Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

tion du droit naturel aux relations internationales. Lorsque ce droit s'applique strictement à ces relations, il constitue le droit des gens. nécessaire, ainsi appelé, parce que les nations ne peuvent se soustraire à son observation. Le droit des gens nécessaire est aussi immuable que la nature même des choses. C'est de l'indépendance et de la liberté des nations que Vattel déduit la force des traités, même de ceux qui sont conclus contre la loi naturelle, et il arrive ainsi à l'affirmation du droit des gens volontaire, point fondamentale de la différence qui existe entre son système et celui de Wolff. Il admet également le droit des gens conventionnel, qui est obligatoire en tant qu'il existe un engagement, et qui, par cette raison, est un droit particulier et spécial au même titre que le droit coutumier. Mais ce qu'il importe de ne pas perdre de vue, c'est que le grand résultat des travaux de Vattel a été de prouver que la base du droit des gens réside dans le droit naturel, quelles que soient d'ailleurs les modifications que ce dernier ait eu à subir dans son application aux relations internationales.

§ 17. Martens part des mêmes principes que Vattel, et reconnaît aussi comme fondement du droit des gens le droit naturel modifié selon le caractère des relations internationales auxquelles il s'applique. Cet auteur cependant étend plus que Vattel le droit qu'ont les nations d'altérer les principes du droit naturel par des conventions et des traités.

Système de
Martens.

Heffter.

§ 18. Wheaton paraît croire que Heffter, adoptant l'acception si Système de étendue jus gentium des Romains, fait reposer le droit des gens sur l'usage et le consentement tacite des nations. Cette impression de l'éminent publiciste nord-américain n'est pas tout à fait exacte, car voici comment Heffter expose sa doctrine à cet égard : « Le droit, en général, se manifeste dans la liberté extérieure de la personne. L'homme individu pose son droit lui-même lorsque par sa volonté il crée le fait et l'a modifié selon les inspirations de sa conviction intime, ou selon ses intérêts du dehors. Mais dans les rapports sociaux des individus, le droit s'établit par leur volonté collective ou par celle de l'autorité à laquelle ils obéissent; le droit alors, c'est l'ordre social. Aucune association permanente n'existe dépourvue de lois : Ubi societas, ibi jus est. Le droit néanmoins ne comporte pas toujours avec lui la sanction qui le protège et l'impose d'une manière efficace; à côté de ce droit obligatoire, il existe un droit libre que les individus mêmes doivent protéger afin de le conserver entre eux. Le droit international avec son caractère primordial appartient à cette dernière catégorie.

Opinion de
Savigny.

<< Chaque État commence par poser lui-même la loi de ses rapports avec les autres États. Dès qu'il est sorti de l'isolement, il s'établit dans son commerce avec les autres une loi commune, à laquelle aucun ne peut plus se soustraire sans renoncer en même temps ou du moins sans porter atteinte à son existence individuelle et à ses rapports avec les autres. Cette loi se rétrécit ou s'élargit avec le degré de culture des nations.

<< Reposant d'abord sur une nécessité ou sur des besoins purement matériels, elle emprunte dans ses développements à la morale son autorité et son utilité; elle trace à l'action un but strictement moral, après s'être affranchie successivement de ses éléments impurs. Fondée, en effet, sur le consentement général, soit exprès, soit tacite ou présumé du moins, d'une certaine associatiou d'États, elle tire sa force de cette conviction commune que chaque membre de l'association, dans les circonstances analogues, éprouvera le besoin d'agir de même et pas autrement, pour des motifs soit matériels, soit moraux. La loi internationale néanmoins ne s'est pas formée sous l'influence d'un pouvoir législatif, car les États indépendants ne relèvent d'aucune autorité commune sur la terre. Elle est la loi la plus libre qui existe; elle est privée même, pour faire exécuter ses arrêts, d'un pouvoir judiciaire organique et indépendant. C'est l'opinion publique qui lui sert d'organe et de régulateur; c'est l'histoire qui, par ses jugements, confirme le juste en dernière instance et en poursuit les infractions comme Némésis. Elle reçoit sa sanction dans cet ordre suprême qui, tout en créant l'Etat, n'y a pourtant proscrit ni parqué la liberté humaine, mais a ouvert la terre tout entière au genre humain. Assurer au développement général de l'humanité, dans le commerce réciproque des peuples et des États, une base certaine, telle est la mission qu'elle est appelée à remplir; elle réunit à cet effet les États en un vaste faisceau, dont aucun ne peut se détacher. »

Heffter n'admet pas la dénomination de droit international pour désigner les principes qui régissent les relations des Etats, attendu que, selon lui, ce mot ne donne pas une idée correcte du jus gentium des Romains; il propose en conséquence de désigner le droit des gens, en tant qu'il s'applique aux relations des nations, des Etats et des souverains, sous le nom de droit public extérieur § 19. Savigny a donné pour base au droit international les mêmes principes que ceux sur lesquels repose le droit positif de chaque nation. A ses yeux, cette assimilation, fondée sur une communauté d'origine et sur une religion qui s'étend à la plupart des

nations, constitue le droit international, tel qu'il existe chez les peuples chrétiens de l'Europe, et tel même qu'il n'était pas inconnu aux anciens, puisque nous le retrouvons à Rome sous le nom de jus feciale. Dans le même ordre d'idées, le droit international peut être considéré comme positif, mais en même temps. comme imparfait en raison de l'incertitude de ses préceptes et de l'absence de ces pouvoirs publics et de ces magistrats qui dans chaque nation particulière sont chargés d'assurer l'exécution des lois. Les progrès de la civilisation, fondés sur la religion chrétienne, nous ont conduits, suivant Savigny, à observer un droit analogue dans nos relations avec toutes les nations du monde, quelle que soit leur religion et abstraction faite de toute réciprocité. § 20. Wheaton donne pour fondements au droit international Opinion de d'une part les traités et les conventions des Etats, d'autre part les principes de justice applicables aux relations des nations indépendantes. Ainsi Wheaton se place entre les deux grandes écoles qui, depuis le XVIIe siècle, se sont partagé le domaine du droit international; ces écoles, qu'on peut désigner sous les noms d'idéaliste et de positive, ont toujours visé, la première, à fonder le droit des gens sur les principes absolus de l'idée de justice comprise de telle ou telle manière; la seconde, à le baser sur les traités, les conventions ou les lois positives, en admettant dans tous les cas l'indépendance absolue des Etats pour conclure ces traités et ces conventions.

Wheaton,

Opinions

de

§ 21. Le savant Sir R. Phillimore se place au même point de vue, et, à ses yeux comme à ceux de Wheaton, le droit international Phillimore a pour fondements les traités et les principes de justice.

D'autres publicistes et philosophes ont fait reposer le droit international sur l'intérêt des Etats. Bentham est un des représentants les plus distingués de cette école.

§ 22. Fiore divise le droit international en droit naturel et en droit positif. Le premier consiste dans la loi naturelle de la coexistence des Etats et a sa base dans les rapports nécessaires qui dérivent de cette coexistence, et dans le besoin permanent et constant que chaque Etat a de conserver et de défendre les caractères essentiels et distinctifs de sa personnalité, et de respecter ceux des autres. Le second est la loi établie, c'est-à-dire celle des rapports existants ou qui peuvent naître entre les Etats; il puise son fondement dans le consentement des Etats, manifesté ou expressément par leur accord mutuel, ou tacitement par une observation

constante.

et

de Bentham.

Opinion de
Fiore.

Opinion de
Mancini,

Opinion de l'auteur.

« Le droit positif international, ajoute-t-il, est un assemblage de règles émanant du consentement des nations, ou de faits juridiques établis par l'observation constante comme règle de la conduite des Etats. Ce droit ne recevra sa forme complète que lorsque tous les Etats auront adopté un code uniforme. »

§ 23. Un autre professeur italien, M. Mancini, ancien ministre de la justice, qui est considéré comme le chef d'une nouvelle école de législation générale, née dans ces dernières années dans la péninsule des Apennins, applique au droit international sa théorie, qui donne la loi morale, limitée par l'élément politique, pour fondement à tous les droits comme à tous les devoirs, et des principes du droit universel, il déduit l'idée particulière du droit international.

« Le droit, dit-il, ne saurait jamais être un produit de la seule volonté humaine; il est toujours une nécessité de la nature morale, la puissance appliquée d'un principe de l'ordre moral procédant d'une région supérieure à celle où les hommes vivent et exercent leur volonté. L'activité et la liberté de l'homme sont de toute justice, et, selon le droit, elles se conforment à la loi de cette nécessité naturelle et peuvent s'en écarter, le produit de la volonté peut donc être l'erreur et l'injustice. »

§ 24. Pour notre part, nous reconnaissons que l'idée générale de justice peut modifier en bien et au profit commun les relations des Etats; toutefois, dans le cours de notre ouvrage, nous nous attacherons de préférence aux principes définis par les traités, aux règles qui se déduisent naturellement et logiquement des conventions particulières ou des divers cas résolus dans la pratique, enfin à la jurisprudence consacrée. En procédant ainsi, nous laisserons à l'écart toute application fausse ou inutile de théories non justifiées, évitant avec soin d'altérer d'une manière systématique le langage des faits, toujours clair et péremptoire lorsque l'intelllgence qui les examine est guidée par une rigide impartialité *.

* Wheaton, Elem., pte. 1, ch. 1, §§ 1-10; Grotius, Le Droit, liv. 1, ch. 1, § 10; Hobbes, De Cive, cap. 14, n° 4; Puffendorf, De jure, lib. 2, cap. 3, § 23; Bynkershoek, De foro, cap. 3, 7, 19; Wolff, préf.; Vattel, Le Droit, préf., t I, pp. 58 et seq.; prélim., §§ 6-9; Martens, Précis, int, §§ 1 et seq.; Heffter, §§ 2 et sep.; Savigny, System., Bd. I, cap. 2, § 6; Phillimore, Com., v. I, pte. 1. ch. 3; Suarez, lib. 2, cap. 19; Ompteda, B. 1, p. 187; Halleck, ch. 2, §§ 3 et seq.; Fiore, t. 1, pp. 30 et seq.; Wildman, v, I, pp. 14 et seq.; Riquelme, lib. 1, tit. 1, sec. 1, cap. 1; Hobbes, cap. 14, § 4: Rayneval, Inst., liv. 1, ch. 1; Bello, prélim.; Hau

Caractères

§ 25. Le droit des gens, envisagé au point de vue positif et pra- des lois intertique, n'a pas une étendue universelle. Il est presque limité aux nationales. Etats de l'Europe et de l'Amérique; c'est pourquoi beaucoup d'auteurs ont qualifié le droit international de Droit public européen, ou en ont circonscrit l'application aux peuples qui marchent à la tête de la civilisation (1).

Quoi qu'il en soit, il est certain que tous les peuples, par le fait même qu'ils existent et entretiennent des relations avec les autres, possèdent un droit international. Pour les publicistes qui confondent la notion du droit avec celle de la loi, comme pour ceux qui font dériver le droit de la loi et non celle-ci de celuilà, il est indubitable qu'il ne peut exister de droit des gens chez les peuples qui occupent le dernier degré de l'échelle de la civilisation. A cet égard, l'opinion de Montesquieu nous semble la plus concluante et la plus sûre. « Toutes les nations, dit-il, ont un droit des gens, jusqu'aux Iroquois eux-mêmes, qui mangent leurs prisonniers. Les Iroquois envoient et reçoivent des ambassadeurs, et connaissent les droits de la guerre et de la paix; le malheur est que ce droit des geus n'est pas fondé sur les véritables principes. >>

Ainsi ce qui constitue le caractère primitif des lois internationales ou du droit international, en tant qu'il semble être re

terive, Compendium, pp. 414 et seq.; Cauchy, int., § 2; Hautefeuille, Des droits, t. I, pp. 3 et seq.; Manning, pp. 57-66; Bowyer, chs. 3 et seq.; Massé, t. 1, §§ 32-43; Polson, sect. 1, § 2; Vergé, Précis de Martens, t, I, pp. 31 et seq; Pradier-Fodéré, Grotius, liv. 1, ch. 1, § 10; Fiore, Trattato di diritto internazionale pubblico, 2° edizione, 1879, §§ 52, 151-155; Mancini, Discorso per l'inaugurazione degli studi nell' ̧ Università di Roma, 1874, p. 29.

(1) On sait que par suite du traité signé à Paris le 30 mars 1856 (De Clercq, t. VII, p. 59), le Sultan a été appelé à participer aux avantages et aux garanties du droit public européen. Toutefois, bien avant cette époque, la Turquie s'était obligée par ses traités envers diverses nations chrétiennes. D'un autre côté, les Etats-Unis de l'Amérique du Nord et les nations maritimes d'Europe ont conclu des traités avec l'Imanat de Mascate, la Chine, le Japon, la Perse, Siam, l'Annam et avec presque tous les peuples de l'extrême Orient. Comme une preuve remarquable de l'influence de plus en plus décisive de la civilisation occidentale en Asie, nous mentionnerons la traduction en langue chinoise des Eléments de droit international de Wheaton, faite en 1854 par ordre du gouvernement chinois, et due aux soins du révérend père Martin, missionnaire nord-américain, assisté d'une commission ad hoc, composée de littérateurs et de savants de la Chine. Le gouvernement de Pékin a d'ailleurs montré à quelles inspirations il obéissait en entreprenant une pareille publication, puisqu'il a commencé à citer l'ouvrage de Wheaton dans sa correspondance diplomatique.

« ZurückWeiter »