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IV. Epoque moderne.

1. La Révolution française. Cet état de choses se prolongea jusqu'au xvme siècle. En effet, c'est la Révolution française qui tenta de rétablir les principes si libéraux du droit romain dans le domaine fluvial. Un arrêté du Conseil exécutif provisoire, du 16 novembre 1792, concernant l'Escaut et la Meuse, proclama :

« Que les gênes et les entraves auxquelles jusqu'alors la navigation et le commerce avaient été exposés, tant sur l'Escaut que sur la Meuse, étaient directement contraires aux principes du droit naturel, que tous les Français ont juré de maintenir :

«Que le cours des fleuves est la propriété commune et inaliénable de toutes les contrées arrosées par leurs eaux;

« Qu'une nation ne saurait sans injustice prétendre au droit d'occuper exclusivement le canal d'une rivière et d'empêcher que les peuples voisins, qui bordent les rives supérieures, ne jouissent des mêmes avantages;

« Qu'un tel droit est un reste des servitudes féodales ou du moins un monopole odieux, qui n'a pu être établi que par la force, ni consenti que par l'impuissance, qu'il est conséquemment révocable dans tous les moments et malgré toutes les conventions, parce que la nature ne reconnaît pas plus de peuples que d'individus privilégiés et que tous les droits de l'homme sont à jamais imprescriptibles, etc. 1»

Cet arrêté est considéré comme la première proclamation du principe de la liberté de la navigation fluviale. Il en résulte que :

Le Moniteur Universel, 1792, No 327, p. 1387. V. aussi la loi du 24 novembre 1790, art. II et le décret du 6 octobre 1791, art. 4. « Nul ne peut se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière navigable ou flottable. »

a) La navigation sur les fleuves, traversant plusieurs Etats, au point de vue de législation, doit être basée sur les principes du droit naturel, ce qui n'était pas le cas au Moyen âge; c'est donc le retour aux principes du droit romain;

b) ces fleuves sont des «< res communes », mais dans le sens étroit du mot, c'est-à-dire qu'ils ne sont communs qu'aux Etats dont ils traversent le territoire ; aucun des Etats riverains ne pourrait accaparer ce bien commun, ce condominium des Etats traversés ;

c) les deux règles ci-dessus sont évidemment applicables sur tout le parcours navigable de ces fleuves;

d) que le régime appliqué jusqu'alors aux fleuves traversant plusieurs Etats, était contraire aux principes de droit et d'équité, ayant été établi par la force et contre la nature des choses.

Les principes énoncés dans l'arrêté du 16 novembre 1792, marquent un changement capital: l'avènement de la liberté de la navigation, relative1, il est vrai. Quoi qu'il en soit, l'émancipation, l'affranchissement des fleuves a commencé à cette date.

Ce changement n'était pas seulement apparent, comme celui qui se manifesta au Congrès de Westphalie, en 1648; les dispositions de plusieurs traités postérieurs ont été inspirées par ces principes :

a) Le Traité de La Haye, du 27 floréal an III (16 mai 1795), entre la République française et la République des Provinces-Unies des Pays-Bas, dans son article XVIII:

<< La navigation du Rhin, de la Meuse, de l'Escaut, du Hondt, et de toutes leurs branches jusqu'à la Mer, sera libre aux deux nations française et batave ; les vaisseaux français et des Provinces-Unies y seront indistinctement reçus et aux mêmes conditions2.>>

1 V. au sujet du terme « la liberté de la navigation relative » le chapitre suivant, § 2.

2 DE MARTENS, «Recueil des principaux traités», tome VI, p. 91.

b) Celui de Campo-Formio, du 28 vendémiaire, an VI (17 octobre 1797), entre la République française et l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, dans son article XI:

« La navigation de la partie des rivières et canaux servant de limites entre les possessions de Sa Majesté l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, et celles, de la république cisalpine, sera libre, sans que l'une ni l'autre puissance puisse y établir aucun péage, ni tenir aucun bâtiment armé en guerre ; ce qui n'exclut pas les précautions nécessaires à la sûreté de la forteresse de Porto-Legnano. »>

ainsi que l'article II de la convention additionnelle au dit traité, disposant que :

<< S. M. l'empereur, roi de Hongrie et de Bohême, employera également ses bons offices lors de la pacification avec l'empire germanique :

1. Pour que la navigation du Rhin soit libre pour la république française et les états de l'empire situés sur la rive droite de ce fleuve depuis Huningue jusqu'à son entrée dans le territoire de la république batave.

2. Pour que le possesseur de la partie allemande opposée à l'embouchure de la Meuse ne puisse jamais. ni sous aucun prétexte que ce soit, s'opposer à la libre navigation et sortie des bateaux, barques ou autres bâtiments hors de l'embouchure de cette rivière.

3. Pour que la république française ait la libre navigation de la Meuse et que les péages et autres droits qui pourront se trouver établis depuis Venloo jusqu'à son entrée dans le territoire batave, soient supprimés1. >>

1 DE MARTENS, « Recueil des principaux traités », tome VI, p. 424; 427.

2. Le Congrès de Rastadt de 1797-1798. Au Congrès de Rastadt, qui s'est ouvert le 8 décembre 1797, on trouve une tentative de marquer un pas vers la liberté absolue de navigation et cela dans la note du gouvernement français du 14 floréal, an VII (3 mai 1798). La liberté envisagée n'était pas tout à fait complète : elle demeurait subordonnée à une condition : celle du consentement des Parties contractantes. Ce n'était du reste qu'une proposition, qui fut rejetée, mais elle révèle l'évolution qui se produisit en faveur de la liberté absolue de navigation 1.

Il s'agissait, au Congrès de Rastadt, des négociations concernant le Rhin et ses affluents. Voici un passage de ce que les plénipotentiaires du Directoire, accrédités à Rastadt, ont déclaré à ce sujet :

« La navigation du Rhin sera commune aux deux riverains et les autres peuples ne pourront y participer qu'avec le consentement des Parties et aux conditions agréées par l'une et par l'autre 2. »

3. La Convention de l'Octroi (Convention de Paris) de 1904. Le principe de la liberté de la navigation fluviale absolue ne reçut sa consécration que dans la Convention de Paris du 15 août 1804, dite aussi Convention de l'Octroi, concernant l'administration du Rhin, et conclue entre la France et l'Empire germanique. Elle introduisit l'ordre et l'uniformité dans le domaine des droits de la navigation rhénane, si gênants et divers. L'administration de l'Octroi avait à sa tête un DirecteurGénéral, nomme conjointement par la France et par

1 Néanmoins, en 1802, à Ratisbonne, à la suite du Traité de Lunéville, l'Allemagne accepta les conditions proposées par la France à Rastadt concernant le régime fluvial rhénan.

2 ENGELHARDT, «< Histoire du droit fluvial, conventionnel », N. R. H. Fr. et Etr. 1889, p. 67.

l'Empire; elle était très centralisée, car bien que le thalweg formât la frontière franco-germanique, le Rhin était considéré comme un fleuve commun aux deux puissances.

Cette Convention représente le premier code moderne de législation internationale des fleuves, la base des principes du droit fluvial, énoncés ultérieurement dans l'Acte du Congrès de Vienne de 1815 et consacrée par le droit public actuel.

Nous nous bornons à donner le texte de quelques-uns des articles de la Convention ci-dessus, intéressant plus particulièrement notre travail :

Art. II: «En conséquence, quoique le Thalweg du Rhin forme, quant à la souveraineté, la limite entre la France et l'Allemagne, le Rhin sera toujours considéré, sous le rapport de la navigation et du commerce, comme un fleuve commun entre les deux empires, ainsi qu'il est dit au même paragraphe du dit recès, et la navigation en sera soumise à des règlements communs 1. »

Art. XII: « La navigation entre Strasbourg et Mayence sera libre aux embarcations des deux rives soit en montant, soit en descendant... >>

Art. XX: «La petite navigation telle qu'elle est désignée dans l'article précédent sera libre à tous les bateliers des deux rives..... >>

Les dispositions de la Convention de 1804 servirent de base à plusieurs traités postérieurs, notamment :

a) Traité de paix entre S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie et S. M. l'empereur de toutes les Russies; signé à Tilsit, le 7 juillet 1807, article VIII:

1 De MARTENS, « Recueil des principaux traités », tome VIII, p. 262.

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