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CHAPITRE IX.

Deuxième ministère du Régent. Situation politique au

d'avril 1850.

commencement

Le deuxième ministère du Régent s'installa le 28 mars '; deux grands faits ont marqué sa courte et orageuse existence je veux dire l'avènement du Roi, et la transaction du 26 juin avec la Conférence. Ces deux faits sont inséparables; l'un n'était pas possible sans l'autre; ceux qui acceptaient l'un et répudiaient l'autre, ceux qui ont glorifié l'un et flétri l'autre, n'avaient l'intelligence ni de notre situation, ni de celle de l'Europe.

Cette double situation, nous la retracerons en peu de mots, en insistant sur plusieurs circonstances qui n'ont pas assez vivement frappé la plupart des esprits, alors encore sous l'influence des premières illusions révolution

naires.

La Conférence avait déclaré le royaume-uni des PaysBas dissous; la Hollande avait accepté les conditions de cette dissolution, la Belgique les avait rejetées.

La Belgique avait cru se faire des conditions meilleures

en décernant la couronne à un prince français; l'Europe

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Finances, M. Ch. de Brouckere; et, depuis le 30 mai 1831, M. Duvivier.
Guerre, M. d'Hane de Steenhuyse; et, à partir du 16 juin, M. de Failly.
Ministre d'état, M. Devaux.

ne pouvait permettre à la France d'accepter ce présent, et la France le refusa.

Pour faire échouer une candidature hostile, la France s'était concilié le Congrès belge en refusant d'adhérer aux bases de séparation '; le danger passé, la France se retrouva seule en présence des autres puissances, et ne tarda pas à se joindre à elles.

Le refus du duc de Nemours et le rejet des conditions d'indépendance avaient relevé en Belgique l'espoir du parti contre-révolutionnaire; l'abandon apparent de la France avait achevé de jeter le découragement dans l'esprit des patriotes réfléchis, que l'exaltation générale ne parvenait pas à distraire ou à égarer. L'anarchie était partout, dans les lois et les intelligences, dans l'administration et dans l'armée. L'association nationale se forma, et sauva la révolution à l'intérieur; adversaire à la fois de la restauration et de la diplomatie, ce qu'elle demandait, c'était la guerre; comme adversaire de la restauration, elle était l'auxiliaire du gouvernement; comme ennemie de la diplomatie, elle était l'ennemie du ministère lui-même. Le ministère eut le bon esprit de ne la considérer que sous le premier point de vue.

Telle était la situation intérieure du pays; et, au dehors, germait et se développait, à l'ombre des cabinets, une pensée fatale: ressource extrême pour les uns, réparation pour les autres.

Le 1er février, le ministre des affaires étrangères de France écrivit à M. Bresson pour lui ordonner de ne point notifier au gouvernement belge le protocole du 27 janvier; cette lettre fut communiquée au Congrès à l'ouverture de la séance du 3. Elle se terminait par ces mots : « La Conférence de Londres est une médiation, et l'intention du gouvernement du Roi est qu'elle ne perde jamais ce caractère. »

A la suite d'explications données au gouvernement français, et annexées au protocole, no 20, du 17 mars 1831, la France reconnut à la Conférence le caractère d'arbitre.

Il faut nous arrêter un moment pour nous rendre compte de la succession des idées.

La France avait compris qu'elle ne pouvait accepter la Belgique que du consentement de l'Europe, et qu'elle n'obtiendrait jamais ce consentement.

L'Angleterre et les trois puissances du Nord avaient désiré la restauration, soit par un retour complet à la Hollande, soit au moyen de la séparation administrative; mais cette restauration, dans les circonstances où se trouvait l'Europe, ne pouvait être que l'effet d'un mouvement intérieur, et les évènemens du mois de mars venaient de démontrer combien le peuple belge était peu disposé à s'y prêter.

La France avait donc cessé de compter sur la réunion, les autres puissances sur la restauration.

La Belgique, de son côté, venait de rejeter les conditions d'une indépendance future, en protestant contre les protocoles du 20 et du 27 janvier, et de renier en apparence le principe même de l'indépendance, en offrant le trône à un prince français.

Ne pouvant donc ni exister par elle-même, ni se réunir à la France, ni retourner à la Hollande, la Belgique venait se heurter contre une triple impossibilité; et le tage se présentait comme un dernier expédient.

par

On avait d'ailleurs reconnu les vices de l'organisation du royaume-uni des Pays-Bas ; le partage les eût corrigés, en adjoignant à la Hollande seulement deux millions d'hommes environ, au lieu de quatre millions, et le nouveau royaume, partiellement restauré, eût offert plus de garanties de stabilité que l'ancien.

La France eût obtenu, sans guerre, un accroissement de territoire équivalant au moins aux conquêtes de Louis XIV: acceptant les traités ainsi modifiés de 1814 et 1815, elle se fût consolée des revers de Bonaparte.

La Prusse qui, depuis un siècle, ne fait que marcher, se fût établie sur l'une et l'autre rive de la Meuse et de la Moselle.

Enfin, peut-être l'Angleterre eût-elle fait d'Anvers un autre Gibraltar.

Encore un mot, car il faut tout dire : ainsi morcelée, ainsi dispersée, la Belgique n'eût plus jamais inquiété l'Europe; d'intervalle en intervalle, elle ne se fût point agitée dans la mort comme la Pologne. Écrasée sous le poids de quatre peuples, c'est vainement qu'elle aurait tenté de soulever la pierre de son tombeau. Nos provinces se seraient bientôt disjointes, perdant le souvenir l'une de l'autre notre nationalité naissante aurait péri sans retour. Parcourant la série des guerres qui ont ensanglanté la Belgique, l'on eût dit, en s'arrêtant à la révolution de 1830: Cette fois au lieu de se disputer le champ de bataille, on se l'est partagé.

Le projet de partage a été reproduit à plusieurs époques; impraticable aussi long-temps que le principe révolutionnaire était tout-puissant, les difficultés d'exécution venaient successivement s'affaiblir, et le jour serait venu où ce crime politique se serait consommé sans secousses comme sans remords.

Je n'ai pas de documens diplomatiques à rapporter pour établir l'existence du projet de partage'; à ceux qui la contesteraient, je n'ai, je l'avoue, à opposer que les considérations politiques que je viens de développer, et le témoignage des hommes qui, par leur position, ont pu être initiés aux secrets des cabinets. Pour ne pas abuser de confidences qui me sont personnelles, je me bor

'Les deux commissaires envoyés à Londres par le Régent ont, à leur retour, dénoncé le projet de partage au Congrès, M. Nothomb dans le comité général du 30 juin, M. Devaux dans la séance publique du 3 juillet : ces révélations n'ont guère pu être considérées à cette époque que comme des moyens diplomatiques.

nerai à rappeler les paroles prononcées en public par un honorable compatriote, qui a appartenu au gouvernement provisoire et au premier ministère du Régent:

<< On vous a dit, Messieurs, que l'Angleterre pourrait bien venir prendre possession de la citadelle d'Anvers. Il y a sept semaines que je vous ai annoncé que c'était le point le plus menaçant pour nous.

» Et ne croyez pas que j'aie jeté des paroles au hasard; j'avais de bonnes raisons pour m'expliquer ainsi.

Il y a deux mois à peu près que j'ai reçu les mêmes avertissemens. C'est depuis la fin de décembre 1830, ou depuis janvier 1831, qu'on s'est occupé de ces projets. Je regarde comme traître au pays tout ministre qui consentirait à l'évacuation de la citadelle d'Anvers, pour la faire occuper par l'Angleterre.

>> La France ne permettrait pas.......... Prenez-y bien garde, la France y consentira du jour où un partage médité depuis long-temps pourra s'exécuter. J'en ai parlé depuis plusieurs semaines. Si vous continuez à tergiverser, c'est la France et l'Angleterre qui couperont le nœud gordien; elles donneront une part à la Hollande, l'Angleterre aurait Anvers, on donnerait la rive droite de la Meuse à la Prusse, ainsi que la partie allemande du Luxembourg, et la France prendrait le reste. On a eu ce dessein en janvier 1831, et surtout en mars. Lorsque le projet de semirestauration n'a pu s'exécuter, on est venu au partage 1.

La situation était donc difficile à l'avènement du

1 M. Alexandre Gendebien, séance du 29 juin 1852. (Extrait du Moniteur belge, no 183.)

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