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privés, les temples même n'y échappaient pas. Encore dans l'époque romano-chrétienne les tombeaux ennemis, dont la religion avait placé le culte si haut, n'étaient pas respectés.1 Tout ce qui, dès le commencement de la guerre, se trouvait sur le territoire ennemi, était la proie du vainqueur.2

Les lois présentaient cependant certaines différences entre elles par rapport à la personne de l'acquéreur. Ainsi les lois romaines admettaient cette distinction fondamentale que la prise de possession des terres ennemies (occupatio bellica) en rendait maître l'État vainqueur, tandis que les biens meubles devenaient la propriété des troupes qui s'en étaient emparées, de manière que les meubles conquis en commun furent partagés proportionnellement entre les individus, après certains prélèvements opérés au profit du fisc et des temples publics.3

Les coutumes modernes de la guerre ont consacré des principes différents, ainsi que nous l'avons déjà observé. La guerre n'est plus regardée comme un état de choses normal: elle ne dissout les rapports régulièrement établis qu'autant que la nécessité l'exige. Elle n'est pas un état d'hostilité éternelle entre les nations civilisées: elle ne perd surtout jamais de vue son véritable but, qui est le retour de la paix. Accident essentiellement transitoire, elle suspend seulement le règne de la paix. C'est un accident dont chacune des parties belligérantes profite avec une entière liberté pour conserver les avantages que lui procurent les succès de ses armes, sans qu'elle ait à en rendre compte devant une autorité quelconque. Mais toujours est-il constant que l'état de possession, résultant des succès de guerre, ne produit tous ses effets que par rapport aux États belligérants: par rapport à leurs sujets au contraire dans les limites seulement de la stricte nécessité. Depuis Grotius cette idée moderne de la guerre s'est fait jour avec une énergie persistante: sortie des ombres de la théorie, elle

1 Loi 4. Dig. de sepulcro violato. Loi 36. Dig. de religiosis:,, sepulcra hostium nobis religiosa non sunt.“

2 Loi 51. Dig. de acquir. rer. domin. Loi 12 pr. Dig. de captivis. * Grotius III, 6. 14 suiv. Cujas, Observat. XIX, 7. Vinnius ad § 17. Inst. de rer. divis. J.-J. Barthélemy, Oeuvr. div. Paris 1798. t. I, p. 1.

est appelée désormais à prendre place au sein des nations civilisées de l'Europe.1

§ 131. Du principe moderne de la guerre que nous venons d'énoncer, découlent naturellement les propositions suivantes:

I. La conquête totale ou partielle d'un territoire n'a pas pour effet direct de remplacer le gouvernement vaincu par le vainqueur, aussi longtemps que la lutte peut se continuer avec quelque chance. C'est seulement après avoir fait subir au peuple vaincu une défaite complète (debellatio, ultima victoria), après lui avoir enlevé la possibilité d'une plus longue résistance, que le vainqueur peut établir sa domination sur lui en prenant possession du pouvoir souverain, domination à la vérité usurpatrice, ainsi que nous l'expliquerons au chap. IV. Jusque là il ne pourra que séquestrer les domaines du gouvernement dépouillé provisoirement et de fait de ses prérogatives. pourra tirer parti de toutes les ressources dont disposait ce dernier et qui sont d'une réalisation facile, pour se dédommager de ses pertes. Ainsi il saisira les revenus de l'État; il prendra les dispositions nécessaires pour se maintenir en possession du territoire conquis. Mais on ne saurait prétendre que la conquête opère de plein droit une subrogation du vainqueur dans les droits du gouvernement vaincu.2

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1 Isambert dans les Annales politiques et diplomatiques (Paris 1823. Introd. p. CXV) a très-bien dit:,,Nous pensons avec Grotius qu'on acquiert par une guerre juste autant de choses qu'il en faut pour indemniser complétement les frais de la guerre; mais il n'est pas vrai que par le droit des gens on acquière le droit de la propriété entière des biens des sujets. On n'admet plus aujourd'hui le principe que la conquête engendre des droits. Il n'y a d'immuable, dans la pratique des nations, que les principes qui dérivent immédiatement du droit de la nature." Zachariae, 40 Bücher vom Staate. IV, 1, p. 102:,,Le droit des gens protége les biens des sujets ennemis: il n'est permis d'y toucher que par exception autant qu'il faut pour atteindre le but de la guerre. Car les biens particuliers des sujets ne font partie des forces de guerre des États que dans les limites du pouvoir qui appartient aux gouvernements sur les biens de leurs sujets." Comparez Halleck, ch. XIX.

2 Les monographies sur cette importante matière sont indiquées par de Kamptz § 307. La théorie de la plupart des auteurs est erronée en ce sens qu'ils confondent la simple occupation avec la prise de possession définitive. Cocceji, dans son Comment. sur Grotius III, 6, et dans sa dissert. De jure victoriae, a exposé la véritable théorie.

II. Une simple invasion ne produit aucun changement dans la condition de la propriété civile: mais il est évident que celle-ci ne pourra se soustraire aux conséquences de l'invasion ni aux exigences du vainqueur. Ces exigences porteront à la fois sur le fond du litige et sur les sacrifices déjà faits ou à faire encore pour le faire vider.

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Les particuliers répondent en outre de l'exécution des engagements contractés par l'État, tant envers leur propre gouvernement qu'envers l'ennemi vainqueur. En conséquence ce dernier pourra exiger des contributions, requérir des prestations en nature ou personnelles, et au besoin, s'il rencontre de la résistance, il emploiera la force et se mettra en possession des objets requis, sauf l'indemnité à fixer par voie de compensation ou autrement, lors de la conclusion de la paix. Il est impossible de tracer des règles précises sur l'étendue de la faculté dont jouit chacune des puissances belligérantes, de saisir les biens des sujets ennemis; car pendant la guerre les nations ne reconnaissent entre elles aucun juge supérieur. L'emploi d'actes de rétorsion et l'aggravation des conditions de la paix, lorsqu'un retour de la fortune permet de les imposer, sont les seuls remèdes aux excès dont l'une d'entre elles s'est rendue coupable à cet égard.

III. Les biens possédés dans le territoire de l'une des parties belligérantes par des sujets de l'autre, continuent à y être protégés par les lois et ne peuvent leur être enlevés sans une violation de la foi internationale.1 La partie qui s'en est emparée, pourra tout au plus les mettre sous séquestre, si cette mesure était de nature à lui faire obtenir plus facilement les fins de la guerre.

IV. La partie vainqueur doit éviter de commettre des ravages ou destructions de biens ennemis, dès que la raison de guerre ne les justifie pas, ainsi que nous l'avons déjà dit (§ 124). Les nations civilisées devraient même éviter en pareil cas l'emploi de représailles.

1 Comparez Massé, Droit commercial § 138.

État de la jurisprudence moderne.

§ 132. La pratique moderne de la guerre est entrée, il faut en convenir, dans une voie conforme aux principes ci-dessus expliqués, sans que toutefois elle en ait admis les dernières conséquences. Elle a au contraire maintenu quelques restes des anciens usages, dont aussi les théoriciens de l'école historique surtout se sont constitués les ardents défenseurs.

En effet, en ce qui concerne d'abord le domaine des biens appartenant au gouvernement vaincu, la pratique du siècle dernier a souvent confondu la simple invasion avec la conquête définitive (ultima victoria), et elle a fait découler de la première des conséquences qu'il faut attribuer à la seconde seulement. D'après un usage presque constant, le souverain victorieux, après s'être emparé de l'intégrité ou d'une partie du territoire ennemi, se faisait rendre par ses habitants l'hommage de sujétion. De nombreux auteurs continuaient à professer l'ancienne théorie, suivant laquelle les biens appartenant à l'ennemi étaient réputés sans maître (res nullius), et ils en concluaient que la conquête pourrait avoir pour effet une confiscation au préjudice du gouvernement vaincu. Le vainqueur disposait donc des terres par lui occupées comme de son domaine privé. C'est ainsi que George I, roi d'Angleterre, par un acte de cession ratifié le 17 juillet 1715, se fit transmettre le domaine des duchés de Brème, de Verden et de Stade par le roi de Danemark qui venait de les enlever en pleine paix à la Suède; car ce fut quelques mois après seulement que la guerre fut déclarée à ce dernier pays!1 Cette pratique s'est continuée pendant les guerres de l'Empire français au commencement de notre siècle. A l'égard des biens privés des sujets ennemis, le vainqueur se bornait à leur imposer des contributions et des réquisitions, ou à les soumettre aux besoins momentanés d'une marode disciplinée. Enfin les commandants

1 Martens § 277 note b. a cité d'autres exemples. Les auteurs anglais et américains défendent avec opiniâtreté le système par nous condamné. V. Oke Manning § 277 note 6. Wildman II, 9. Halleck, ch. XIX. Il est vrai qu'ils ont en leur faveur l'autorité de Grotius et de Bynkershoek.

de troupes ont toujours cherché à éviter autant que possible des ravages de propriétés ennemies, en ne les autorisant qu'en des cas exceptionnels.

Si l'on a réussi ainsi dans les guerres de terre à circonscrire le droit de l'occupation dans des limites raisonnables, un système différent, profondément attentatoire au principe de la propriété privée, a prévalu dans les guerres maritimes, ainsi que nous aurons l'occasion de l'expliquer. Il y a même quelques auteurs qui, nous le disons avec regret, professent encore sur les changements que produit la guerre dans les conditions du domaine public et de la propriété privée, certaines théories inconciliables avec la véritable nature des guerres internationales de nos temps. Cependant une conviction plus raisonnable s'est frayé le chemin tant en pratique que dans la littérature y relative.1

Effets de la conquête sur la condition de la propriété immobilière privée.

§ 133. Quant aux immeubles des sujets ennemis, on est depuis longtemps d'accord sur ce point que l'invasion ou l'occupation ennemie ne produit aucun changement dans leur condition légale et qu'ils ne passent plus, comme dans les anciens temps, entre les mains du vainqueur. Sous ce rapport, les auteurs modernes ne présentent aucune divergence d'opinion. Ils s'accordent à dire qu'une prise de possession a besoin d'être ratifiée lors de la conclusion de la paix, ce qui veut dire en d'autres termes que l'occupation est un fait insuffisant.2

Il en résulte que toutes les dispositions arrêtées par le vainqueur relativement à la propriété immobilière du territoire par lui occupé, n'ont aucune valeur légale, qu'elles ne produisent que des conséquences de fait qui, lors de la reprise,

1 V. surtout M. Vidari, Del rispetto della proprietà privata. Pavia 1867. et l'appendice à la fin de notre ouvrage.

2 Meermann, Von dem Recht der Eroberung. Erfurt 1774. Pufendorf VIII, 6. 20. Vattel III, § 195. 196. Klüber § 256. de Martens § 277. Wheaton IV, 2, § 16. Halleck, ch. XIX, 3. 1. Vidari, p. 63. 123.

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