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Prétention subsidiaire

Dom Miguel, nous nous demanderons si réellement la reine a succédé à l'infant.

Certainement non, puisque Dom Miguel s'est emparé du trône en abusant des pouvoirs qu'il avait acceptés de Dona Maria et qu'il tenait d'elle, -elle en qualité de souveraine, lui en qualité de son sujet. Donc, en fait, la reine régnait avant lui et continua de régner dans la partie du territoire où son gouvernement se faisait obéir ; il n'y a donc pas eu succession avec les devoirs inhérents à ce fait, mais lutte et victoire avec leurs conséquences légitimes; de sorte qu'il ne s'agit pas des obligations d'un gouvernement succédant à un autre gouvernement, mais bien de deux gouvernements co-existant sur le même territoire, de deux pouvoirs armés l'un contre l'autre, de deux belligérants, nous voulons bien le concéder, quand, pour parler plus justement, nous devrions dire qu'il s'agit d'un rebelle cherchant à détruire le gouvernement qu'il était son devoir et qu'il avait pris l'engagement de respecter et de faire respecter; or, d'après le droit des gens, les actes des rebelles ne peuvent obtenir de reconnaissance.

Le rejet de cette prétention entraîne nécessairement le rejet de la demande de recours à exercer sur les propriétés de Dom Miguel, qui ont été réunies au domaine de l'État; car ne serait-ce pas reconnaître indirectement l'emprunt de 1832 que d'autoriser cette revendication de la part des porteurs de titres contre le Domaine du Portugal ?

Reste la prétention subsidiaire des souscripteurs de l'emprunt, précisément par ce qu'il a toujours proclamé la nullité radicale de l'emprunt, le gouvernement de Dona Maria ne pouvait avoir ni titre ni prétexte pour s'emparer des titres trouvés dans les caisses du trésor et représentant les fonds versés par les porteurs.

La raison d'équité qu'on invoque pour appuyer cette prétention tombe d'elle-même devant les droits reconnus aux belligérants, parmi lesquels figure en première ligne celui d'enlever à l'adversaire les moyens de résister.

Or qui pourrait nier que les sommes provenant de l'emprunt dont il s'agit ne fissent partie des moyens de résistance de l'ennemi? Cet emprunt n'avait-il pas été contracté par Dom Miguel en pleine guerre civile, expressément dans le but de soutenir la lutte?

Donc si, comme on l'admet, la partie réalisée de l'emprunt, qu'elle fût ou non trouvée dans les caisses publiques, - appartenait au gouvernement de fait en faveur duquel elle avait été souscrite et aux mains duquel elle avait été remise, la capture ou la

confiscation en était strictement légale de la part du gouvernement de droit le belligérant vainqueur, puisque ces valeurs étaient entrées effectivement dans l'avoir du rebelle l'autre belligérant vaincu.

C'est, du reste, une question dont l'examen aura mieux sa place ailleurs (1).

Quant à la déclaration de Dom Pedro du 31 juillet 1833, elle a certainement une grande valeur morale, car elle émane du même Régent qui avait promulgué le décret du 23 août 1830; mais elle ne constitue pas un engagement formel, obligatoire envers ceux des souscripteurs à l'emprunt à qui les fonds encaissés pourraient revenir de droit. En tout cas, si le régent pouvait être lié par cette promesse, l'Etat, l'était-il pour sa part? Or le Portugal était dès cette époque un état constitutionnel, les Chambres seules pouvaient disposer des revenus du trésor.

En résumé nos conclusions sont :

Que le refus du Gouvernement du Portugal est, comme nous l'avons démontré, fondé en droit strict, mais nous pensons aussi qu'il aurait fait un acte de bienveillance et de bonne politique en respectant l'intention généreuse qu'a inspiré à Don Pedro le Décret du 31 juillet 1833 *.

Résumé.

Effets produits sur le

domaine

et

sur la pro

§ 103. Au milieu des guerres et des révolutions qui ont bouleversé l'Europe depuis le commencement du siècle, les questions de domanialité et de propriété privée, que font naturellement sur- priété privée. gir les conquêtes et les annexions de territoires, les chutes et les restaurations de gouvernements, ont été soulevées sur plus d'un point de l'ancien monde et discutées sous toutes leurs faces. Nous n'avons ni à rechercher ni à apprécier le rôle, tantôt actif et tantôt passif, tantôt juste et tantôt blamable, que les diverses puissances

(1) Voir tome IV: Subsides pécuniaires; emprunts.

Rapports au Sénat français, le 29 avril 1853 et le 2 juillet 1862, par MM. Leboeuf et Bongeau-Becker, Etudes de droit int.; Emprunt Royal de Portugal 1832; Documents authentiques et historiques; L'emprunt Dom Miguel (1832) devant le Droit des Gens et l'histoire ; Rolin-Jaequemyns, Revue de droit int., t. II, p. 713; Alglave et L. Renault, La personnalité de l'État en matière d'emprunt; Martens Ferrao, Consultation de l'avocat Général de la couronne de Portugal; Mendes Leal, Portugal de 1825-1880, Arntz, Revue de Droit int., t. XII, p. 653; Notices et notes diverses; De Cléry et Robinet, Des emprunts contractés par un Gouvernement étranger dans l'exercice d'une souveraineté de courte durée ou pendant une guerre civile, Journal de Droit int. privé, 1881, p. 42; Lettre de M. Barthélemy Saint-Hilaire, ministre des Affaires étrangères de France: Déclaration à la Tribune, de M. le Comte de Choiseul (Journal officiel), du 9 décembre 1880. Phillimore, t. III, pp. 229 et seq.; Bluntschli, § 768, Revue de droit int., t. II, p. 465.

ont joué dans ces grands drames politiques, qui rentrent dans le domaine de l'histoire de chaque pays; notre tâche doit se borner ici à examiner sur le terrain de la théorie et de la pratique les conséquences qu'entraîne, au point de vue des propriétés publiques et particulières, les changements fondamentaux qui se produisent au sein d'un État quelconque.

Le domaine public est en quelque sorte l'Etat lui-même il en reflète la personnalité, comme le domaine privé reflète la personnalité de son propriétaire. Le gouvernement qui s'établit dans un État se convertit donc ipso facto en propriétaire du domaine public. Cet axiome n'est pas contestable; mais en est-il de même de la propriété privée? Quelques gouvernements nés des secousses d'une révolution n'ont pas craint de décréter la confiscation de tous les biens appartenant aux partis vaincus. Dans ce cas, ce fait acquiert la valeur du droit, pourvu que la confiscation soit positive et non équivoque. Qu'adviendra-t-il pourtant. si la confiscation décrétée révolutionnairement vient plus tard à être révoquée, si, par exemple, le gouvernement restauré, sans se préoccuper de la lésion des droits acquis à l'ombre d'une situation politique et de la garantie de lois expresses, rétablit les choses dans leur état primitif? Nul doute qu'alors, en vertu des principes du jus postliminii, les propriétés particulières confisquées qui n'ont pas été vendues, de même que les portions non aliénées du domaine public, ne reviennent logiquement, nécessairement, à leurs anciens possesseurs et propriétaires. En ce qui concerne la propriété publique ou privée régulièrement et légalement passée en d'autres mains, il est difficile d'appliquer la mème règle. Le fait de la révolution a en effet créé sur ce point une espèce de droit, duquel il est impossible de ne pas tenir compte. Et quoique dans la pratique on ait plus d'une fois méconnu le respect des droits acquis, ainsi que cela s'est vu notamment en Espagne du temps de Fernand VII, il n'en est pas moins certain que depuis Grotius toutes les nations se sont trouvées d'accord avec les publicistes pour condamner comme contraire à la morale et à la saine justice l'application générale de ces mesures extraordinaires. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que, dans le domaine public où les biens particuliers confisqués et vendus ont été acquis par des étrangers, les actes d'achat doivent être respectés, alors même que le gouvernement qui les aurait autorisés viendrait à être considéré comme usurpateur par le souverain légitime. Le produit de la vente des biens confisqués étant habituellement versé dans les coffres du trésor public, le

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moyen le plus pratique de résoudre ces délicates questions de propriété et de droits acquis est de confirmer toutes les ventes et d'indemniser en même temps les anciens propriétaires aux frais de l'Etat. C'est à ce système qu'on a eu recours en 1815 relativement aux biens des émigrés français confisqués et vendus pendant la révolution, ainsi qu'aux propriétés domaniales des provinces belges et allemandes qui avaient été aliénées durant leur incorporation à la France. Le principe que consacrèrent sous ce rapport les traités de Paris du 30 mai 1814 et du 20 novembre 1815 fut pleinement confirmé par les résolutions de la diète germanique, et ne souleva de difficultés que pour le domaine public des territoires distincts composant l'ancien royaume de Westphalie: la Prusse reconnut les aliénations faites; mais l'électeur de Hesse et le duc de Brunswick s'y refusèrent péremptoirement.

En résumé, on peut admettre les principes suivants :

Les actes d'un gouvernement intermédiaire demeurent valables et doivent être reconnus par le gouvernement qui lui succède, si celui-ci a reconnu le gouvernement intermédiaire par un traité de paix antérieur ou postérieur, et, à plus forte raison, s'il a accédé à ces actes, à un ou plusieurs de ces actes, soit par un traité conclu avec le gouvernement duquel ils émanent ou avec une tierce puissance (1), soit par une déclaration explicite ou même implicite de sa volonté.

Si les actes du gouvernement intermédiaire ont été conformes aux préceptes de la constitution et de l'administration ancienne et légitime du pays, il est évident que dans ce cas le gouvernement intermédiaire n'a agi que comme l'aurait fait le souverain légitime, et celui-ci, en ne reconnaissant pas ces actes, contreviendrait à la constitution et aux lois qui le dirigeaient avant son empêchement; il ne peut donc logiquement se refuser à en admettre la validité.

On peut en dire autant de tout acte auquel il n'a point pris part, mais dont la nécessité et l'utilité sont démontrées, quand bien même ils ne seraient pas conformes à la constitution et à l'administration légitimes.

Dans le cas où le gouvernement intermédiaire aurait exigé d'un sujet de l'Etat ou d'un étranger le paiement d'une dette due à l'État ou une prestation quelconque, en l'obligeant, par exemple, à se

(1) C'est parce qu'on lui opposa l'acte de reconnaissance du roi de Westphalie que dans l'espèce citée plus haut, la Prusse se crut obligée de soutenir et de défendre la validité des aliénations domaniales effectuées dans les territoires qu'elle acquérait par droit de conquête.

Responsa bilité d'na

soumettre à une obligation conventionnelle, comme le paiement ou la prestation est alors censé avoir tourné au profit de l'État, le souverain légitime ne pourra annuler les engagements formés dans ces circonstances, ou bien il ne pourra le faire qu'en indemnisant la partie contractante du montant qu'elle aura avancé, sauf toutefois son recours contre l'usurpateur.

Il en sera de même lorsqu'il s'agit de fournitures faites au gouvernement intermédiaire et ayant tourné au profit de l'État; car l'État est tenu d'honneur de payer ce qu'il doit, quelle que soit la personne ou les personnes qui dirigent son gouvernement. Sa responsabilité du paiement deviendrait contestable, s'il y avait eu con cussion, et si les objets acquis ou échangés n'avaient point été employés au service public. Du reste, si l'acquéreur a fait des améliorations réelles dans la chose qu'on veut lui faire rendre, il peut exiger d'en être indemnisé.

Cette énumération fixe les règles générales pour résoudre toutes les questions de domanialité et de propriété privée qui peuvent surgir à la suite de changements fondamentaux dans le gouvernement et des transformations politiques d'un pays. S'il n'en a pas toujours été tenu compte dans la pratique, il est permis d'affirmer que ces exceptions n'ont affaibli en rien la valeur et la force des principes qui reposent sur les plus saines notions de justice et d'équité, et auxquels de nombreux traités, ainsi que l'usage invariable des nations les plus civilisées, sont venus ajouter la consécration du droit international *.

§ 104. La responsabilité des actes de violence commis par un gouverne gouvernement, bien qu'illégitime, retombe sur celui qui lui sucaux actes de cède, à tel point que le changement même de dynastie ne saurait

inent quant

violence com

mis Te l'en exempter.

par gouvernement précé

dent.

Par les traités de 1814 et de 1815 les puissances alliées ont appliqué ce principe à la France dans toute sa rigueur. Il en a été de même dans le cours des négociations suivies entre les États-Unis, la France, la Hollande et le royaume de Naples pour les prises et les confiscations prononcées en vertu des célèbres décrets publiés par Napoléon Ier à Berlin et à Milan pendant ses guerres avec la Grande-Bretagne. On sait qu'à ce sujet le principe de responsabilité définitivement été reconnu par la France en faveur des États-Unis,

Wheaton, Elém., pte. 1, ch. 11, § 15; Vattel, Le droit, liv. I, ch. XXI, §§ 260, 261; Puffendorf, De jure, lib. VIII, cap. XII, §§ 1-3; Phillimore, Com., vol. I, pte. 2, ch. vII, § 137, in fine; Klüber, Droit, §§ 258, 259; Heffter,

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