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UNE NOUVELLE THÉORIE

SUR

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L'EFFECTIVITÉ DU BLOCUS MARITIME

PAR

Antoine ROUGIER

DOCTEUR EN DROIT

AVOCAT A LA COUR D'APPEL DE LYON

EXTRAIT DE LA REVUE GÉNÉRALE DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

PARIS

A. PEDONE, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE LA COUR D'APPEL ET DE L'ORDRE DES AVOCATS
13, Rue Soufflot, 13

1903

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DEC 9 1919

UNE NOUVELLE THEORIE

SUR L'EFFECTIVITÉ DU BLOCUS MARITIME

Au cours des événements de la guerre civile qui déchirait récemment encore le Vénézuéla, une discussion s'est engagée entre le gouvernement français et le gouvernement vénézuélien au sujet de l'effectivité d'un blocus décrété par ce dernier contre les ports tombés aux mains des insurgés.

Dans les Notes diplomatiques qu'il adressa à cette occasion, aux mois d'août et de septembre 1902, au représentant de la France à Caracas, le ministre des relations extérieures des États-Unis de Vénézuéla, M. le Dr Lopez Baralt, soutint une théorie nouvelle et assez originale sur les conditions d'effectivité et de validité du blocus maritime. C'est cette théorie que nous nous proposons d'examiner au point de vue juridique.

I

La première condition requise pour qu'un blocus maritime puisse être considéré comme valable et s'imposer au respect des neutres, c'est qu'il soit effectif. La déclaration de Paris du 16 avril 1856 a fait passer dans le droit conventionnel et dans la pratique internationale cette règle que la doctrine enseignait depuis longtemps déjà. Les blocus, pour être obligatoires, dit l'article 4 de la déclaration, devront être effectifs, c'està-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral ennemi ».

Ce texte est une condamnation formelle des blocus fictifs, blocus de cabinet ou blocus sur le papier, pratiqués jusqu'alors surtout par l'Angleterre. Le blocus fictif, c'est-à-dire le décret déclarant fermés au commerce les ports ennemis, quand aucune force navale ne vient le sarictionner en interdisant matériellement l'accès de ces ports, n'est pas une mesure de guerre que les neutres soient tenus de respecter. C'est un acte illégal, arbitraire, excédant les droits du belligérant qui prétend y avoir recours; c'est une mesure attentatoire à la liberté de navigation des neutres, de tous points injustifiable, qui a heureusement presque disparu de la pratique internationale depuis 1856 (1).

(1) V. la réfutation de la théorie du blocus fictif dans l'excellent ouvrage de M. Paul Fauchille, Du blocus maritime, p. 74 et suiv. « De même, dit notamment cet auteur, qu'on ne livre pas bataille par cela seul qu'on a manifesté l'intention de le faire, de même celui qui notifie aux neutres sa volonté de bloquer un port ne peut être consi

Toutefois, la déclaration de Paris ne définit pas le blocus effectif avec toute la précision qu'on aurait pu désirer. Elle dit bien ce que le blocus ne doit pas ètre et repousse avec raison la pratique du blocus fictif, mais elle ne dit pas ce qu'il doit être; elle ne donne pas un critérium de l'effectivité; elle n'explique pas en quoi consiste une force « suffisante pour interdire l'accès du littoral ennemi », et laisse planer une incertitude absolue sur le point de savoir dans quelle forme un blocus doit être établi pour être régulier. La formule vague de l'article 4 paraît d'autant plus surprenante que certaines conventions internationales antérieures avaient caractérisé beaucoup plus nettement le blocus effectif. La Ligue de neutralité armée de 1780, par exemple, donnait la définition suivante du port bloqué : « Celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec des bâtiments de guerre arrêtés et suffisamment proches, un danger évident d'entrer ». La convention maritime du Nord du 16 décembre 1800, qui constitua la seconde neutralité armée, exigeait que l'entrée du port fût évidemment dangereuse « par suite des dispositions prises par une des puissances belligérantes au moyen de vaisseaux places à sa proximité ». Certains traités atteignaient même un degré de précision plus considérable encore et allaient jusqu'à déterminer le nombre des bâtiments qui devaient être chargés du blocus, ainsi que leur distance de la côte (1). Il est très vraisemblable que l'article 4 de la déclaration de Paris a été rédigé intentionnellement sous une forme un peu vague, de peur qu'une définition trop restrictive du blocus effectif ne provoquât une opposition de la part de l'Angleterre qui n'avait pas l'intention de renoncer au système des blocus par croisière.

Quelles qu'aient pu être les raisons de ce défaut de précision, il n'en est pas moins regrettable, car le texte ambigu de la déclaration de Paris est devenu une source de controverses dans la doctrine et d'irrégularités dans la pratique (2).

déré comme bloquant ce port ». V. conf. Calvo, Le droit international théorique et pratique, 40 édit., t. V, § 2909 et suiv.

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(1) Le traité de 1742 entre la France et le Danemark, article 20, exigeait, pour qu'un port fût considéré comme bloqué, que l'entrée en fût fermée au moins par deux vaisseaux ou par une batterie de canons placée sur la côte, de manière que les navires n'y puissent entrer sans un danger manifeste. Le traité de 1753 entre la Hollande et les Deux-Siciles, article 22, exigeait la présence de six vaisseaux de guerre au moins, à une distance un peu supérieure à la portée du canon de la place, ou l'existence de batteries élevées sur la côte telles qu'on ne puisse entrer sans passer sous le feu des assiégeants. Dans un traité de 1818, article 18, entre la Prusse et le Danemark, il était convenu que le port, pour être réputé bloqué, devait être investi par deux vaisseaux au moins du côté de la mer ou par une batterie de canons du côté de la terre (Ortolan, Règles internationales et diplomatie de lu mer, 4o édit., t. II, p. 330, note 2).

(2) Voici la réflexion que l'on trouve à ce sujet dans une Note de M. Marcy, secrétaire d'État des Etats-Unis, adressée au ministre de France à Washington en réponse

Ce texte n'a pas tranché, notamment, la question de savoir si le blocus par croisière est ou non effectif On sait que l'on désigne par ces termes un blocus maintenu par des vaisseaux non stationnés, généralement peu nombreux, qui vont et viennent, qui croisent devant le port bloqué. La majorité des auteurs refuse avec raison de reconnaître le blocus par croisière comme effectif, parce qu'il n'interdit pas assez efficacement l'accès du port bloqué; un navire peut franchir la ligne de blocus en guettant le moment où le croiseur ennemi vient de s'éloigner. Le blocus par croisière ne pourrait avoir une efficacité absolue que si les croiseurs ne s'éloignaient jamais l'un de l'autre à une distance plus grande qu'une double portée de canon, condition qui n'est jamais remplie en fait parce que son accomplissement exigerait un nombre de navires. aussi considérable que pour établir un blocus par vaisseaux stationnés, el que la puissance bloquante n'aurait plus aucun intéret à recourir au système de la croisière (1). Cependant on peut soutenir, en s'appuyant sur le texte de la déclaration de Paris, que le blocus par croisière n'est pas illicite, pourvu qu'il soit maintenu. « par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral ennemi (ce qui est une question de fait toujours discutable); et, postérieurement à 1856, l'histoire en a enregistré plusieurs exemples célébres: le blocus des ports tombés aux mains des Confédérés par les États américains du Nord pendant la guerre de Sécession; le blocus des ports de la Baltique par le Danemark pendant la guerre dite des Duchés (1864); celui des ports du Pérou et de la Bolivie par le Chili en 1880 (2); celui des ports du Chili par lui-même pendant la guerre civile de 1889; enfin celui des côtes de Cuba par l'Amérique en 1898 (3). Les gouvernements intéressés ont toujours soutenu énergiquement la validité de ces blocus dont certains. étaient cependant maintenus par un seul croiseur et violés à l'envi par les vaisseaux neutres.

à la communication faite par celui-ci de la déclaration du Congrès de Paris (28 juillet 1856): « Si des disputes ont eu lieu quant aux blocus, l'incertitude était dans les faits et non dans les lois. Les nations qui ont eu recours aux blocus sur le papier ont rarement et n'ont même jamais entrepris de justifier leur conduite par les principes: elles ont généralement admis l'illégalité de cette pratique et indemnisé les parties lésées. Ce que l'on doit entendre par « une force réellement suffisante pour interdire l'accès de la côte ennemie » a été une question fréquemment et rigoureusement débattue, et certainement la déclaration en répétant simplement une maxime incontestée de droit maritime n'enlève rien au sujet de sa difficulté. La question de la quotité de force requise pour constituer un blocus effectif reste sans solution et aussi sujette à discussion qu'avant l'adoption de la déclaration par le Congrès de Paris » (Ortolan, op. cit., Appendice no XX, t. II, p. 488).

(1) Paul Fauchille, op. cit., p. 140.

(2) Paul Fauchille, op. cit., p. 112-128.

(3) Le Fur, Chronique sur la guerre hispano-américaine, dans la Revue générale de droit international public, t. V (1898), p. 766 et suiv.

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