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1853

22 Febr.

No. 98. secours du Sultan quand les possessions de celui-ci avaient été menacées par le pacha d'Egypte. Je continuai à lire et je fus de nonveau interrompu au paragraphe qui commence par les mots: „Dans ces circonstances.... il serait incompatible avec les dispositions amicales etc...." L'Empereur observa ici que le gouvernement de Sa Majesté britannique ne parait pas comprendre que son but principal est d'obtenir du gouvernement de la Reine une déclaration quelconque ou même seulement un échange de vues, sur ce qui ne doit pas être permis dans le cas d'un effondrement subit de la Turquie. Peut-être, dis-je, Votre Majesté aurait la bonté de m'exposer ses propres idées sur cette politique négative". Pendant un certain temps, Sa Majesté s'y refusa, cependant, il me dit enfin: „Eh bien, il y a beaucoup de choses que je ne tolérerai jamais. Je vais commencer par nous mêmes. Je ne voudrais pas une occupation permanente de Constantinople par les Russes. Cela dit j'ajouterai: Constantinople ne saurait jamais être dans la possession des Anglais, ni des Français, ni d'aucune autre grande puissance. En revanche, je ne permettrai jamais que l'on tente de reconstruire un Empire byzantin, ni aucune extension de la Grèce qui en ferait un Etat puissant: je permettrai moins encore le morcellement de la Turquie en petites républiques, asiles ouverts aux Kossuth, aux Mazzini et autres révolutionnaires de l'Europe. Plutôt que de me soumettre à aucune de ces éventualités, je ferais la guerre et je la continuerais jusqu'à ce qu'il ne me restât ni un seul homme et ni un seul fusil. Voilà déjà, dit l'Empereur, quelques unes de mes idées, maintenant donnez moi des vôtres en échange". Je fis remarquer la certitude que l'on pouvait avoir de la part de l'Angleterre, que celle-ci ne tenterait jamais de prendre possession de Constantinople et l'aversion du gouvernement britannique de se laisser entrainer dans des arrangements éventuels; puis Sa Majesté me pressant toujours, je dis: Eh bien, Sire, l'idée peut ne pas convenir non plus au gouvernement de Sa Majesté britannique, mais ce qui est bon entre deux hommes particuliers, peut être également bon entre deux Etats; comment se pourrait-il que dans le cas d'une catastrophe survenue en Turquie, la Russie et l'Angleterre déclarassent qu'il n'est permis à aucune des puissances de prendre possession des provinces turques que la propriété doit rester sous scellés jusqu'à ce qu'une entente amiable intervienne sur son adjudication?". Je ne veux pas dire, répliqua là dessus l'Empereur, qu'une pareille procédure soit impossible, mais elle serait du moins très difficile. Il n'existe point en Turquie d'éléments de gouvernement provincial et communal. Nous verrions les Tures attaquer les Chrétiens, ceux-ci tomber sur les Tures,

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les chrétiens de différentes sectes se disputer entre eux; bref, nous au- No. 98. rions le chaos et l'anarchie ". Sire, fis-je remarquer. si Votre Majesté me permet de parler franchement je dirai que la grande différence entre nous est celle-ci : Votre Majesté continue à raisonner en partant de la supposition de la chûte de la Turquie et des mesures que l'on devrait prendre dans ce cas, tandis que nous, au contraire, nous regardons la Turquie debout, telle qu'elle est et cherchons des mesures propres à éviter que son état n'empire". „Ah! répliqua l'Empereur, c'est ce que le chancelier me repète sans cesse; mais la catastrophe viendra un jour et nous prendra tous au dépourvu“. Sa Majesté parla ensuite de la France: „Dieu me préserve, dit-il, d'accuser jamais personne injustement, mais à Constantinople, aussi bien qu'au Monténégro, il se passe des choses excessivement suspectes; on serait tenté de croire que le gouvernement français tend à nous brouiller tous en Orient, dans l'espoir de réaliser plus facilement, par ce moyen, ses propres projets, dont l'un est, sans doute, la possession de la Tunisie". | Puis l'Empereur déclara que pour lui personnellement, peu importait la ligne de conduite que les Français croiraient devoir adopter dans les affaires d'Orient et que moins d'un mois auparavant il avait fait. dire au Sultan qu'il était à son service si ce dernier demandait son concours pour s'opposer aux menaces des Français. En un mot, continua l'Empereur, comme je vous l'ai déjà dit, tout ce que je désire c'est une bonne entente avec l'Angleterre et cela pas sur ce qui doit, mais sur ce qui ne doit pas arriver. Si nous arrivons à ce point et si nous avons, le gouvernement anglais et moi, moi et le gouvernement anglais, une pleine confiance dans les intentions l'un de l'autre, je me soucie très peu du reste". || J'exprimai ma conviction que le gouvernement anglais est aussi peu disposé que Sa Majesté Impériale à tolérer la présence des Français à Constantinople et comme je désirais m'assurer, autant que possible, s'il existe une entente entre les cabinets de St. Pétersbourg et de Vienne, j'ajoutai: Mais Votre Majesté a oublié l'Autriche toutes ces questions orientales touchent l'Autriche de très près et, naturellement, elle attendra qu'on la consulte".

Oh! répondit l'Empereur à mon grand étonnement, vous devez savoir que quand je parle de la Russie, je parle en même temps de l'Autriche ce qui convient à l'une, convient à l'autre; nos intérêts au sujet de la Turquie sont parfaitement identiques". J'aurais volontiers posé une ou deux questions à cet égard, mais je n'ai pas osé le faire. J'aurais dû mentionner que, dans une des parties précédentes de la conversation, Sa Majesté, bien que sans aucune apparence de

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No. 98. dépit, avait exprimé un certain étonnement au sujet du passage de la 1853 dépêche de Votre Seigneurie ou il était parlé de: l'ambition depuis longtemps nourrie de sa propre nation (russe)". Il demanda ce que signifiait cette phrase? # Par hasard, j'étais préparé à l'expression de cet étonnement, prêt à répondre à toute réflexion qu'il aurait provoquée. „Sire, dis-je, lord John Russel ne parle pas de l'ambition de Votre Majesté mais de celle de Votre peuple". L'Empereur ne voulut pas d'abord admettre que cette phrase s'appliquat plutôt à la nation russe qu'à lui même; je dis alors: „Votre Majesté me permettra de faire remarquer que lord John Russell repète seulement ce qui e été dit, il y a trente ans, par votre frère de glorieuse mémoire. Dans une lettre confidentielle à lord Castlereagh, en 1822, l'Empereur Alexandre disait, qu'il était le seul Russe qui resistât aux vues de ses sujets sur la Turquie et il parlait de la perte en popularité qu'il avait subie à cause de cet antagonisme. il Cette citation que je pus faire presque dans les propres termes de la lettre, changea le courant d'idées de l'Empereur. Vous avez parfaitement raison, dit il: je me rappelle les événements auxquels feu mon frère faisait allusion. Maintenant, il est absolument vrai que l'Imperatrice Catherine se plaisait à toutes sortes de visions ambitieuses, mais il n'est pas moins vrai que ces idées ne sont pas partagées par ses descendants. Vous voyez comment je me comporte à l'égard du Sultan. Ce monsieur" m'envoie des écrits et agit d'une façon qui est pour moi extrêmement déplaisante et moi, je me suis contenté d'envoyer un ambassadeur à Constantinople pour demander une réparation; certainement, j'aurais pu y envoyer une armée; si cela m'avait plu, rien n'aurait pu m'arrêter; mais je me suis contenté de cette exposition de la force, qui apprendra que je n'ai pas envie de laisser personne se moquer de moi“. Vous avez fait très bien, Sire, dis-je, de vous être abstenu de toute violence et j'espère que dans des occasions futures vous agirez avec la même modération; car Votre Majesté reconnait certainement que les quelques concessions obtenues récemment par les chrétiens latins n'ont pas été faites à la suite d'une malveillance à votre égard, mais bien à la suite des appréhensione excessives, entretenues par les Français chez les malheureux Tures. En outre, Sire,-fis-je remarquer,-le danger du moment actuel, j'ose le dire, n'est pas la Turquie, mais bien l'esprit révolutionnaire qui éclata, il y a quatre ans et, dans plusieurs pays, couve encore sous les cendres. Là est le danger et, sans doute, une guerre en Turquie serait le signal de nouvelles explosions en Italie, en Hongrie et ailleurs. Nous voyons ce qui se passe à Milan". Sa Majesté parla du Mon ténégro en fai

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sant observer qu'il approuvait l'attitude prise par le cabinet autrichien No. 98. et que, de nos jours, il ne devait pas être permis que les Turcs maltraitassent et assassinassent une population chrétienne. Je me per

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mis de remarquer que sur ce point, les torts étaient au moins partagés entre les Turcs et les Monténégrins et que, comme j'ai de bonnes raisont de le croire, la provocation est venue de ces derniers. L'Empereur, avet plus d'impartialité que je n'en attendais, admit que les torts étaient des deux côtés; que, certainement, les montagnards s'adonnent trop au brigandage et que la perception du Djablak a soulevé, chez eux, une grande indignation. En même temps cependant Sa Majesté dit: Il est impossible, toutefois, de ne pas porter un grand intérêt à une population si chaleureusement attachée à sa religion et qui a si longtemps défendu son territoire contre les Turcs". L'Empereur continua: „Je vous le dis franchement, si Omer Pacha tentait à exterminer ce peuple et si à la suite de cela un soulèvement général des chrétiens avait lieu, le Sultan, selon toute probabilité, perdrait son trône et, dans ce cas, il tomberait pour ne plus se relever. Je désire soutenir son autorité, mais s'il la perd, ce sera pour toujours. L'Empire turc est une chose à tolérer mais pas à reconstruire. Pour une pareille cause, je vous le déclare, je ne permettrais pas qu'un seul coup de pistolet fût tiré. L'Empereur dit ensuite que dans le cas de la dissolution de l'Empire ture, il serait, d'après son avis, plus facile qu'on ne le croit généralement d'arriver à un arrangement territorial satisfaisant. Les principautés, dit-il, sont, de fait, un Etat indépendant sous ma protection: cela pourrait rester ainsi. La Serbie pourrait recevoir la même forme de gouvernement. La Bulgarie de même; il paraît qu'il n'y a pas de raison pour que cette dernière province ne puisse former un Etat indépendant. En ce qui concerne l'Egypte, je comprends parfaitement l'importance de ce territoire pour l'Angleterre. Je puis dire seulement là dessus que si, dans le cas du partage de l'Empire Ottoman qui suivrait sa chûte, vous preniez possession de l'Egypte, je n'aurais rien contre une telle eventualité. Je dis la même chose quand à la Crête si l'ile vous convient, je ne vois pas pourquoi elle ne deviendrait pas une possession anglaise". Comme je ne voulais pas que l'Empereur s'imaginât qu'un fonctionnaire anglais pût se laisser prendre à cette sorte d'ouvertures, je répondis simplement que, autant que je sache, les vues de l'Angleterre au sujet de l'Egypte n'ont jamais dépassé le but d'assurer une sûre et prompte communication entre les Indes britanniques et la mère-patrie. || La conversation s'acheminant vers sa fin, l'Empereur exprima son vif attachement à la Reine, notre gracieuse Souveraine et sa considération pour

(Acte şi Documente 11).

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No. 98. les conseillers actuels de Sa Majesté. Les déclarations contenues dans la dépêche de Votre Seigneurie ont été, dit-il, très satisfaisantes ; ils 22 Febr. voudrait seulement qu'elles fussent un peu plus développées. Les termes dans lesquels votre Seigneurie a parlé de sa conduite sont, dit l'Empereur, très flatteurs pour lui. En me congédiant, Sa Majesté Impériale dit: „Eh bien, amenez Votre gouvernement à m'écrire encore sur ces affaires, à m'écrire plus en détail et surtout sans aucune hésitation. J'ai de la confiance dans le gouvernement anglais. Ce n'est point un engagement, une convention que je leur demande; c'est un libre échange d'idées, et au besoin une parole de gentleman; entre nous cela suffit". Je me permets de signaler que dans la prochaine dépêche qui me sera adressée pourraient se glisser certaines expressions qui auraient pour effet de mettre fin à des considérations ultérieures ou, du moins, à des discussions sur une affaire si délicate. || Je vous prie de m'excuser si, comme c'est possible, je n'ai pas rapporté certains passages de la conversation avec Sa Majesté et notamment si j'ai oublié les termes exacts dans lesquels l'Empereur a parlé de la politique commerciale qui devrait être suivie à Constantinople quand les Turcs n'y seraient plus. Le sens de sa remarque fut que l'Angletterre et la Russie auraient un intérêt commun à faciliter le plus possible l'accès de la mer Noire et de la Méditerranée.

No. 99. 1853

Une copie de la dépêche de Votre Seigneurie a été laissée entre les mains de l'Empereur.

No. 99. Instrucțiunile date de lord Clarendon, lordului
Stratford de Redcliffe, din 23 Fevruarie 1853.

(Extract.)

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Il a plu à la Reine d'ordonner que, dans ce moment critique pour le sort de l'Empire Ottoman, Votre Excellence retourne à son ambas23 Febr. sade dans un but spécial et chargée d'instructions spéciales. Votre Excellence sait que le maintien de l'indépendance et de l'intégrité de la Turquie entre dans le système général de la politique européenne, que ce principe a été solennellement déclaré et sanctionné par la Convention de 1841, et qu'il est reconnu par toutes les grandes Puissances de l'Europe. L'objet de la mission de Votre Excellence est aujourd'hui de conseiller la prudence à la Porte et la patience à ces Puissances qui la pressent à consentir à leurs demandes. Vous êtes chargé de faire tous vos efforts d'empêcher une guerre turque et de

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