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désintéressée qui lui a déjà valu l'alliance de l'Angleterre. L'existence d'un état ami lui sera plus utile qu'une possession incertaine, contestée à la fois par les populations elles-mêmes et par l'Europe.

« Les sérieuses discordes chez un peuple, dit un écrivain qu'on n'accusera point d'être l'ami des révolutions, M. de Châteaubriand, prennent leur source dans une vérité quelconque qui survit à ces discordes : souvent cette vérité est enveloppée, à son apparition, dans des paroles sauvages et des actions atroces; mais le fait politique ou moral qui reste d'une révolution est toute cette révolution. »

Quel est le fait sorti des évènemens de 1830? Ce fait est l'indépendance belge, à des conditions avouées par l'Europe.

Pourquoi la révolution du XVIe siècle n'a-t-elle point amené ce résultat? C'est que la Belgique, ayant obtenu la réparation des griefs politiques, s'est désistée en quelque sorte, ne voulant point adopter les griefs religieux de la Hollande et s'associer à l'Europe septentrionale et protestante il y a, dans cette double issue de la révolution du XVIe siècle, si mal expliquée par les historiens, un argument invincible contre l'union de la Belgique et de la Hollande. Cette union a été projetée en 1576 à Gand; elle a été, trois ans après, rompue à Utrecht; renouvelée en 1815, les évènemens de 1830 sont venus la rompre de

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nouveau.

Pourquoi la révolution de 1788 n'a-t-elle pas assuré à la Belgique l'indépendance, en brisant les derniers liens qui l'unissaient à l'étranger? C'est que, pour réussir, il ne suffit point qu'une révolution soit légale dans son origine; il lui faut un but fixe, un but qu'elle sache

rattacher aux intérêts des autres peuples. Or, les révolutionnaires de 1788 n'avaient l'intelligence d'aucune des conditions d'ordre européen qui auraient pu rendre l'indépendance belge possible; ils ont cru que l'existence tout entière d'un peuple se renferme dans les limites de son territoire, que chaque individualité nationale ne relève que d'elle-même, méconnaissant ainsi toutes les lois qui régissent l'ensemble des sociétés européennes. Si, avant d'être vaincus, ils avaient proclamé l'indépendance du pays, en maintenant la monarchie, en fortifiant le gouvernement central, en déférant la couronne à un prince de la maison d'Autriche, ils auraient imprimé une tout autre direction aux évènemens; cette tentative eût obtenu l'appui de Louis XVI, de l'Assemblée constituante et probablement de l'Angleterre, et si elle n'avait point réussi, du moins la raison politique eût pu l'avouer. Aux prises avec des idées rétrogrades ou extrêmes, la révolution de 1788 n'a proclamé aucun des principes politiques et monarchiques qui pouvaient la faire adopter par l'Europe.

Pourquoi la révolution de 1830 a-t-elle échappé au sort de celle de 1788? C'est qu'elle a reconnu toutes les lois générales que celle-ci avait niées; pacifique au dehors, monarchique au dedans, dès les premiers jours elle a tendu la main à l'Europe; et cette main, l'Europe ne l'a point repoussée. Certes, cette révolution a été secondée par un concours unique de circonstances; mais matériellement ces circonstances n'auraient point suffi; elles n'étaient point telles qu'elles pussent affranchir à jamais la Belgique des lois générales de l'Europe.

Le fait de septembre n'était, dans son origine, qu'une insurrection contre la Hollande; il pouvait dégénérer en une insurrection contre l'Europe.

C'est le but des traités de 1815 qu'il faut rechercher.

Les moyens peuvent subir des transformations, pourvu que le but subsiste et soit atteint.

La création du royaume des Pays-Bas n'était pas le but, mais seulement le moyen.

La révolution belge, en rompant l'union de la Belgique et de la Hollande, a porté atteinte aux traités quant au moyen; mais, en proclamant l'indépendance, en maintenant la séparation de la Belgique d'avec la France, elle a respecté les traités dans leur but.

Par la destruction du moyen, les traités ont été violés dans ce qu'ils ont de transitoire et de variable.

Par l'anéantissement du but, ils auraient été violés dans ce qu'ils ont de constitutif et d'incommutable.

La Belgique ne s'est pas rendue coupable de cette dernière violation.

Les cinq grandes puissances, en signant le traité qui constitue le nouveau royaume de Belgique, ont donc pu dire avec raison, dans le préambule de cet acte, que les évènemens de 1830 ont seulement apporté des modifications aux transactions de l'année 1815; d'après les expressions du protocole du 20 décembre, qui avait posé en principe l'indépendance future de la Belgique, il ne s'agissait que de remédier aux dérangemens survenus dans le système établi par les traités de 1814 et 1815.

Qu'importe après cela que les hommes qui ont amené cette réconciliation entre la Belgique et l'Europe, aient été long-temps calomniés : le résultat est venu les justifier, et ce résultat, ils l'avaient patiemment attendu, sans colère et sans désespoir. Un ancien, dit-on, s'était rendu insensible au poison: à la longue la calomnie devient son propre antidote.

Les extrêmes en tout genre se sont coalisés, sommant la révolution de s'attaquer à l'Europe; les contre-révolutionnaires se sont accordés avec les ultra-révolutionnaires

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pour flétrir la marche politique du gouvernement de Léopold: accord étrange, propre à exciter les défiances des vrais patriotes. Que si la révolution de 1830 avait adopté ce système prétendûment énergique, anti-diplomatique, anti-Européen, républicain et propagandiste, tant préconisé depuis deux ans, grande eût été la joie des partisans de la dynastie déchue, de tous les ennemis de notre indépendance. Le jour serait venu, où ils auraient dit : << Vous n'avez su vous faire une place parmi les nations; peuple de quatre millions d'hommes, vous avez voulu » vous faire un droit public à vous-mêmes; vous vous >> êtes crus assez forts pour vous imposer à l'Europe, au >> lieu de transiger avec elle; vous avez laissé passer le » moment où la transaction était possible; vous n'avez » pas prévu l'exténuation progressive du principe révolu>>tionnaire; et le jour de la réaction est arrivé sans que » vous vous fussiez créé des droits aux yeux des cabinets: » vainement vous avez essayé de précipiter l'Europe dans » une lutte générale; vous avez misérablement parodié la » Convention. La science sociale vous a manqué. Votre ré»volution n'a pas su se procurer cette sanction politique indispensable aux peuples qui veulent être; vous n'oc» cuperez pas même dans l'histoire cette place que don» nent les grands crimes; car vous n'êtes pas parvenus à >> faire tout le mal que vous projetiez dans votre délire. »

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Telle est la condamnation que le parti contre-révolutionnaire eût un jour prononcée contre la Belgique; lorsqu'au nom de l'honneur du pays, ce parti demande un changement de système, lorsqu'il provoque à la violation des engagemens contractés envers les puissances, c'est qu'il n'ignore point que la révolution s'est sauvée en entrant dans la voie diplomatique, qu'elle se compromettra, qu'elle périra le jour où elle aura le malheur de sortir de cette voie.

Que de fois nous a-t-on dit de porter les regards au-delà de l'Atlantique! Que de fois nous a-t-on proposé pour modèles les révolutions américaines, les fondateurs des États-Unis du Nord, Washington et Franklin! L'Amérique a pu répudier la diplomatie: occupant un vaste territoire, entourés de déserts, ici les peuples ont pu se faire leurs propres limites; il leur suffisait de refouler dans l'intérieur des forêts et des steppes ces tribus nomades dont Cooper nous a raconté les dernières migrations. Le système de l'équilibre des états est encore à créer pour le Nouveau-Monde; s'il eût existé, Washington et Franklin en auraient subi les conséquences. La lutte entre François Ier et Charles-Quint préparait ce système dans la vieille Europe, peu de temps après que Colomb eût découvert un autre continent.

Quelques personnes ont regardé la publication de cet ouvrage comme inopportune, et ont pensé que l'auteur aurait dû attendre le dénouement des négociations, avant de publier un écrit que les évènemens devanceront bientôt et laisseront incomplet. L'auteur dira en peu de mots ce qui l'a porté à entreprendre cette tâche. Il a lu la plupart des ouvrages auxquels la révolution de 1830 a donné le jour en Belgique et à l'étranger, et, après cette lecture, il lui a semblé qu'il avait un devoir à remplir envers son pays, envers ses amis politiques, envers luimême. On trouverait difficilement l'exemple d'attaques plus multipliées et plus violentes, et il faut que la révolution de 1830 soit bien forte de son droit, pour avoir pu, malgré un silence presque absolu, se soutenir dans l'opinion du monde. Aucun évènement n'a été plus étrangement défiguré : l'ignorance et la haine n'ont rien. respecté.

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