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nous autorise bien à prendre nos précautions et à nous mettre de bonne heure en état de défense; mais il ne nous donne aucun droit d'attaquer, pas même pour donner simplement à celui qui nous est suspect quelque sûreté réelle, à la faveur de laquelle on se croie désormais à couvert de toutes ses insultes (1). »

§ 114. Vattel admet qu'un État peut offrir ses bons offices à un autre pour le règlement de ses affaires intérieures ou particulières ; mais il combat, comme un acte d'hostilité injustifiable, toute immixtion qui n'a pas été librement provoquée ou qui ne découle pas d'une obligation conventionnelle antérieure; aussi un souverain est-il en droit de traiter en ennemis ceux qui entreprennent de se mêler autrement que par leurs bons offices de ses affaires domestiques.

Cependant, ajoute Vattel, « si le prince, attaquant les lois fondamentales, donne à son peuple un légitime sujet de lui résister, si la tyrannie, devenue insupportable, soulève la nation, toute puissance est en droit de secourir un peuple opprimé qui lui demande son assistance. » De ces prémisses découle la conclusion que << toutes les fois que les choses en viennent à une guerre civile, les puissances étrangères peuvent assister celui des deux partis qui leur paraît fondé en justice. Mais on ne doit point abuser de cette maxime pour autoriser d'odieuses manœuvres contre la tranquillité des Etats. C'est violer le droit des gens que d'inviter à la révolte des sujets qui obéissent actuellement à leur souverain, quoiqu'ils se plaignent de leur gouvernement... »

§ 115. Fiore n'approuve pas cette opinion de Vattel, dont l'adoption, dit-il, ouvrirait un vaste champ à l'arbitraire. De quel droit en effet la puissance étrangère s'arrogeait-elle la faculté de juger lequel des deux partis est appuyé sur la justice? Sur quoi se baserait-elle pour prononcer son jugement ?... « Cette puissance étrangère assumerait une autorité qu'elle n'a pas, et prononcerait un jugement qui pourrait être faux... »

Aux yeux du publiciste italien, le principe d'intervention est contraire au droit primitif et au droit de la souveraineté nationale; en dehors de quelques cas exceptionnels, notamment lorsqu'il s'agit d'arrêter une révolution qui dépasse les limites du territoire national et peut devenir une cause de désordre pour les États limitrophes, l'intervention armée, de quelque manière et sous quelque forme

(1) Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, trad. par J. Barbeyrac, t. II, liv. VIII, chap. vi, § 5.

Vattel.

Fiore.

G.-F. Martens,

Wheaton.

Kluber.

qu'on veuille la considérer, est injuste et ne peut d'aucune façon être légitime; des conventions secrètes, les traités mêmes ne sauraient la légitimer.

A mesure que nous approchons de notre époque, la doctrine devient plus précise, plus complète et partant plus pratique.

§ 116. Martens convient qu'un État est fondé à s'opposer à certains changements opérés dans l'intérieur d'un autre État, soit lorsque ces changements sont contraires à des droits qui lui auraient. été accordés à titre particulier, soit lorsqu'ils sont incompatibles avec sa sûreté et sa conversation propres.

§ 117. Wheaton pose en principe que tout État, comme être moral distinct, indépendant de tous les autres, possède, en vertu de sa souveraineté, le droit de changer ou d'abolir la constitution de son gouvernement intérieur, d'accroître par tous les moyens honnêtes et légitimes son domaine national, sa richesse, sa population et sa puissance. L'exercice de ce droit ne peut être limité que par les droits correspondants des autres États, découlant du même droit primitif de conservation de soi-même. Aucun État étranger ne peut s'y ingérer, à moins que cette ingérence ne soit autorisée par quelque accord particulier, ou par un cas manifeste de nécessité de nature à porter directement atteinte à sa propre indépendance, à sa propre liberté, à sa propre sûreté. En fin de compte, Wheaton arrive à cette conclusion que « la non-intervention est la règle générale à laquelle les cas d'ingérence justifiable forment des exceptions, limitées par la nécessité de chaque cas particulier. »

§ 118. Kluber émet la même opinion, qu'il exprime seulement en termes différents : il ne reconnaît à aucun État, hors les offres de bons offices ou de médiation, le droit de se mêler des affaires intérieures d'un autre État, si ce n'est quand la nécessité l'excuse, ou bien en vertu d'un droit qu'il aurait acquis à juste titre ; et lors même qu'il serait appelé par un parti, en cas de dissensions dans l'intérieur sur la constitution, il ne doit pas le secourir à moins de raisons suffisantes, au nombre desquelles il faut mentionner particulièrement le cas où il aurait garanti la constitution (1).

(1) La garantie de la constitution de certains États par d'autres paraît avoir été autrefois un fait assez fréquent, dont on trouve des exemples jusque dans notre siècle. Nous citerons notamment la garantie de la paix de Westphalie de 1648, conséquemment de l'Empire germanique, par la France et la Suède ; de la constitution de la Pologne de 1775 par la Russie, l'Autriche et la Prusse ; de la consti

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§ 119. Le philosophe Kant regarde l'intervention dans les affaires intérieures et extérieures d'un État, qu'on ferait dériver uniquement de la nécessité de maintenir l'équilibre des puissances, comme étant, dans la plupart des cas, une atteinte aux principes généraux de l'indépendance des nations.

§ 120. Bello ne doute pas que chaque nation n'ait le droit de pourvoir à sa propre conservation et de prendre des mesures de sûreté contre un danger quel qu'il soit; mais il faut que ce danger soit grave, manifeste et imminent, pour qu'il soit légitime à un État d'exiger par la force qu'un autre change ses institutions à l'avantage de l'intervenant.

§ 121. De Cussy refuse aux États le droit d'intervenir dans les affaires intérieures d'un pays indépendant, hors le cas où leur propre sûreté pourrait se trouver compromise par suite de leur position limitrophe: en pareille circonstance le droit de leur conservation leur trace la ligne de conduite qu'ils doivent suivre.

§ 122. Sir Ed. Creasy non seulement justifie l'intervention; il en fait même un devoir dans les cas exceptionnels suivants :

1° Lorsqu'une autre puissance est déjà intervenue, de sorte que le but est non d'introduire, mais de faire cesser l'intervention; 2o lorsque le gouvernement de l'État dans les affaires duquel on intervient agit manifestement de manière à menacer les autres Etats d'hostilités effectives; 3° lorsqu'on intervient en faveur d'un peuple opprimé, qui n'a jamais fondu sa nationalité dans celle de ses oppresseurs, lesquels le regardent comme une race étrangère assujettie à la même autorité souveraine, mais traitée différemment sous d'autres rapports.

§ 123. Sir Travers Twiss reconnaît à toute nation, conformément à son droit de défense personnelle, la faculté de demander des explications, si dans les armements de son voisin elle voit un sujet immédiat d'alarme ou prévoit la possibilité d'un danger pour ellemême ou par ses alliés. Le refus de fournir ces explications, quand elles ont été demandées d'un ton courtois et dans un esprit amical,

Kant.

Bello,

De Cussy.

Creasy.

Travers

Twiss.

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tution de la République de Genève, ainsi que de l'édit de pacification de 1792, par la France, la Sardaigne et le canton de Berne; de la constitution de la République du Valais de 1802 par les Républiques française, italienne et helvétique ; de la constitution du duché de Wurtemberg par la Prusse, le Danemark et l'électeur de Hanovre en 1771; - de la constitution de la ville de Cracovie ; de la constitution du grand-duché de Saxe-Weimar-Eisenach par la Confédération germanique en 1817, etc.

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justifie des contre-armements et peut même quelquefois justifier des mesures immédiates de répression hostile.

Il reconnaît aussi le droit de s'opposer à l'agrandissement d'une nation, quand cet agrandissement est réellement nuisible aux droits d'autrui ou menace évidemment de le devenir.

Il admet enfin que, si une nation s'empare du territoire d'une autre en vue de diriger des opérations hostiles contre une tierce nation, celle-ci peut, en vertu de son droit de conservation personnelle, passer la frontière qui a été ainsi occupée, dans le but d'en déloger son ennemi.

Phillimore. § 124. Selon Sir Robert Phillimore, le droit de défense personnelle peut, dans certaines circonstances, entraîner avec lui la nécessité d'intervenir dans les relations d'un autre Etat, et jusqu'à un certain point d'en contrôler la conduite, quand même les intérêts de l'Etat intervenant ne sont affectés qu'indirectement; lorsque, par exemple, les institutions intérieures d'un Etat sont incompatibles avec la paix et la sûreté des autres Etats; lorsqu'il s'agit d'exercer des droits et des devoirs de garantie, de protéger des droits ou des intérêts de réversion, de conserver l'équilibre, c'est-à-dire d'empêcher l'agrandissement dangereux d'un Etat par des acquisitions extérieures, de protéger les sujets d'un autre Etat contre la persécution pour l'exercice d'un culte non reconnu par cet Etat, mais analogue à celui de l'Etat intervenant.

Bluntschli,

Guizot

Arntz.

§ 125. Après avoir posé en principe que « les puissances étrangères ne peuvent pas dans la règle s'immiscer, au nom du droit. international, dans les questions constitutionnelles qui surgissent dans un Etat indépendant, ni y intervenir en cas de révolution politique, » M. Bluntschli regarde l'intervention comme autorisée lorsqu'un Etat demande lui-même à une puissance amie d'intervenir ou accepte l'offre qui lui en est faite ; « car, dit-il, dans ce cas il n'est porté aucune atteinte à l'indépendance de l'Etat. » Et lorsque la conduite inique d'un Etat constitue un danger général, toutes les autres puissances sont justifiées à appuyer les réclamations de l'Etat directemeat menacé et à contribuer au rétablissement du droit et de l'ordre. § 126. Guizot était d'avis que « nul Etat n'a le droit d'intervenir dans la situation et le gouvernement intérieurs d'un autre Etat, qu'autant que l'intérêt de sa propre sûreté lui rend cette intervention indispensable. »

§ 127. Le professeur Arntz est partisan de l'intervention dans les affaires intérieures d'un autre État dans les circonstances suivantes :

<< 1° Lorsque les institutions d'un autre Etat violent les droits d'un tiers ou menacent de les violer, ou lorsque cette violation est la conséquence nécessaire de ces institutions, et qu'il en résulte l'impossibilité de coexistence régulière des Etats.

<< 2° Lorsqu'un gouvernement, tout agissant dans la limite de ses droits de souveraineté, viole les droits de l'humanité, soit par des mesures contraires à l'intérêt des autres Etats, soit par des excès d'injustice et de cruauté qui blessent profondément nos mœurs et notre civilisation.

« Le droit d'intervention est légitime; car, quelque respectables que soient les droits de souveraineté et d'indépendance des Etats, il y a quelque chose de plus respectable encore, c'est le droit de l'humanité ou de la société humaine qui ne doit pas être outragé (1). »

§ 128. Le professeur H. Strauch, de Heidelberg, justifie l'intervention dans deux cas: 1° quand plusieurs Etats règlent en commun un conflit international, auquel ils ne s'étaient point mèlés au début c'est qu'il dénomme le cas normal; et 2° quand les affaires intérieures d'un pays deviennent un danger pour les autres Etats: c'est le cas exceptionnel. Dans l'un et l'autre cas l'intervention a pour base un droit immanent à la société juridique qui, selon le professeur, existe entre les peuples qu'ils doivent exercer pour faire régner la justice parmi eux (2).

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§ 129. Dans ces derniers temps la doctrine de la non-intervention dans les affaires des autres États paraît avoir prévalu, du moins parmi les publicistes; car, comme le fait observer M. Pradier Fodéré, si le principe de la non-intervention est proclamé dans tous les protocoles, il n'a guère encore été réalisé dans le domaine des faits. Cependant ses partisans les plus prononcés ne peuvent s'empêcher de reconnaître des exceptions, des nécessités qui rendent l'intervention inévitable.

§ 130. Seebohm fonde la doctrine de la non-intervention sur ce fait qu'aucune nation ni réunion de nations n'a de par la nature le droit d'intervenir dans les affaires privées de l'une des autres nations, à moins que cette intervention ne soit strictement nécessitée pour assurer le bien général de tous les peuples: c'est une règle analogue à la loi de la liberté civile, qui refuse à tout particulier, même à tout État, le droit de s'ingérer dans les droits personnels

(1) Revue du droit international, 1876, t. VIII, p. 673.

(2) Dr Hermann Strauch, Zur Interventions Lehre, 1879, p. 3.

H. Strauch.

Non

intervention.

Seebobin.

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