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fut long-temps abandonné aux acteurs subalternes quoique dans ce temps-là l'église en usât assez mal avec les comédiens, ces excommuniés craignaient de ne pas faire leur salut en jouant le rôle d'un impie et d'un damné. On dit que le Philosophe Bellecourt se mit le premier au-dessus de ce scrupule: en jouant le rôle d'un scélérat maudit, il s'acquit la réputation d'un excellent comédien, et fit son salut en ce monde par son talent. Chaque représentation du Festin de Pierre ajoute à l'honneur que Damas s'est fait dans ce rôle, où il a tout à la fois beaucoup de profondeur et de légereté. Thénard, dans le rôle de Sganarelle, et Baptiste dans celui du Paysan, sont très-naturels et très-comiques. Mlle Leverd est intéressante dans le rôle d'Elvire; mais la veille, elle avait bien autrement brillé dans un rôle plus digne d'elle, dans celui de Mad. Evrard, qu'on peut regarder comme son triomphe, tant elle y met de finesse, de variété et de farce comique. Mlle Leverd ne peut pas jouer tous les rôles qu'elle désire, mais elle ne laisse presque rien à désirer dans ceux qu'elle joue.

Le Festin de Pierre a été suivi du Bourru Bienfaisant, piece dans laquelle Mlle. Bourgoin a joué le rôle d'Angélique avec beaucoup de grâce et de naïveté elle fait bien de s'essayer dans les ingénuités pour doubler Mlle. Mars: elle a sous les yeux un si excellent modele, qu'elle ne peut manquer de faire de rapides progrès en ce genre.

THEATRE DU VAUDEVILLE.

On_prépare à ce théâtre une parodie de Célestine et Faldoni, sous le titre assez heureux de GaLantine et l'Endormi: il faut espérer que la parodie n'endormira personne; ce serait bien sa faute, VOL. XXXIX.

B

car elle a un beau champ pour la plaisanterie. Rien de plus susceptible des formes comiques que le pathétique exalté; rien n'est plus voisin du ridicule que le sublime du sentiment. Le drame de Célestine et Faldoni est une bonne fortune, un petit trésor pour un parodiste. C'est Mademoiselle Riviere qui doit joner le rôle de Galantine, qui ne ressemble guere à celui de Jeanne d'Arc; et cependant, pour peindre l'enthousiasme amoureux, il faut une sorte d'inspiration, comme il en a fallu pour 'peindre l'enthousiasme guerrier: on peut s'en rapporter à l'intelligence de Mlle. Riviere, qui a fait ses preuves; ses succès ne font que l'exciter au travail pour en mériter de nouveaux. Elle vient de soutenir la Jolie Fiancée, qui, après avoir un peu chancelé à la premiere représentation, s'est raffermie à la seconde. L'audience que la fiancée donne à ses deux amants en présence de son fiancé, forme une situation neuve; le jaloux fiancé ne reçoit plus d'argent pour procurer des rendez-vous; il en est devenu moins comique, et les amants moins dupes. Rien de plus plaisant que d'être payé pour garder sa femme par ceux qui veulent vous l'enlever.

THEATRE DES VARIÉTÉS.

La Femme de Chambre.

Peu ou point de calembours, de bouffonneries et de farces; du sentiment, de la morale et de la décence; une petite femme de chambre, bien éloignée de ces soubrettes de Dancourt, si éveillées, si lestes et si enjouées : voilà ce qu'on ne voit guere aux Variétés, et ce qu'on n'est pas fâché d'y voir: on n'a eu besoin, pour cette petite piece, ni de Brunet, ni de Potier, ni de Tiercelin, ni même de Bosquier

Gavaudan, acteur à qui le sentiment sied aussi bien que la gaiété. La femme de chambre est Mlle. Pauline; elle se suffit à elle-même.

Suzette, c'est son nom, a profité de toutes les leçons que sa maîtresse a laissé perdre; elle sait tout ce que sa maîtresse aurait dû apprendre; elle a tous les talents qu'une mere idolâtre de sa fille a essayé en vain de lui donner. La femme de chambre, après s'être emparée d'une éducation qui n'était pas faite pour elle, s'empare aussi d'un mari qui ne lui était lui était pas destiné : un jeune homme de province amené par son pere, à Paris, pour épouser de l'esprit et des talents, ne les y trouvant pas dans la demoiselle, les épouse dans la soubrette où il les trouve. Il y a sans doute, beaucoup de demoiselles qui ne profitent point de l'éducation qu'on leur donne: mais on ne trouve qu'au théâtre des sonbrettes qui profitent de l'éducation qu'on donne à leurs maîtresses. Je vois. que, dans le systême actuel, les jeunes personnes ne négligent ni la grammaire qui sert à bien parler, ni la musique qui sert à toucher et à plaire: souvent il arrive que des demoiselles élevées dans la modestie et dans les occupations de leur sexe, trouvent plutôt un mari que celles qui sont si bonnes danseuses, si bonnes musiciennes, si habiles grammairiennes, si savantes dans l'art de dessiner.

La piece est de M. Charles, Charles est le prénom d'un auteur qui se cache aux Variétés, tandis qu'il brille au Vaudeville.

CIRQUE OLYMPIQUE.

Premiere Représentation de Richard Coeur-deLion, ou le Troubadour français, Pantomime à grand spectacle.

Qui ne connaît les avantures de Richard Coeurde-Lion, de ce prince aussi fameux sur notre théâtre que dans l'histoire? Mais l'un ne le peint pas toutà-fait sous les mêmes couleurs que l'autre. L'auteur dramatique ne prend de son héros que les traits qui peuvent le rendre intéressants, tandis que l'histoire doit tracer un portrait complet et fidele.

Dans l'opéra et dans la pantomime dont le sujet est la captivité et la délivrance de Richard, nous voyons un prince brave, sensible, généreux, digne d'avoir des amis, et ce qui est plus étonnant encore, protégeant et cultivant les lettres dans le 12e siecle; dans l'histoire, c'est un guerrier dont la férocité déshonorait la valeur, un monarque inquiet, violent, avare, un vassal envieux et perfide.

Mais à l'exemple des auteurs, je ne parlerai ici que de Richard malheureux et prisonnier. Entre tous les ennemis que lui avait faits son caractere impérieux et farouche, le plus implacable comme le plus offensé, était Léopold VI, duc d'Autriche. Au siége de Saint-Jean-d'Acre, Léopold avait arboré son drapeau sur une tour dont il venait de s'emparer. Richard le fit arracher et fouler aux pieds

Ce sanglant outrage ne resta pas sans vengeance. Richard, couvert des lauriers cueillis en Palestine, retournait en Angleterre ; il fit naufrage sur les côtes d'Istrie. Déguisé en pélerin, il traversait les états de Léopold, mais il fut reconnu et arrêté. Le duc le livra au lâche et barbare Henri VI. Cet empereur n'était pas moins irrité contre le roi d'Angle

terre allié de Tancrede, qui lui avait ravi la couronne de Sicile; il fit traiter indignement cet illustre prisonnier, et ordonna qu'il fût enfermé au château de Losemstein, situé au milieu de marais infects. Toute l'Europe ignorait le sort de Richard. Un seul homme peut-être le pleurait, un seul le cherchait ; et c'était un troubadour, c'était Blondel. Voici comment ce fait est raconté dans une vieille chronique. J'en conserverai le style naïf.

"Blondel, n'entendant parler du roi, en avait sa vie à grand mésaise. Si estait bien nouvelles qu'il-estait parti d'outremer, mais nul ne savait en quel pays il estait arrivé; et pour ce Blondel chercha en diverses contrées s'il en pourrait ouir nouvelles. Si advint qu'il arriva d'avanture en une ville assez près du châtel, où son maître le roi Richard estait, et demanda à son hôte à qui estait ce châtel, et l'hôte lui dit qu'il estait au duc d'Autriche. Puis demanda s'il y avait nul prisonnier. On lui dit qu'il y avait un prisonnier depuis plus d'un an en ça. Quand Blondel entendit ceci, il fit tant qu'il s'accointa d'aucuns de ceux du châtel, mais il ne put voir le roi. Si vint un jour près d'une fenêtre de la tour où estait le roi Richard, et commença à chanter une chanson en français que le roi Richard et lui avaient une fois faicte ensemble. Quand le roi Richard entendit la chanson, il cognent que c'estait Blondel, et quand Blondel, eut dicté la moitié de la chanson, le roi Richard se prist à dire l'autre moitié, et l'acheva, et ainsi sceut Blondel que c'estait le roi son maître. Si s'en retourna viste en Angleterre, et aux barons raconta l'avanture."

On voit que Richard et Blondel avaient composé une chanson ensemble. Ainsi la mode de se réunir plusieurs pour rimer des couplets date de trèsloin. Mais moins heureux que les anciens troubadours, ceux de notre siecle n'ont pas l'honneur d'avoir des rois pour collaborateurs. J'ai en vain

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