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de l'humanité : « Quelques autres choses sont destinées par la loi même de la création comme des conditions indispensables à l'existence de l'humanité et celles-ci ne peuvent être du domaine naturel, mais elles appartiennent à toutes les nations et constituent la propriété de l'humanité: telles sont l'air, la mer et d'autres choses semblables qui sont communes, suivant cet axiome du droit romain: Aer, aqua, profluens et mare naturali jure communia sunt haec omnia (Just. De divis rer. et qualit., II, I priv. Note de l'auteur du texte), et plus loin : « En effet, parmi les choses destinées aux besoins de l'humanité, quelques-unes sont destinées à l'usage commun, comme les fleuves, les plages, les canaux navigables, les ports, etc. et elles constituent la propriété publique... » 1.

Mais les auteurs sont également d'accord à reconnaître que c'est un droit imparfait 2.

Parmi tous les facteurs justifiant l'établissement de la liberté de la navigation fluviale, il nous semble que c'est bien ce dernier, l'argument le plus fort en sa faveur. D'autre part cette liberté ne peut s'établir d'une manière absolue, car chaque Etat doit, avant tout, veiller à sa sécurité.

c) Enfin, d'après ce que nous venons de dire à la fin du paragraphe premier du présent chapitre, la proclamation de la liberté de la navigation fluviale sur un fleuve international peut se justifier par le principe de la continuité de sa navigation.

1 « Nouveau droit international public,», tome I, Paris 1868, p. 351 ainsi que p. 356.

2 HEFFTER, op. cit., § 77, p. 161 : « Les anciens auteurs supposaient à cet effet un droit beaucoup plus étendu, appelé «jus usus innocui», au profit de toutes les nations, en même temps qu'ils reconnaissaient la nature imparfaite d'un droit qui, pour exister, avait besoin de la sanction des traités. »>

Voir également CALVO, op. cit., § 232, p. 349; CARNAZZAAMARI, p. 83.

§ 3. Le principe de la liberté de la navigation fluviale en Droit international public et en Droit public général.

L'établissement de la liberté de la navigation fluviale sur un fleuve international crée une situation anormale, mais justifiable, cependant, pour les Etats sous la souveraineté desquels ce fleuve se trouve. Qu'en est-il de cette situation en Droit international public et en Droit public général ?

La liberté de la navigation fluviale se rapproche, à notre avis, d'une servitude de Droit international (servitus juris gentium) et pour établir si, réellement, elle peut être considérée comme telle, voyons ce que c'est qu'une telle servitude. BLUNTSCHLI en donne la définition suivante, dans son paragraphe 343 :

« On donne le nom de servitude internationale à toute restriction conventionnelle et perpétuelle apportée à la souveraineté territoriale d'un Etat, en faveur d'un autre Etat ou exceptionnellement aussi, en faveur d'une corporation ou d'une famille placée sous la protection spéciale de Droit international.>>

Si, d'autre part, nous consultons le commentaire de ce paragraphe, nous remarquons qu'il ne range pas dans cette catégorie ce qu'il appelle « l'obligation d'autoriser la navigation sur les grands fleuves », qui constitue, d'après le même auteur, « une restriction apportée à la souverainté territoiriale ».

CARNAZZA-AMARI dit, au sujet du principe de la liberté de la navigation fluviale, ceci :

« Ce droit de libre navigation ne saurait être considéré comme une servitude sur le fonds d'autrui; c'est la limite naturelle et rationnelle du droit de souveraineté, que chaque Etat peut et doit exercer sur les eaux qui baignent son territoire. La souveraineté maritime ou fluviale d'une nation ne se fonde, en effet, que sur les

nécessités de sa défense territoriale et disparaît, par conséquent, dans tous les cas où la sûreté de son territoire n'est pas menacée 1. >>

L'auteur, tout en reconnaissant aux Etats la souveraineté sur les eaux traversant ou séparant leur territoire, refuse de reconnaître le caractère d'une servitude internationale à cette restriction qu'elle subit du fait de la libre navigation fluviale. Il est plutôt disposé à voir dans cette restriction une obligation naturelle, ce que nous ne croyons pas pouvoir admettre.

Nous préférons la définition de la servitude telle que HEFFTER la donne en ces termes :

« Les rapports naturels des Etats qui sont appelés à se développer les uns à côté des autres, portent avec eux la nécessité de certaines resctrictions des droits souverains, restrictions auxquelles aucun d'entr'eux ne peut se soustraire sans léser l'ordre des choses établies et les règles de bon voisinage. Elles portent le nom de servitudes publiques naturelles (servitutes juris gentium necessariae...).

«...A côté des servitudes naturelles, on rencontre des servitudes positives consenties librement par les Etats (servitutes juris gentium voluntariae). Elles ont pour objet l'établissement d'un droit restrictif du libre exercice de la souveraineté territoriale au profit d'un Etat ou d'un particulier étranger... 2 ».

Adoptant cette définition, nous pouvons nous placer au point de vue d'une servitude internationale positive volontaire (consentie) et examiner si la liberté de la navigation fluviale en est une. Il nous semble qu'elle réunit tous les éléments constitutifs d'une telle servitude:

1 Op. cit., § 17, p. 89. 2 Op. cit., § 43, p. 98.

a) C'est bien une restriction conventionnelle à la souveraineté de l'Etat ou des Etats grevés;

b) elle est perpétuelle, c'est-à-dire qu'elle est sans limite quant à la durée ;

c) la souveraineté territoriale se trouve limitée ;

d) c'est bien une faveur accordée aux autres Etats; e) enfin, un fleuve navigable, traversant ou séparant plusieurs Etats dans son cours, ne peut être proclamé libre par le seul fait qu'il est international 1.

La souveraineté territoriale existe toujours sur ce fleuve et le droit positif exige un acte juridique pour la faire disparaître ou même simplement la diminuer. Supposons qu'un nouvel Etat vienne d'être fondé, qui possède sur son territoire une section d'un fleuve international déjà libre ; si cette section était déjà libre, elle le demeurera, mais il faut que cette liberté soit expressément confirmée dans un traité ou une convention, ou que le nouvel Etat le fasse déclarer. Si la section n'était pas encore proclamée libre, il est nécessaire qu'un acte juridique international intervienne pour instituer cette liberté.

La liberté fluviale ne se présume donc jamais de plein droit. C'est ce qui ressort du commentaire de l'article 353 de BLUNTSCHLI, d'après lequel :

<«< Les servitutes juris gentium ou servitudes internationales, n'existent jamais de plein droit ; il faut toujours qu'elles soient constituées par acte spécial; elles sont un jus singulare; leur existence ne se présume donc jamais. >>

Pour conclure nous pouvons dire :

La liberté de la navigation fluviale n'est pas une obligation naturelle, malgré qu'un principe de droit

1 Nous avons indiqué le sens du mot « international » à la page 27.

naturel pût justifier son établissement1. Cette restriction apportée à la souveraineté territoriale de l'Etat ou des Etats traversés ou séparés par un fleuve international se rapproche plutôt d'une servitude internationale positive volontaire (consentie) et constitue une obligation internationale conventionnelle à charge de l'Etat ou des Etats grevés.

§ 4 Comment se manifeste le principe de la liberté de la navigation fluviale; ses conséquences.

I. Ses manifestations.

Lorsque le principe de la liberté de la navigation fluviale est proclamé, il est accompagné d'une série de mesures qui, précisément, en attestent l'existence en même temps qu'elles en assument la réalisation.

a) Tout d'abord on constitue, en général, une autorité fluviale, chargée de l'exécution et de l'application du principe. Ce sont des commissions fluviales, composées des représentants des Etats riverains seuls ou des Etats riverains et non riverains ensemble, suivant qu'il s'agit d'une liberté de la navigation relative ou absolue. Elles sont l'expression de la communauté fluviale entre les Etats intéressés.

Elles devraient également déterminer les travaux à exécuter et à examiner l'état de navigabilité du fleuve, dont l'entretien est confié à chaque Etat riverain, pour la section du fleuve lui appartenant. Dans ce but, la création d'une commission technique s'impose 1. b) L'acte juridique international qui a institué la

1 Voir p. 30.

2 Lorsque nous aurons parlé de la navigation danubienne plus spécialement, nous reviendrons sur cette question.

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