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Guerre civile, - Ses

Fouveraineté

Dans sa sphère interne, dans ses relations de droit public, l'État peut subir des transformations infinies: c'est ce qui fait dire que, par rapport aux membres qui constituent la société, l'État est variable, mais que, par rapport à la société elle-même, il est permanent. Pour que l'État se modifie ou que son identité extérieure change, il est indispensable que la société éprouve dans sa manière d'être un changement fondamental et de nature à altérer non seulement les conditions de la société qui le subit, mais encore celles de l'État lui-même. Ajoutons qu'en général les changements et les altérations intérieures d'un État n'ont pas une influence décisive sur sa considération internationale, ne l'exemptent d'aucune obligation, ni ne le privent d'aucun de ses droits dans la sphère de ses relations extérieures *.

§ 83. Mais si ces principes généraux sont rigoureusement vrais affets sur la dans leur application à un état de choses normal, en peut-on dire autant du cas de guerre civile, et ne convient-il pas alors de faire fléchir la règle posée ?

d'un Etat.

Faut-il considérer l'État victime de scissions intérieures comme partagé en deux États distincts, et déduire de cette séparation toutes les conséquences logiques qu'elle entraîne?

Un État étranger peut-il prendre parti en faveur de l'un des contendants?

Quand y a-t-il lieu de proclamer et de reconnaître la qualité de belligérants?

Telles sont les graves questions de droit international que soulève l'explosion d'une guerre civile, et auxquelles les publicistes ont donné des solutions théoriques et pratiques fort diverses, suivant les circonstances et le point de vue politique qui ont influencé leurs opinions.

Grotius pose en principe qu'une nation victime de la guerre civile doit être considérée, après un certain temps, comme formant deux nations. Dans le même ordre d'idées, Vattel soutient que lorsqu'un peuple est livré à la guerre civile, les autres nations ont la faculté de prêter assistance à celui des combattants qu'elles jugent avoir le droit de son côté ; toutefois, reconnaissant sans

Heffter, §§ 23, 24; Wheaton, Élém., pte. 1, ch. II, § 7; Grotius, Le droit, liv. II, ch. IX, § 3; Phillimore, Com., vol. I, § 126; Rutherforth, Institules, b. II, ch. X, §§ 12-14; Puffendorf, De jure, lib. VIII, cap. XII, § 7; Halleck, ch. III, § 19; Bello, pte. 1, cap. I, § 8; Wildman, p. 68; Merlin, Répertoire, v. Souveraineté Pradier-Fodéré, Grotius, t. II, p. 91; Lawrence, Com., pte. 1, ch. II, § 7.

doute les dangers et les inconvénients de cette doctrine, il s'empresse d'ajouter qu'on ne doit pourtant pas abuser de ce principe pour allumer ou entretenir la guerre civile dans un autre pays, et, après avoir rappelé comme correctif un certain nombre d'antécédents historiques, il termine en disant:

« Pour ce qui est de ces monstres qui, sous le titre de souverains, se rendent les fléaux et l'horreur de l'humanité, ce sont des bêtes féroces, dont tout homme de cœur peut avec justice purger la terre. Toute l'antiquité a loué Hercule de ce qu'il délivra le monde d'un Antée, d'un Busiris, d'un Diomède. »

Pinheiro Ferreira repousse ces conclusions en s'appuyant sur l'indépendance des nations, sur la souveraineté des États et sur les facilités que la doctrine d'intervention donne aux gouvernements pour commettre ou pour perpétuer des abus.

Wheaton reproduit littéralement la doctrine de Vattel; mais il fait remarquer que toutes les fois qu'un État étranger se met du côté de l'une des parties en lutte, il s'en déclare nécessairement l'allié, et qu'à ce titre, devenant forcément l'ennemi de l'autre, puisque le droit des gens n'établit aucune différence entre une guerre juste et une guerre injuste, l'État intervenant assume tous les droits comme toutes les conséquences de la guerre.

Halleck, au contraire, combat la doctrine de Vattel, qu'il trouve en opposition directe avec tout ce que le même auteur a écrit sur l'intervention d'un État dans les affaires intérieures d'un autre État.« Si un État étranger, dit-il, a le droit de prendre part aux guerres civiles d'un autre État, il n'y a plus de limite au droit d'in

tervention. >>

S'attachant à réfuter plus en détail ce qui sert de base aux principes posés par Grotius et développés par Vattel, Halleck montre que les partis opposés au sein d'un État livré à la guerre civile peuvent avoir des titres égaux aux droits de la guerre, et par suite à leur reconnaissance comme belligérants par les États étrangers qui veulent rester neutres dans la question. Or cette reconnaissance de la qualité de belligérants suppose bien l'existence de certains droits, tels que ceux de blocus, de siège, etc.; mais elle n'implique pas comme conséquence forcée que les deux factions ennemis constituent deux États séparés et distincts. Même en faisant cette supposition, continue le même auteur, on ne sera jamais fondé à prétendre qu'une puissance étrangère ait le droit absolu de donner assistance à la fraction dont elle pourra considérer la cause comme juste; en effet, raisonner ainsi équi

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vaut à dire que cette même puissance peut se constituer juge de la justice ou de l'injustice de la guerre, ce qui est contraire au droit international, lequel, en principe, regarde toute guerre comme juste à l'égard des deux belligérants.

Halleck n'admet pas davantage que la justice ou l'injustice d'une guerre soit une raison suffisante pour légitimer l'intervention d'un État étranger.

§ 84. Pour résoudre complètement cette délicate question, qui présente de si sérieuses difficultés pratiques, il faut la rapprocher de celle de la reconnaissance comme belligérants des partis qui luttent l'un contre l'autre dans l'intérieur d'un pays. En examinant théoriquement cette dernière question, on se demande sur quoi peut se fonder cette reconnaissance. Le seul motif vraiment rationnel et légitime pour qu'un Etat attribue le caractère de belligérant aux factions d'un autre État, c'est que la lutte de ces factions compromet les droits et les intérêts du gouvernement étranger, qui, par la reconnaissance du titre de belligérant, définit la position qu'il entend assumer à l'égard des combattants. Or, à ce point de vue, on peut dire que les États séparés par de grandes distances de celui que déchirent des discordes intestines n'ont en général aucun intérêt à prêter leur appui moral aux partis adverses et à leur reconnaître un caractère qui ne pourrait que les encourager dans leur lutte.

Il n'en est pas tout à fait de même lorsqu'il s'agit d'une nation essentiellement maritime; l'importance des intérêts commerciaux, la sûreté et la protection des particuliers peuvent obliger les autres nations, même celles qui sont les plus éloignées, à se prononcer sur le caractère de la lutte engagée. Dès qu'ils sont reconnus comme belligérants, les deux partis en cause acquièrent au même titre le droit d'armer des croiseurs et de faire visiter, arrêter et juger par leurs cours de prises les navires marchands étrangers; mais, pour être légitime et ne pas entraîner l'assimilation à des actes de piraterie, l'exercice de ce droit de visite est forcément subordonné à la reconnaissance préalable de la qualité de belligérant.

vile aux E. § 85. La question que nous venons d'aborder a été très longueDiscussion ment et très savamment débattue dans la correspondance suivie dams et lord entre M. Adams, ministre des États-Unis à Londres, et lord John jet des droits Russell, alors chef du Foreign office, à l'occasion de la conduite recon- tenue par l'Angleterre lors de la formidable insurrection qui, de 1861 gouverne- à 1864, a failli compromettre l'existence des États-Unis de l'Amé→

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rique du Nord. M. Adams soutenait que la reconnaissance des États confédérés du Sud comme belligérants par le cabinet de Londres, de concert avec celui de Paris, était un acte sans précédent dans l'histoire du droit international et la conséquence d'une coupable précipitation de la part du gouvernement anglais. Lorsqu'une insurrection, disait-il, éclate contre un gouvernement constitué légitimement, les gouvernements étrangers qui veulent continuer d'entretenir avec lui des relations pacifiques, des rapports de bonne harmonie et d'intimité, sont tenus de s'abstenir avec soin de toute mesure propre à exercer une influence quelconque sur la situation du pays dont la tranquillité intérieure est troublée; cependant, si après un temps moral suffisant on voit que la lutte se prolonge et n'offre nulle perspective d'une fin prochaine, alors, surtout quand il s'agit de nations maritimes, la nécessité de la reconnaissance des combattants comme belligérants se justifie d'ellemême, et personne n'est fondé à la blâmer. Ces principes reçurent l'approbation de lord Russell, qui, dans sa réponse au cabinet de Washington, s'efforça seulement de justifier la conduite du gouvernement de la reine, en faisant valoir la force des circonstances, l'urgence de l'affaire et la nécessité d'éclaircir une position dans laquelle étaient engagés les plus sérieux intérêts de l'Angleterre (1).

A nos yeux, le précédent historique, que nous venons d'emprunter à deux puissances de premier ordre, résout pratiquement de la manière la plus précise et la plus satisfaisante la question de la déclaration et de la reconnaissance du titre de belligérant.

En combinant avec la doctrine énoncée par Wheaton l'opinion formulée par M. Adams et adoptée en principe par lord Russell relativement aux belligérants, il est facile de dégager la solution que réclame la question de guerre civile.

guerre

§ 86. Il est tout d'abord évident qu'un État déchiré par la civile ou mixte, ainsi que Grotius la nomme, ne peut ipso facto être considéré comme formant deux États distincts; pour en arriver là, il faut que la persistance de la lutte, 1 égalité des éléments qui s'y trouvent engagés et l'impossibilité de déterminer son issue aient pris un caractère tel que les tiers soient pleinement autorisés à accepter comme réalisée une séparation qui n'a pas encore reçu la consécration définitive et irrévocable du fait accompli. D'un

(1) Correspondance diplomatique entre M. Adams et lord Russell, commencée le 7 avril 1861 et close le 18 septembre de la même année.

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autre côté, comme nous avons déjà cu occasion de l'établir, un État est, dès le moment de sa constitution, souverain dans ses relations intérieures, et n'a besoin de la reconnaissance des autres Etats que pour l'exercice des droits qui correspondent à la souveraineté extérieure. Une des conséquences de ce principe, c'est que les luttes civiles qui n'appartiennent pas au domaine international ne sauraient à aucun titre, et par cela seul qu'elles ont surgi, pri ver cet État des prérogatives de son identité et de son unité. Les factions, comme les troubles et les guerres intérieures qu'elles suscitent, naissent et meurent dans le sein même de l'État qui les subit leurs effets, quelque lamentables qu'ils soient presque toujours, doivent demeurer comme cachés et étrangers à la vue aussi bien qu'à l'action des autres nations.

Les étrangers établis dans un pays en proie à la guerre civile, et auxquels cet état de choses a occasionné des préjudices, n'ont eux-mêmes aucun droit à des indemnités, à moins qu'il ne soit positivement établi que le gouvernement territorial avait le moyen de les protéger et qu'il a négligé d'en user pour les mettre à l'abri de tout dommage. Ces principes ont dans plus d'une circonstance été reconnus explicitement par les gouvernements d'Europe et d'Amérique (1) *.

En résumé, l'opinion de Wheaton: qu'un État, par le fait de son intervention dans une guerre civile en faveur de l'un des contendants, se place dans une position d'hostilité à l'égard de l'autre, est fondée en droit, en tant qu'il s'agit du cas de véritable guerre se produisant dans les conditions générales que nous avons signalées plus haut.

De même Halleck a raison de soutenir qu'en dehors des circonstances toutes spéciales qui pourraient justifier les conclusions de Vattel, l'État victime de troubles et de déchirements intérieurs ne saurait ipso facto être considéré comme formant deux États distincts et séparés. Enfin, s'il est vrai que la reconnaissance et la déclaration du caractère de belligérant faites par un État étranger

(1) Voyez Devoirs mutuels des États.

Grotius, Le droit, liv. 2, ch. 25, § 8; Vattel, Le droit, liv. 2, ch. 4, § 56; Wheaton, Elém., pte. 1. ch. 2 §7; Kent, Com., vol. I, §§ 23 et seq.; Twiss, Peace, § 21; Rutherforth, Institutes, b. 2, ch. 9; Puffendorf, De jure, lib. 8, cap. 6 § 14; Bynkershoek, Quæst.. lib. 2, cap. 3; Wildman; vol. 1, pp. 51, 57, 58; Halleck, ch. 3, § 20; Martens, Précis, §§ 79-82; Lawrence, Com., pte. 1, ch. 2 §7; Pinheiro Ferreira, Cours, t. II pp. 5 et seq.; Lawrence, Elem., by Wheaton, note 16; Dana, Elem., by Wheaton, note 15. Hatt. international law, pp. 27-30.

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