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de cassation. Le procureur général, M. Dupin, combattit l'exception et soutint énergiquement le droit de la juridiction territoriale, ainsi que le principe que les navires de commerce ne peuvent prétendre aux mêmes immunités que les navires de guerre. L'arrêt qui intervint confirma ces conclusions, en même temps que celles de la cour impériale de Rouen, qui, dans l'origine, avait reconnu la pleine et entière compétence des tribunaux français, et le coupable fut finalement condamné à un juste châtiment par la cour d'assises de la Seine-Inférieure.

Cet arrêt était basé sur l'argumentation suivante :

« Les bâtiments de commerce, entrant dans le port d'une nation autre que celle à laquelle ils appartiennent, ne pourraient être, sans danger pour le bon ordre et pour la dignité du gouvernement, soustraits à la juridiction territoriale toutes les fois que l'intérêt de l'Etat dont ce port fait partie se trouve engagé.

<< Tout Etat est intéressé à la répression des crimes et des délits qui peuvent être commis dans les ports de son territoire, non seulement par des hommes de l'équipage d'un bâtiment de commerce étranger envers des personnes ne faisant pas partie de cet équipage, mais même par des hommes de l'équipage entre eux, soit lorsque le fait est de nature à compromettre la tranquillité du port, soit lorsque l'intervention de l'autorité locale est réclamée, soit lorsque le fait constitue un crime de droit commun que sa gravité ne permet à aucune nation de laisser impuni, sans porter atteinte à ses droits. de souveraineté juridictionnelle et territoriale, parce que ce crime est par lui-même la violation la plus flagrante des lois que chaque nation est chargée de faire respecter dans toutes les parties de son territoire.

« Un souverain étranger n'a aucun intérêt à revendiquer qu'i soit fait exception à l'application de ces principes en faveur de bâtiments de commerce, à moins de traités spéciaux intervenus entre Etats et dans les limites de ces traités...

« Dès lors, à l'exception de ce qui concerne la discipline et l'administration intérieure du bord, dans lesquelles l'autorité locale ne saurait s'ingérer et pour lesquelles il y a lieu de respecter les droits réciproques concédés par un usage général entre les diverses nations, les bâtiments de commerce restent soumis à la juridiction territoriale (1). »

§ 461. Ces principes sont généralement appliqués par les puis

(1) Cassation, 25 février 1859. (Journal du Palais, 1859, p. 420.)

Jurispru dence américaine.

Compétence de l'autorité territoriale.

1859.

Cas survenu

du Havre, à

vire nord.

américain.

soumet les capitaines de ces navires à la juridiction anglaise. La cour des cas réservés conclut à ce que l'acte délictueux imputé au capitaine de la Franconia devait être jugé conformément aux lois allemandes *.

§ 459. Nous venons d'exposer les circonstances dans lesquelles les navires de commerce étrangers échappent à l'action de la juridiction territoriale, et de montrer que le principe de l'exterritorialité ne peut être invoqué pour eux qu'autant qu'il s'agit de leur situation intérieure, de faits accomplis à leur bord et sans corrélation aucune avec la police locale. Il nous reste à parler des cas concernant les bâtiments marchands dans lesquels l'exercice de la souveraineté territoriale reprend tout son empire et exclut tout privilège, toute exception de juridiction. Ces cas embrassent naturellement tous les crimes ou les délits commis par des marins, soit à terre ou à bord à l'égard d'étrangers, soit dans des conditions qui troublent l'ordre public ou affectent les intérêts du pays dans les eaux duquel le navire est mouillé. Il faut y ajouter les affaires dans lesquelles les parties intéressées requièrent spontanément l'intervention, l'aide et l'appui de l'autorité locale. Avant de citer quelques exemples, disons en termes généraux, que pour tout crime ou délit commis à terre, les agents de la force publique du pays ont le droit absolu de poursuivre le coupable, même à son bord, s'il est parvenu à s'y réfugier, sauf dans ce dernier cas à se concerter au besoin avec le consul de la nation intéressée. Un navire marchand mouillé dans un port étranger ne jouit pas, en effet, du privilège d'asile assuré aux bâtiments de la marine militaire, en dehors, bien entendu, des exceptions stipulées conventionnellement.

§ 460. En 1859, il se commit à bord d'un navire américain dans le port mouillé dans le port du Havre un crime qui jeta le trouble et bord d'un na- l'alarme parmi la population de la ville. Le second de ce navire donna la mort à un de ses matelots et en blessa grièvement un autre. Les équipages des autres navires à l'ancre dans le port montrèrent une irritation extrême, voulant appliquer sans délai la loi du lynch au coupable; mais l'auteur du crime parvint à se soustraire au danger dont il se voyait menacé, et se remit volontairement entre les mains des autorités françaises. Il fut traduit pour meurtre devant les assises de la Seine-Inférieure. Son avocat présenta une exception d'incompétence, qui dut être déférée à la Cour

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Clunet, Journal du droit international privé, 1877, pp. 161 et seq.; Hall, International law, p. 166.

de cassation. Le procureur général, M. Dupin, combattit l'exception et soutint énergiquement le droit de la juridiction territoriale, ainsi que le principe que les navires de commerce ne peuvent prétendre aux mêmes immunités que les navires de guerre. L'arrêt qui intervint confirma ces conclusions, en même temps que celles de la cour impériale de Rouen, qui, dans l'origine, avait reconnu la pleine et entière compétence des tribunaux français, et le coupable fut finalement condamné à un juste châtiment par la cour d'assises de la Seine-Inférieure.

Cet arrêt était basé sur l'argumentation suivante :

« Les bâtiments de commerce, entrant dans le port d'une nation autre que celle à laquelle ils appartiennent, ne pourraient être, sans danger pour le bon ordre et pour la dignité du gouvernement, soustraits à la juridiction territoriale toutes les fois que l'intérêt de l'Etat dont ce port fait partie se trouve engagé.

<< Tout Etat est intéressé à la répression des crimes et des délits qui peuvent être commis dans les ports de son territoire, non seulement par des hommes de l'équipage d'un bâtiment de commerce étranger envers des personnes ne faisant pas partie de cet équipage, mais même par des hommes de l'équipage entre eux, soit lorsque le fait est de nature à compromettre la tranquillité du port, soit lorsque l'intervention de l'autorité locale est réclamée, soit lorsque le fait constitue un crime de droit commun que sa gravité ne permet à aucune nation de laisser impuni, sans porter atteinte à ses droits de souveraineté juridictionnelle et territoriale, parce que ce crime est par lui-même la violation la plus flagrante des lois que chaque nation est chargée de faire respecter dans toutes les parties de son territoire.

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<«< Un souverain étranger n'a aucun intérêt à revendiquer qu'i soit fait exception à l'application de ces principes en faveur de bâtiments de commerce, à moins de traités spéciaux intervenus entre Etats et dans les limites de ces traités...

« Dès lors, à l'exception de ce qui concerne la discipline et l'administration intérieure du bord, dans lesquelles l'autorité locale ne saurait s'ingérer et pour lesquelles il y a lieu de respecter les droits réciproques concédés par un usage général entre les diverses nations, les bâtiments de commerce restent soumis à la juridiction territoriale (1). »

§ 461. Ces principes sont généralement appliqués par les puis

(1) Cassation, 25 février 1859. (Journal du Palais, 1859, p. 420.)

Jurispru dence américaine.

Cas de l'Anémone.

1875.

sances maritimes. Cependant, la jurisprudence mexicaine fait exception à la règle les tribunaux du Mexique se déclarent incompétents pour connaître d'un crime commis dans un port mexicain par un étranger sur un autre étranger à bord d'un navire étranger, si la tranquillité du port n'a pas été troublée et si le délinquant et l'offensé font tous deux partie de l'équipage.

§ 462. Ainsi jugé le 15 mars 1876 par la première chambre de la Cour suprême de justice du Mexique, dans l'enquête relative à l'homicide commis le 3 octobre 1875 sur la personne du matelot Auguste Durand par M. Eugène Antoni, capitaine du bâtiment français l'Anémone, mouillé à l'île de Carmen, juridiction de Campêche; la Cour a ordonné la mise immédiate en liberté des personnes qui avaient été arrêtées. Elle a fondé sa décision sur ce qu'il n'était pas établi que le délit en question eùt troublé la tranquillité des habitants du port de l'île de Carmen, ni que les marins et les autres personnes qui se trouvaient à bord du bâtiment français. eussent demandé protection aux autorités mexicaines ni formé une accusation d'homicide, mais qu'ils avaient simplement porté à terre le cadavre de Durand, afin de rendre compte à l'autorité; qu'il n'existait point de traités entre la République Mexicaine et la France; qu'en conséquence le cas présent devait être régi par le droit de réciprocité; qu'Antoni comme Durand étaient de nationalité française et que le bâtiment l'Anémone était couvert par le pavillon français; que la victime n'était pas une personne étrangère à l'équipage. D'où il résultait qu'on ne se trouvait pas en présence d'une des circonstances qui, d'après le code pénal mexicain et conformément au droit de réciprocité, peuvent donner compétence à la juridiction mexicaine (1).

Le savant publiciste italien, M. Pasquale Fiore, justifie ainsi ce mode de procéder :

« Il me paraît vraiment dangereux d'établir comme maxime que les crimes commis à bord d'un navire peuvent être punis par les tribunaux de l'État dans le port duquel le navire se trouve, quand la tranquillité du port n'a pas été troublée. Lorsque la sécurité et la tranquillité du port sont troublées, le droit de la souveraineté territoriale de punir en appliquant ses propres lois est certain et bien fondé. Quiconque par son fait porte atteinte à la sécurité et à la tranquillité publiques d'un État peut être jugé et puni conformément aux lois de l'État attaqué. Mais si le crime a été commis

(1) Clunet, Journal du droit international privé, 1876, p. 413.

à bord et n'a pas eu de conséquences extérieures, la raison de la gravité ne justifierait pas la compétence des tribunaux locaux. En effet, il est indubitable que la juridiction pénale suppose un fait, c'est-à-dire la violation d'un droit protégé par la loi; or un tel fait ne pourrait se supposer: si la loi qu'on dit violée n'avait pas autorité et empire là où la violation a lieu. Sans cela comment supposer que les prescriptions de la loi aient été violées ? C'est un principe généralement accepté qu'à bord du navire règne la loi pénale de l'État qui couvre le navire de son pavillon; c'est cette loi qui sauvegarde les droits des personnes qui se trouvent à bord du navire; par conséquent c'est d'après cette loi que le juge doit juger et punir le malfaiteur.

<«< Si l'on admet la compétence des tribunaux territoriaux, il s'ensuit que ces tribunaux doivent juger et punir d'après la loi de leur État; or comme cette loi n'a pas d'autorité à bord du navire, comment pourrait-elle être appliquée pour infliger la peine? D'ailleurs les magistrats ne pourraient non plus appliquer les lois pénales de l'État du navire. Il en résulterait donc l'inconvénient que le malfaiteur serait puni d'après une loi qu'il n'aurait pas violée.

<«< D'autre part, je ne puis admettre que les autorités locales doivent demeurer indifférentes. Cela pourrait souvent entraîner l'impunité, surtout si le capitaine du navire marchand ne faisait pas ce qu'il faut pour conserver les preuves du crime... »

§ 463. En 1856, un pilote français dénonça à l'autorité compétente les mauvais traitements et les actes de brutalité dont il avait été l'objet de la part du second d'un navire américain qu'il s'était chargé de conduire. Des poursuites judiciaires ayant été entamées par le procureur impérial du Havre, le second déclina la compétence des tribunaux français; en même temps, le consul américain revendiqua la connaissance de l'affaire, en se fondant sur l'article 8 de la convention consulaire conclue en 1853 entre la France et les États-Unis.

Cette convention adopte, pour les actes de discipline intérieure, le principe de la jurisprudence anglaise et soumet tous les cas de cette nature aux consuls, à l'exclusion des autorités locales.

Le ministre des affaires étrangères, consulté sur le sens et la portée de cette convention, déclara « qu'il lui était difficile de comprendre comment le consul des États-Unis avait pu se fonder sur le texte de la convention pour produire une pareille réclamation; qu'il n'était certainement pas entré dans l'esprit des négociateurs de soumettre à la juridiction consulaire la connaissance

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