays. Ce prolongement, qui constitue nos bassins du Nord, a donné lieu à un ensemble de concessions s'étendant sur environ 100 000 hectares. Bien près du quart de cette surface doit être déduite comme à peu près stérile ou inexploitable, et cependant ce bassin produit 24 millions de tonnes par an.

A superficie égale, cette production est très honorable si on la compare à celles d'autres pays. Pour m'en tenir à quelques exemples tirés d'un tableau que j'ai là sous les yeux, prenons les États-Unis. Ils produisent 370 millions de tonnes (1), mais disposent de gisements qui s'étendent sur 70 millions d'hectares. Rapportés à la surface mise en œuvre, la production dans nos bassins du Nord s'élève à 240 t par hectare, à 302 t si on ne considère que le Pas-de-Calais, tandis qu'aux États-Unis, elle ne dépasse pas 5,3 t.

La Grande-Bretagne extrait 250 millions de tonnes; ses Indes noires s'étendent sur environ 1250 000 hectares; l'activité d'extraction, surface égale, y est donc moindre que chez nous.

Autre exemple encore, le bassin de la Ruhr produisant 75 millions de tonnes et s'étendant sur 300 000 hectares; le rapport des deux chiffres est à peu près le même que dans nos bassins du Nord réunis, moindre que dans le Pas-de-Calais.

Dans l'ordre historique, je pourrais aussi vous montrer que le développement de la production de notre pays peut subir la comparaison avec les autres pays producteurs, sans désavantage pour la science de nos Ingénieurs ni pour l'excellence de la loi fondamentale qui régit notre propriété minière.

Messieurs, je m'excuse de toujours prendre mes exemples dans nos bassins du Nord. Non que je méconnaisse le très grand mérite de ceux de nos confrères qui, dans des conditions souvent moins avantageuses, exploitent nos bassins du Centre et du Sud, et le font si bien que leurs mines sont à juste titre citées comme des modèles d'aménagement des travaux souterrains. Mais ma carrière s'est tout entière passée dans le Pas-de-Calais, et vous trouverez tout naturel que je revienne de préférence à des faits dont j'ai été le témoin.

Le bassin du Pas-de-Calais ne date guère que d'une cinquantaine d'années. Dourges et Courrières ont été concédés en 1852, Lens, Grenay et Noeux en 1853, Bruay et Marles en 1855, la plupart des autres mines,

(1) Chiffre de 1906.

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de 1855 à 1860. Et cependant, dans un laps de temps aussi court, il s'est placé à la tête des bassins français, faisant à lui seul près des deux tiers de l'extraction du pays.

Les difficultés n'ont pas manqué pour sa mise en valeur. Les principales ont consisté dans le fonçage des puits, le recrutement de la maind'œuvre et l'insuffisance des moyens de transport.

Les parties supérieures de la craie renferment des niveaux abondants, donnant parfois plus de 2000 m3 à l'heure; leur traversée s'est trouvée exceptionnellement difficile. Un certain nombre de fosses ont dû être abandonnées, le no 1 de Dourges, le no 1 de Marles, la première fosse de Vendin, d'autres encore, soit par la difficulté d'y installer le cuvelage, soit par l'abondance exceptionnelle des eaux qu'on y rencontrait. Je vous le disais, il y a un moment, les procédés nouveaux de fonçage sont de date relativement récente.

Une extraction journalière d'environ 60 000 t, comme c'est le cas dans le Pas-de-Calais, réclame une population du fond d'environ 60000 ouvriers et du jour de 16000. Il n'est donc pas surprenant qu'à maintes reprises, le progrès des exploitations ait été entravé par la difficulté de recruter la main-d'œuvre. Les conditions, à ce point de vue, étaient désavantageuses et le sont restées; le bassin s'est développé dans une contrée jusqu'alors exclusivement agricole et d'un sol médiocrement fertile. Il a fallu recourir à la population ouvrière des régions voisines, il faut encore aujourd'hui aller la chercher très loin et elle ne se fixe que peu à peu, à mesure que s'élèvent les cités ouvrières.

Cette question du recrutement de la main-d'œuvre reste tout à fait préoccupante: c'est vous dire avec quelle appréhension, pour leurs extractions futures, et par répercussion, pour la situation de l'industrie française, les exploitants envisagent les suites de la nouvelle réglementation dont on les menace à l'heure actuelle.

L'insuffisance des moyens de transport a surtout gêné les exploitants au début de la mise à fruit du bassin. La ligne des Houillères, d'Arras à Dunkerque, par Lens et Béthune, ne fut ouverte qu'en 1862, et certains de nous se rappellent encore les convois de voitures qui, par les routes du pays, portaient le charbon des carreaux des fosses jusqu'au canal ouvert par Vauban, dans la dépression marécageuse qui s'étendait d'Aire à Douai.

Aujourd'hui, desservies par des voies ferrées exploitées avec un talent et une largeur de vues auxquels il est juste de rendre hommage, par des voies navigables considérablement améliorées, favorisées par le mode d'établissement de la propriété minière en France, les Compagnies minières se trouvent en mesure de donner à leurs installations toute la cohésion et toute l'ampleur que leur gisement comporte. Ceux d'entre vous, messieurs, qui, sous la présidence de M. Couriot, ont, en 1904, visité les houillères du nord de la France, ont pu se rendre compte qu'une concession de mine du Pas-de-Calais, avec ses sièges voisins les uns des autres, son réseau ferré qui lui est propre, ses usines centrales de lavage de charbon, de fabrication de coke et d'agglomérés, constitue un ensemble parfaitement lié dans toutes ses parties, où les mouvements intérieurs sont réduits au minimum, qui profite de tous les avantages

de la concentration industrielle, enfin, qui peut être comparé aux établissements similaires des autres pays.

Un siège d'extraction, tel que le conçoivent les Ingénieurs des mines de houille du Pas-de-Calais lorsque le gisement à exploiter comporte une production annuelle de 500 000 à 600 000 t, comprend deux puits. de grand diamètre 5 m environ, peu distants l'un de l'autre, 25 à 40 m, armés tous deux pour l'extraction, l'un pour l'entrée et l'autre pour la sortie de l'air; à ces puits initiaux viennent, par la suite, lorsque les chantiers prennent de l'étendue et que le grisou a fait son apparition, s'ajouter un ou deux puits secondaires, creusés en des points judicieusement choisis et affectés exclusivement à l'aérage.

Autour des puits d'extraction, se groupent les services principaux du siège, leurs installations et leur matériel; près du puits d'aérage, l'aménagement succinct ne comporte guère qu'un treuil de visite et deux ventilateurs, actionnés par un courant emprunté aux génératrices d'une centrale électrique.

L'outillage des sièges est largement concu; préoccupés d'augmenter la production horaire, d'activer la circulation du personnel dont la durée de présence est limitée par la loi, obligés d'assurer les services de l'extraction et de la descente des matériaux dans un temps que les prescriptions légales rendent plus court d'année en année, les Ingénieurs ont progressivement accru la capacité du matériel et la puissance des moteurs la charge par cordée s'élève à 4 t, parfois à 6 t, la vitesse moyenne d'ascension atteint 15 m par seconde et la production dépasse 200 t par heure; des cages munies de parachutes, des dispositifs de signaux ou d'enclenchement assurent la sécurité du personnel qui circule dans les puits.

La machine d'extraction, dont la puissance est en rapport avec la profondeur des étages, le matériel d'extraction et la production horaire, réalisent, dans les plus récents modèles, le type économique de la machine à vapeur moderne ou de la machine électrique.

De puissants moteurs (300 à 800 chx), machines à pistons ou turbines, compriment à 5 kg environ l'air qui porte la force motrice dans tous les quartiers de la mine. Cet air alimente les engins de l'exploitation souterraine treuils, pompes, ventilateurs secondaires, perforatrices, haveuses et marteaux pneumatiques qui remplacent le pic du mineur et dont l'emploi se répand de jour en jour.

:

Un outillage nouveau reçoit et envoie dans les chantiers de la mine les matériaux destinés au remblayage hydraulique, heureux progrès qui améliore. dans une mesure peut-être encore insuffisamment appréciée, non seulement la conservation de la surface, mais surtout la sécurité du travail souterrain.

L'énergie, sous forme électrique, produite sur le siège même ou amenée d'une usine centrale, actionne les moteurs secondaires de la surface, les pompes souterraines, et éclaire le carreau de la mine, les locaux de la surface, les accrochages souterrains des puits d'entrée d'air ainsi que leurs abords.

Aux bâtiments qui renferment les machines et les chaudières, sont annexés de vastes ateliers de triage. des lavoirs à charbon, exception

nellement des fours à coke, le tout desservi par un faisceau de voies ferrées, constituant une véritable gare de chemin de fer.

Un ensemble de cette importance occupe de 1 500 à 2000 ouvriers, dont la moitié en moyenne, parfois les deux tiers, sont logés dans la cité ouvrière qui fait partie du siège et le complète.

Ce court résumé vous explique le coût élevé qu'entraîne l'établissement d'un siège extrayant 500 000 t, - pas moindre que 10 à 12 millions de francs, soit de 20 à 25 f par tonne extraite, suivant la profondeur du puits, les difficultés de creusement et la longueur des voies ferrées qui le relient à la ligne principale.

Cependant, Messieurs, les Compagnies houillères du Pas-du-Calais n'ont pas hésité à multiplier les sièges, afin de mettre en plus prompte valeur le gite qui leur a été concédé et faire face aux besoins de la consommation nationale. Elles y ont consacré annuellement une part importante de leurs bénéfices, 40 0/0 et plus, quelquefois la totalité; au total, dans les vingt dernières années, une somme de près de 320 millions a été dépensée en travaux neufs.

Ces sièges, outillés pour extraire de 500 000 à 600 000 t par an, sont parfaitement adaptés aux conditions de notre gisement, dont la régularité médiocre ne comporte pas les puissants organismes capables de lever un million de tonnes par un seul puits, tels qu'on les crée actuellement au nord de la Ruhr.

Nous suppléons à la puissance par le nombre; l'épaisseur des terrains de recouvrement ne dépassant guère 150 m le fonçage des puits est devenu une opération courante, sans aléas, relativement peu coùteuse; l'électricité prête son précieux concours pour le service des puits annexes. Dès lors, il est parfaitement rationnel, il est sûrement économique de rapprocher les puits plus qu'on ne fait en d'autres pays. L'exploitant n'y perd rien, bien au contraire, comme rapidité de mise en œuvre du gisement et tout en économisant les frais relativement élevés d'aérage et d'entretien, il améliore la sécurité des travaux souterrains.

On ne sait peut-être pas assez, Messieurs, avec quelle décision de mettre en prompte et complète valeur les concessions qui leur ont été accordées, les exploitants du Pas-du-Calais ont adopté toutes les applications de nature à augmenter la productivité de leurs mines pour la porter au maximum compatible avec la sécurité du personnel et la puissance du gîte qui, malheureusement, n'a rien de comparable avec la merveilleuse régularité des terrains houillers de l'Angleterre, de la Sarre et du nord de la Ruhr.

Pour attirer la main-d'œuvre et la retenir, ils ont créé de vastes et confortables cités ouvrières, complétées par des écoles, des dispensaires, des bâtiments coopératifs; ces logements largement conçus, très sains, sont entourés de grands jardins où l'ouvrier, sa journée finie, trouve une occupation et un délassement des plus agréables. Vous aurez, messieurs, une idée des dépenses que ces constructions ont entrainées par les chiffres suivants : les Compagnies logent 45 0/0 de leur personnel, elles ont construit plus de 25 000 maisons, dont l'établissement a coûté plus de 80 millions de francs.

Les exploitants ont en outre assuré a leurs ouvriers, bien avant l'intervention du législateur, le bénéfice des secours en cas de maladie et des retraites pour la vieillesse; pour faire face à leurs travaux, tenir leur matériel au courant des progrès de la science, et annexer à leur exploitation minière, de puissantes usines de transformation pour la fabrication de briquettes, du coke, des sous-produits, pour créer des voies ferrées de raccordement aux lignes principales, des rivages d'embarquement, elles ont immobilisé environ 40 f par tonne extraite; ils. ont contribué de leurs deniers à l'amélioration des voies navigables et n'ont pas craint de subvenir à la construction du grand canal du Nord pour l'importante somme de trente millions. C'est grâce à ces efforts. persévérants qu'ils ont dépassé la belle productivité de plus de 300 t par hectare utile concédé qu'aucun autre pays n'atteint, et ils entendent bien ne pas s'arrêter là; au 1er janvier 1906, dans les deux départements® du Nord et du Pas-du-Calais, on comptait vingt-huit puits en fonçage, reprise ou préparation, c'est-à-dire que déjà ils envisagent une production de 400 t par hectare, - plus peut-être, car ils ont l'ambition d'atteindre le but que j'envisageais tout à l'heure, but qui, disons-le, et c'est à l'honneur de l'énergie de nos industriels français, s'est jusqu'ici éloigné à mesure que les charbonnages s'en approchaient.

En terminant, permettez-moi de trouver, Messieurs, dans ce rapide exposé historique et critique la marque de ce que nous aurions pu faire si la richesse de notre sous-sol l'eût permis. Tout aussi bien que d'autres, nous aurions pu charger les flottes qui, chaque année, partent de Cardiff ou de Newcastle vers tous les points du monde; ou bien nous aurions pu alimenter de merveilleux foyers d'activité industrielle, comme ceux du Lancashire, de la vallée du Rhin, ou de la Pennsylvanie.

Cela n'a pas été départi à notre pays. Il a pour lui la fertilité de son sol, la douceur de son climat; il contient l'un des gisements de fer les plus importants du monde, mais son sous-sol ne renferme le précieux combustible qu'en proportion insuffisante pour les besoins de son industrie.

Par suite, celle-ci n'a pu prendre l'ampleur qu'elle a chez nos voisins, elle a dû se borner en général à subvenir aux besoins de la consommation du pays, et son rôle, dans la concurrence universelle, demeure un peu effacé. S'il en résulte une diminution de notre puissance dans le monde, au moins gardons-nous un heureux équilibre entre les différentes forces productrices de notre pays.

Toutes les formes de l'activité humaine s'y trouvent représentées. Il reste un actif foyer des arts et des sciences; il nourrit une nombreuse population agricole, et si son industrie n'a pas l'importance de celle de l'Angleterre et de l'Allemagne, elle continue de primer par le fini de la fabrication et le bon goût de ses artisans. Ainsi se maintient, dans l'ordre économique, cette heureuse harmonie qui rappelle le jugement du géographe grec sur notre pays aux débuts de son histoire et qui suggère l'idée d'un organisme composé à souhait « comme en vertu d'une prévision intelligente ». (Longs et vifs applaudissements.)

BULL.

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