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RECHERCHES

SUR

LA LÉGISLATION DES JUGEMENTS DE DIEU,

PRINCIPALEMENT EN BELGIQUE

ET ACCESSOIREMENT DANS LES PRINCIPAUX PAYS DE L'EUROPE,

PAR

M. J.-J.-E. PROOST,

DOCTEUR EN SCIENCES POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES A BRUXELLES.

L'état de la société au moyen âge se reflète tout entier dans l'histoire des redoutables épreuves des jugements de Dieu. L'homme y apparaît avec ses mœurs grossières, ses violences, son dédain de la vie. A cette époque, où le droit qui règne est le droit du plus fort, les peuples semblent en appeler à Dieu de la justice humaine. Dans leur ignorance profonde, l'ordalie constituait un droit placé au-dessus du droit commun, non pour le combattre, mais pour le garder, pour le suppléer quand il fait défaut, le redresser quand il dévie.

La pratique des jugements de Dieu dérivait donc d'un sentiment respectable. On était convaincu que la Divinité intervenait dans les affaires humaines, et qu'elle n'aurait pas permis le triomphe du vice sur la vertu, du coupable sur l'innocent. C'est, dit Aventinus, une très-ancienne

Commissaires rapporteurs: MM. M.-L. POLAIN et A. LE ROY.

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coutume chez les Germains de recourir à la majesté divine, qui est infaillible, lorsque dans les causes douteuses, surtout criminelles, nul témoignage ne saurait établir la vérité.

Sans doute c'était se faire une fausse idée de la manière dont le Tout-Puissant gouverne le monde; mais pareille croyance ne révélait-elle pas déjà le respect pour d'éternels et immuables principes, sans lesquels aucune société n'est possible et qui sont le palladium de l'ordre et de la véritable liberté ?

Le duel judiciaire, l'ordalie ou les épreuves du fer ardent, de l'eau bouillante et de l'eau froide, les épreuves de la croix et du corsned, telles étaient les principales formes qu'empruntait la législation des jugements de Dieu. Nous en exposerons les principes en cinq chapitres intitulés : Chapitre Ier, de l'origine et des caractères du duel judiciaire. Chapitre II, législation du duel judiciaire.

Chapitre III, abolition du duel judiciaire.

Chapitre IV, de l'ordalie ou des épreuves du fer ardent, de l'eau bouillante et de l'eau froide.

Chapitre V, des épreuves de la croix et du corsned, du cercueil (bahrgericht) et du bâton '.

1 Nulle part les jugements de Dieu ne sont plus en honneur que dans les Indes. Les lois et les usages les ont consacrés sur la terre des Brahmes. On y remarque neuf espèces d'épreuves: 1o de la balance, 2o du feu, 3o de l'eau, 4o du poison, 5o de l'eau dans laquelle on a baigné une idole, 6o du riz (cette épreuve correspond au judicium offae), 7° de l'huile bouillante, 8o du fer chaud, 9o de la statue de fer ou d'argent. J. GRIMM, Deutsche Rechts-Alterthümer, p. 935.

CHAPITRE IER.

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DE L'ORIGINE ET DES CARACTÈRES DU DUEL JUDICIAIRE. SOMMAIRE Fatalisme et superstitions des Germains. Lois salique et ripuaire. · La loi Gombette renouvelle l'institution du duel judiciaire. Combat sous le roi Gontran. Les Lombards admettent cette pratique. Guillaume-le-Conquérant a-t-il introduit le combat judiciaire en Angleterre ? L'Église chrétienne le condamne. Charlemagne. Ordonnances de saint Louis, de Philippe-le-Bel et de Louis X, rois de France. Combat à Douai. - Légende du chien de Montargis. - Loi de Grammont. Tribunal de paix à Liége. -Paix de Valenciennes. Thierri d'Alsace, comte de Flandre, admet la preuve du duel. Keure de la ville d'Anvers. - Conflit entre Jeanne de Constantinople, comtesse de Flandre, et Jean de Nesle, châtelain de Bruges. - Episode du sacrilége de Cambron. Duel judiciaire en matière civile. - Ordonnances de Henri Ier, roi d'Angleterre, et de Louis-le-Jeune, roi de France. Combat à Mons. Jean III, duc de Brabant, s'efforce de mettre Nombreux combats au Mont César à Louvain,

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un frein à cette coutume barbare.
Philippine accordée à la ville de St-Quentin.

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Charte

Les Germains, peuple guerrier par excellence, furent les premiers à terminer leurs différends par la voie des armes. Ils étaient fatalistes. Tacite nous les représente adonnés à toutes les superstitions. Ils vouent un culte aux femmes inspirées', consultent les auspices et possèdent, comme les Grecs, des forêts sacrées. Après leur conversion ils continuèrent à suivre une foule de leurs croyances; ils s'efforçaient de découvrir les choses cachées par des arts divinatoires et des espèces d'amulettes désignées en latin sous le nom de Sortes; de là, en cas de doute, pour trouver le coupable on recourait au sort.

Dans toutes les affaires, soit civiles, soit criminelles, on procédait d'abord par audition de témoins, les uns oculaires, et ceux-ci étaient produits par les parties, les autres simples

1

Vidimus, et sub Vespasiano, Velladam, diu apud plero que numinis loco habitam. Sed et olim Aurinam et complures alias venerati sunt, non adulatione, sed tanquam facerent deas. De moribus Germanorum, § 8.

... Auspicia sortesque ut qui maxime observant. Ibid., § 10.

examinateurs et ceux-là étaient au choix des juges. Lorsque l'accusé pouvait réunir en sa faveur la majorité de ces témoins, dont le nombre variait suivant la nature et la gravité des délits, son innocence était prouvée. Si les témoins lui étaient contraires, alors il avait la ressource de se purger ou par le serment ou par le combat auquel il provoquait son accusateur. Toutefois le serment n'était valable que lorsque l'accusé pouvait déterminer un nombre plus ou moins grand de personnes à jurer avec lui. C'était là ce qu'on appelait les conjurateurs. Quant à l'accusateur, il ne pouvait refuser le combat. Au résumé, le duel judiciaire était le droit du plus fort légalement établi. La loi salique ne l'admettait point comme preuve juridique tandis que la loi ripuaire et celles de la plupart des peuples barbares de cette époque en faisaient un moyen de conviction. Il est inscrit dans la loi Gombette, publiée à Lyon par le roi Gondebaud en 501. Ce prince, comme le remarque Montesquieu, en a donné lui-même le motif : c'est, y est-il dit, pour qu'on ne fasse plus de serment téméraire sur des faits obscurs et de faux serments sur des faits certains.

Grégoire de Tours nous a laissé le récit d'un combat judiciaire qui eut lieu vers 590. Le roi Gontran, chassant dans la forêt des Vosges, trouva les restes d'un buffle tué en dépit des ordonnances du monarque. Son forestier en accusa le chambellan Chundon; mais celui-ci, conduit à Châlons et confronté avec son accusateur, lui donna un démenti. Gontran ayant alors ordonné le combat, un neveu du chambellan lui servit de champion. La lutte fut vive : le forestier et son adversaire restèrent sur la place. A cette vue Chundon se mit à fuir vers l'asile de l'église de St-Marcel. Il ne put cependant échapper à la colère du roi qui le fit

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