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eu d'autre fondement que des intérêts égoïstes. Mais le droit des nations n'admet que des raisons fondées sur la justice.

Pour être exacts nous distinguons, quant à l'objet: l'intervention dans les affaires constitutionnelles d'un pays de celle dans ses affaires de gouvernement, y compris les démêlés politiques de divers gouvernements entre eux. Quant à la forme, nous distinguons encore: l'intervention proprement dite, ou le cas où une nation intervenant comme partie principale dans les affaires intérieures d'une autre, cherche à lui imposer sa volonté par la force même des armes, de la simple coopération, ou du concours accessoirement prêté à une autorité ou à un parti quelconque de la nation dont les affaires intérieures l'ont motivé.

Enfin on peut user de simples mesures de précaution arrêtées en vue de dangers éventuels, telles que la paix armée,1 et d'une intercession purement officieuse, entreprise par une nation dans son propre intérêt ou dans l'intérêt d'une autre.

Ces formes et ces dénominations diverses d'intervention appartiennent encore à la pratique récente des États. C'est surtout le principe de coopération qui est devenu la base du traité de la quadruple alliance du 22 avril 1834 et de celui additionnel du 18 août de la même année. Cependant longtemps avant déjà il était en usage dans les affaires générales de l'Europe.

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Ces diverses mesures ont toutes pour but de provoquer dans les affaires intérieures d'un autre État un changement voulu. Décidément la nature différente des gouvernements ne modifie en rien le caractère des principes internationaux, bien que dans l'ancienne pratique la nature spéciale des États électifs et fédéraux ait fourni une vaste carrière à toute espèce d'intercession politique.3

1 Mot inventé en 1840 par M. Thiers.

2 V. Martens (Murhard), Nouveau Recueil. t. XI. 1837. p. 808 et t. XII. p. 716.

3 La Confédération germanique, dans un arrêt du 18 septembre 1834, avait adopté un système très-prononcé contre toute intervention étrangère. Martens (Murhard), N. Suppl. Gottingue 1842. p. 56. Il est inutile de

§ 45. Une intervention proprement dite, par laquelle une puissance, comme partie principale, intervient dans les affaires intérieures de constitution ou de gouvernement d'un État indépendant, ne peut être justifiée que dans les cas suivants:

I. Lorsque l'intervention s'opère avec le consentement formel de cet État, ou en vertu d'une clause expresse d'un traité public qui a pour objet la garantie de sa constitution ou de certains droits, dès que cette clause a été invoquée par l'une des parties contractantes. Des liens fédéraux ou de protection indissolubles peuvent encore motiver le droit d'opposition à des changements projetés ou bien faire provoquer, dans un intérêt de conservation, certains changements à introduire, ou certaines mesures à prendre que le maintien de ces liens rend nécessaires. Ainsi la Diète germanique jouissait du droit d'intervention dans les États de la Confédération, par rapport aux affaires qui touchaient aux institutions fondamentales et aux garanties de cette dernière.

II. Il y a lieu à des mesures d'intervention lorsque les changements intérieurs survenus dans un État sont de nature à porter préjudice aux droits légitimes de l'État voisin. Lorsque, par exemple, les changements auraient pour effet de dépouiller un souverain étranger de ses droits de succession éventuels ou de ceux seigneuriaux, devrait-il se laisser dépouiller de ces droits sans aucune opposition ni résistance?

III. Les nations qui admettent entre elles l'existence d'un droit commun et qui se proposent l'entretien d'un commerce réciproque fondé sur les principes de l'humanité, ont incontestablement le droit de mettre, d'un consentement commun, un terme à une guerre intestine qui dévore un ou plusieurs pays. S'affranchir, même par une intercession armée, d'un état d'inquiétude prolongé, et chercher en même temps à en prévenir autant que possible le retour, c'est resserrer des liens internationaux relâchés.

IV. Une intervention peut enfin avoir le but légitime d'empêcher l'ingérence non justifiée d'une puissance dans les affaires

rappeler que c'est sous la forme d'une intervention que se sont accomplis les premiers actes relatifs au partage de la Pologne.

intérieures d'un pays, lorsqu'elle est de nature à créer un précédent attentatoire à l'indépendance de plusieurs ou de tous les États. Nous en reparlerons dans la section relative aux obligations qui naissent d'actions illicites.

En dehors des cas qui viennent d'être indiqués, il n'existe aucune autre cause d'intervention effective. Ces causes en déterminent en même temps le but et le moyen. Le but, c'est l'exercice d'un droit établi, c'est la réparation d'une lésion qui y porte atteinte.. Le moyen, l'extrême remède, c'est la guerre, après que les voies pacifiques ont été épuisées.

Les événements et les changements survenus dans un pays qui sont de nature à menacer l'existence ou les intérêts des États limitrophes, autorisent seulement l'emploi de mesures préventives de précaution et des négociations amiables. Ainsi lorsqu'une révolution a éclaté dans un pays, lorsqu'une propagande s'y est formée dans le dessein manifeste de répandre au dehors des théories subversives, les gouvernements intéressés peuvent avoir recours à des mesures de police ou à l'établissement d'un cordon militaire, destinés à les contenir dans des limites étroites, ou bien encore à une demande de garanties. Ils peuvent en outre, si leurs intérêts ont été lésés, employer des mesures de rétorsion. De même des armements extraordinaires, sans un but clairement avoué, les autorisent à demander des explications catégoriques qui ne peuvent leur être refusées sans offense (§ 30 et 31 ci-dessus).1

Des hostilités qui ont éclaté entre deux États donnent aux autres le droit d'arrêter les mesures nécessaires pour prévenir le dérangement de l'équilibre politique; soit que, par une intercession amiable, ils réussissent à circonscrire le but et les limites des hostilités, soit que, par une alliance défensive, ils établissent un contrepoids suffisant, ou qu'ils arrêtent des armements suffisants au besoin pour la protection des intérêts individuels ou communs (la paix armée). Dans la pratique des

1 V. J. J. Moser, Vers. VI, p. 398. Fr. Ch. de Moser, Vom Rechte eines Souverains, den andern zur Rede zu stellen. Kl. Schriften VI, p. 287. Günther I, p. 293. On y trouve de nombreux exemples empruntés à la jurisprudence du siècle précédent. Le nôtre en offre également un grand nombre.

Heffter, droit international. 3e éd.

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nations l'intervention réelle a souvent pris la place d'une intercession ou de simples mesures de sûreté. La révolution française, les congrès de Troppau, de Laibach et de Vérone, ainsi que les affaires belges, ont provoqué des délibérations incessantes sur cette grave question, sans que les opinions diverNous gentes aient toujours réussi à se mettre d'accord.1 avons déjà observé que la prétention hautement avouée de fonder une monarchie universelle équivaudrait à une déclaration de guerre faite à l'indépendance de l'Europe (§ 30).

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§ 46. La conduite d'un souverain, quelque blâmable qu'elle soit, tant qu'elle ne porte aucune atteinte ni aucune menace aux droits des autres souverains, ne donne à ces derniers aucun droit d'intervention. Car aucun souverain ne peut s'ériger en juge de la conduite de l'autre. Néanmoins il est du devoir des autres de tenter auprès de lui les voies d'une intercession amiable, et si, malgré ces avis, il persévère dans sa conduite, s'il continue à fouler aux pieds les lois de la justice, il faudra rompre toutes les relations avec lui.

Il en sera autrement, et l'on pourra intervenir d'une manière effective, chaque fois que les choses en viennent à une guerre civile. En ce cas les puissances étrangères pourront assister celui des deux qui leur paraîtra fondé en justice, s'il invoque leur secours. La loi en effet est la même pour les États que pour les individus. Si elle permet à l'individu de voler au secours de son prochain menacé dans son existence ou dans ses droits fondamentaux, à plus forte raison le permettra-t-elle aux États souverains. 2 Il faut seulement que ces derniers n'usent pas légèrement de ce droit, car les notions de juste et d'injuste, étant sujettes à erreur, sont d'une application difficile. L'intervention impose en outre des sacrifices en hommes et en argent: elle peut créer à la partie intervenante des périls et des résultats désastreux. Dans tous les cas elle ne doit pas dépasser les limites naturelles, réglées 1 V. Wheaton, Internat. Law. II, 1. 4. Heiberg et de Rotteck, aux endroits cités. Pando, Derecho intern. p. 74.

2 Vattel, loc. cit. § 56. J. G. Marckart, De jure atque obligatione gentium succurrendi injuste oppressis. Harderov. 1748. V. aussi le § 30 ci-dessus.

d'avance, d'une coopération purement accessoire: elle ne doit pas non plus être imposée, et il faudra qu'elle cesse, dès que la partie qui l'a provoquée a cessé d'exister ou s'est soumise.

Ces principes s'appliquent en outre aux cas d'intervention dans les affaires religieuses d'une nation étrangère. Ils président notamment à la solution de la question de savoir s'il est permis à une nation d'intervenir en faveur de ses frères en religion qui sont l'objet de mesures d'intolérance et de persécutions dans un pays étranger. Ils expliquent en quelque sorte l'intervention des trois grandes puissances en Grèce et la légitimité de la bataille de Navarin.

IV. Droits internationaux accidentels.

§ 47. En examinant les droits fondamentaux des nations, nous avons déjà eu l'occasion d'expliquer en partie plusieurs droits accidentels qu'un État peut acquérir envers un autre par titres valables (§ 11 et 26). Ils retrouveront naturellement leur place dans les sections suivantes du présent livre, où nous traiterons des biens, des obligations et des actions. Le droit public de l'Europe n'admet pas une loi générale sur les successions. Mais rien ne s'oppose à ce que des traités spéciaux garantissent à un souverain étranger la succession éventuelle d'un territoire. Au moyen âge les pactes successoriaux furent assez fréquents. Ainsi, par exemple, ce fut en vertu d'un pacte successorial conclu en 1016 et 1018 que le royaume de Bourgogne (Arélat) échut en 1032 à l'Empire germanique. On rencontre encore aujourd'hui en Allemagne plusieurs de ces pactes d'une origine très-ancienne, et qui n'ont pas été mis hors de vigueur jusqu'à ce jour. En général le droit de succession qu'ils établissent est personnel en ce sens qu'il profite seulement à la famille régnante d'un pays, non au pays même. Ils portent le nom d'unions héréditaires (uniones hereditariae), quelquefois aussi celui de confraternités héréditaires (confrater

1 V. les développements chez Vattel, loc. cit. § 58-62. Schmelzing § 190.

2 Mascov, De regni Burgund. ortu etc. I, § 10.

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