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par une application du droit de postliminie", deviennent caduques.

Ce que nous venons de dire sur la condition de la propriété privée des sujets, s'applique également aux biens privés du souverain dépossédé temporairement. Aussi longtemps que le vainqueur n'aura pas acquis la possession complète du pouvoir suprême, il ne pourra disposer valablement de ces biens,1 pas plus que de ceux qui font partie des domaines de l'État.2 Mais il pourra incontestablement disposer toujours à titre provisoire des fruits et des revenus qu'il aura fait saisir.

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§ 134. L'occupation des choses incorporelles a toujours fourni aux auteurs l'occasion d'une controverse importante. Peuvent-elles être occupées ou saisies valablement? La plupart des auteurs se sont prononcés pour l'affirmative, en ce sens que, le débiteur une fois valablement libéré par le vainqueur, le créancier primitif ne pourrait plus se prévaloir à son égard des conséquences résultant du droit de postliminie. Les mêmes auteurs disaient en outre que la libération était valablement faite par le vainqueur, lors même que les débiteurs avaient leur domicile en territoire tiers ou neutre. A l'appui de leur

1 Ainsi jugé par la Cour de Cassation de Paris (Sirey XVII, 1. 217): „Le droit de conquête n'a d'effet au préjudice des princes que sur les biens qu'ils possèdent en qualité de princes, et non sur les biens qu'ils possèdent comme simple propriété."

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2 Jugement de la même Cour (Sirey XXX, 1, 280): La conquête et l'occupation d'un État par un souverain n'autorisent pas ce souverain à disposer par donation ou autrement du domaine conquis ou occupé." V. aussi Allgemeines Landrecht für die preufs. Staaten. I, 9, § 198.

8 Chr. Gottl. Schwartz, De jure victoris in res divictor. incorporales. Alt. 1720. de Kamptz, Beiträge zum Staats- und Völkerrecht. no. 9. B. W. Pfeiffer, Das Recht der Kriegseroberung in Beziehung auf StaatsCapitalien. 1823. Ferd. Ch. Schweikart, Napoleon und die kurhessischen Capitalschuldner. Königsberg 1833. de Kamptz, Litt. § 307. Ajoutez Vidari, p. 102.

4 Wildman II, 11, n'en excepte que les créances d'un État envers des particuliers.

théorie, ils ont invoqué la maxime romaine qui donnait à l'occupation de guerre (occupatio bellica) un caractère absolu. Ils en faisaient descendre une sorte de droit de confiscation, dont on s'est prévalu pendant plusieurs guerres du siècle dernier, pour se faire rembourser le montant des sommes qui étaient dues au gouvernement vaincu. Ils se sont prévalus des dispositions de différents traités de paix qui ont également sanctionné des spoliations semblables.1 Enfin, comme si tant d'arguments ne suffisaient pas, on a encore eu recours à un prétendu arrêt de la Cour amphictyonique. Il s'agissait alors d'une demande formée par la ville de Thèbes contre le peuple thessalien et dont elle aurait été déboutée après qu'Alexandre le Grand eut fait remettre à ce peuple le document original, lors de la destruction de la ville.2

Quoi qu'il en soit, nous croyons, au point de vue légal, devoir combattre cette doctrine, ainsi que la jurisprudence à laquelle elle a servi de base. C'est en effet un principe élémentaire que le payement fait à un autre qu'au vrai créancier, ou que la libération d'un tiers ne fait pas régulièrement cesser les droits du créancier. Pour se rendre compte d'une manière suffisante de l'état de la question, il faut distinguer premièrement des créances purement personnelles les obligations qui dérivent de droits réels, sans en former précisément la partie principale. Car celles-ci participent de la nature des immeubles et elles en partagent le sort pendant la guerre, conformément aux règles précédemment retracées par nous.

1 Schweikart, loc. cit. p. 74. 82 suiv. cite un grand nombre de traités pareils. V. aussi Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 7, p. 177. de Kamptz, Beitr. § 5 note 4. En général les exemples cités par ces auteurs contiennent des conventions faites en prévision de cas spéciaux et qui n'ont aucun caractère général.

10.

2 Cette histoire est racontée par Quintilien, Instit. orat. V, 111 suiv. Les auteurs ont traité cette question avec une certaine prédilection; v. Schweikart p. 53 suiv. L'arrêt en question n'est probablement qu'une pure fiction. V. Saint-Croix, Des anciens gouvernements fédératifs. p. 52. F. W. Tittmann, Ueber den Bund der Amphictyonen. 1812. p. 135. On ignore jusqu'aux termes de ce jugement, qu'on a essayé de recomposer d'après le passage sus - indiqué.

Parmi les créances d'un caractère personnel, nous remarquons d'abord celles qui ont pour but de fournir un équivalent de certains immeubles concédés à titre d'usage, comme les loyers et les fermages. Ces derniers appartiennent incontestablement à l'ennemi dès qu'il s'est mis en possession des immeubles. C'est à lui de décider s'il veut maintenir les baux: dès qu'il n'en a pas disposé autrement, ces baux sont censés être tacitement continués entre lui et les fermiers précédents.1 - Mais quant aux autres créances personnelles, ce serait peu conforme à leur vraie nature, que de les regarder comme étant susceptibles d'une possession réelle, par suite d'une occupation de guerre (occupatio bellica). La simple détention d'un titre ne confère aucunement le droit d'en poursuivre l'exécution: c'est une règle constante. 2 Une créance, chose essentiellement incorporelle ou personnelle, ne fait naître des rapports qu'entre le créancier et le débiteur; le créancier seul peut céder valablement ses droits à un tiers, à moins que la cession ne soit l'effet d'une autorisation donnée en justice. La guerre, avec ses chances incessantes de succès et de défaite, ne peut pas conférer aux belligérants un droit semblable. Le débiteur qui aurait été obligé de payer à la partie qui momentanément avait le dessus, supportera seul les conséquences de cet accident de guerre, conformément aux dispositions du droit civil. Il ne pourra opposer le payement à son créancier: ce dernier lui tiendra seulement compte des dépenses utiles. Celui qui a payé indûment a encore le droit d'exiger le remboursement de ses dépenses de celui qu'il a libéré valablement de poursuites ennemies. Mais ce sera seulement lors de la conquête définitive et en vertu des clauses formelles du traité de paix, que la question recevra une solution définitive, notamment dans le cas où le débiteur est à la merci de l'ennemi qui s'est emparé du territoire. Toutefois les actes accomplis par ce dernier ne peuvent jamais nuire à une tierce puissance.1

1 Ziegler, De juribus majest. I, 33, § ult.

2 de Kamptz, loc. cit. § 8.

3 Schweikart p. 94 suiv. 105. 109.

4 Les auteurs qui prétendent que les choses incorporelles peuvent faire l'objet d'une occupation, professent dans cette matière une opinion différente de la nôtre. V. de Kamptz, loc. cit. § 6. 7.

Heffter, droit international. 3e éd.

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Enfin, chacune des parties belligérantes pourra admettre ou refuser d'admettre les réclamations formées contre ses sujets par des sujets ennemis (§ 122), à moins qu'elle ne se trouve liée à cet égard par des conventions précédentes.1

Acquisition de choses mobilières.2

§ 135. Le butin est un mode d'acquisition régulier et généralement admis dans les guerres terrestres. Sous ce nom on comprend ordinairement toutes les choses mobilières et corporelles, enlevées à l'armée ennemie ou à quelques personnes qui en font partie, ou bien encore, par exception, à des individus étrangers à l'armée; comme, par exemple, lorsqu'une forteresse ou une place d'armes, à la suite d'une défense opiniâtre, aurait été livrée au pillage par ordre des chefs.

Le butin repose sur cette idée fondamentale que les armées ennemies sont réputées abandonner aux chances de la guerre tout ce qu'elles portent avec elles lors de leur rencontre. Le pillage de particuliers, autorisé dans certains cas exceptionnels, a au contraire pour but d'offrir aux troupes une espèce de récompense de leurs efforts extraordinaires. Sans doute il serait plus généreux, plus conforme aux préceptes de l'humanité, de ne permettre aucune dérogation semblable à la loi commune, puisque l'indemnité à accorder en pareil cas offrira toujours les plus grandes difficultés d'appréciation. Le plus souvent ces actes de brutalité frappent des innocents, ainsi que la pratique elle-même l'a constaté.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux que tout ce qui, en dehors des cas qui viennent d'être indiqués, a été enlevé par des troupes aux sujets du pays qu'elles occupent, doit être restitué aux propriétaires légitimes, conformément aux prescriptions de la discipline militaire. A plus forte raison les choses appartenant aux sujets ou aux troupes ennemies, lesquelles

1 Dans le traité conclu en 1794 entre l'Angleterre et les États-Unis on rencontre une disposition semblable. Wheaton IV, 1, § 12 (§ 305 édit.

de Dana).

2 d'Ompteda § 309. de Kamptz § 308. Grotius III, 6. Vattel III, 196. Vidari, p. 130.

leur ont été enlevées par des particuliers non militaires, ne seront pas l'objet d'une possession valable.1

Quant à la personne de l'acquéreur, la pratique des États, appuyée çà et là sur des textes positifs, distingue entre les choses qui forment le matériel d'une armée ou qui sont destinées aux opérations de campagne, et celles qui le sont exclusivement aux besoins des troupes, comme les caisses de guerre, les objets précieux, les objets d'équipement. Ces derniers échoient aux militaires ou aux corps de troupes qui les ont enlevés, tandis que l'artillerie, les munitions de guerre, les provisions de bouche appartiennent au souverain, qui ordinairement accorde une indemnité aux troupes qui s'en sont emparées.2 Suivant un ancien usage assez bizarre, les cloches d'une place conquise appartenaient au chef d'artillerie, lorsqu'elles avaient servi pendant le siége.3

§ 136. En examinant de plus près la nature du domaine qu'on appelle le butin de guerre, on s'aperçoit aisément qu'il n'a aucunement pour base la fiction qui regarde comme étant sans maître (res nullius) les biens conquis, car en réalité ils ne cessent d'appartenir à leurs maîtres précédents. L'absence d'une justice commune entre les parties belligérantes ne suffit pas non plus, comme nous l'avons dit, pour expliquer comment une possession essentiellement arbitraire peut se transformer en domaine. Si, comme dans le monde ancien, les États chrétiens n'admettaient entre eux aucune loi commune, la conquête serait toujours le mode d'acquisition le plus solide. Mais ce point de vue ne s'accorde plus avec la nature essentiellement tran

1 Struben, Rechtliche Bedenken. II, no. 20, professe une opinion différente. V. cependant Pufendorf VIII, 6. 21. Le Code général de Prusse I, 9, § 193. 197 a prescrit expressément que l'État seul peut accorder l'autorisation de faire du butin, et que le pillage des sujets ennemis étrangers à l'armée ne doit avoir lieu qu'en vertu d'une autorisation du chef de l'armée.

2 Allgemeines Landrecht für die preufs. Staaten. I, 9, § 195 suiv. V. aussi les anciennes lois militaires allemandes, par exemple celle dite Artikelsbrief de 1672, art. 73.

3 Moser, Vers. IX, 2, p. 109.

4 Pando p. 389.

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